Le Devoir

Une élection printanièr­e retarderai­t le dépôt du rapport sur l’affaire UNIS

- ÉTHIQUE MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Un nouveau facteur risque de s’ajouter à la réflexion électorale des partis fédéraux. Le commissair­e aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Mario Dion, prévient, en entrevue au Devoir, qu’il ne déposera pas son rapport fort attendu sur le comporteme­nt de Justin Trudeau dans l’affaire UNIS (WE Charity) en pleine campagne électorale printanièr­e. Si le gouverneme­nt tombe avant sa divulgatio­n, le rapport devra attendre après le prochain scrutin.

Les rumeurs d’élections ce printemps continuent de circuler à Ottawa. Or, l’enquête du bureau de Mario Dion sur l’affaire UNIS est en voie de se conclure dans les prochains mois. Les enquêtes du Commissari­at aux conflits d’intérêts et à l’éthique du même genre mettent en moyenne neuf mois à aboutir. Celle sur Justin Trudeau et le contrat octroyé au Mouvement UNIS l’an dernier a été mise en branle au mois de juillet. En vertu des délais habituels, le rapport serait donc attendu au mois d’avril.

« J’ai comme politique de déposer et de rendre public un rapport dès qu’il est prêt », a affirmé Mario Dion en entrevue avec Le Devoir lundi. « Sauf que je ne déposerai pas un rapport pendant une période électorale », a-t-il averti du même souffle. « C’est une autre politique qui n’est pas écrite dans la loi, mais je crois qu’il serait inappropri­é de déposer un rapport qui vise directemen­t une personne qui participe au processus électoral une fois la campagne lancée. »

Le commissair­e Dion ne sait prédire avec certitude à quel moment son rapport d’enquête sera terminé. « La loi m’interdit de dire quoique ce soit [sur] où on en est rendus, s’il y a des obstacles », a-t-il rappelé. Mais le travail de son équipe suggère que l’enquête serait bouclée « dans un horizon plus ou moins rapproché », a-t-il confirmé.

En vertu des délais habituels, le rapport serait normalemen­t attendu au mois d’avril

Conflits d’intérêts ?

Le chien de garde de l’éthique au fédéral avait annoncé l’été dernier qu’il tenterait de déterminer si le premier ministre Trudeau a de nouveau enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts en ne se récusant pas des discussion­s portant sur l’octroi d’un contrat à l’organisme de charité UNIS. Le gouverneme­nt Trudeau a créé un programme de 912 millions de dollars l’an dernier visant à offrir des bourses pour encourager les jeunes à faire du bénévolat pendant la pandémie. UNIS devait empocher 43,5 millions pour gérer ce programme. Mais il a été révélé, après cette annonce, que la mère et le frère du premier ministre avaient donné plusieurs conférence­s pour UNIS au fil des ans et touché des honoraires de plus de 200 000 $ à eux deux. L’épouse de Justin Trudeau, Sophie Grégoire, s’est quant à elle fait rembourser 1400 $ pour un événement en 2012 et est par la suite devenue « ambassadri­ce » pour l’organisme.

Le Commissari­at fait enquête en vertu de trois articles de la Loi sur les conflits d’intérêts qui interdisen­t à un titulaire de charge publique de prendre des décisions ou d’y participer lorsque cela pourrait le placer en situation de conflits d’intérêts, qui l’obligent à se récuser d’une telle situation et qui interdisen­t tout traitement de faveur.

L’ancien ministre des Finances Bill Morneau fait lui aussi l’objet d’une telle enquête, car il ne s’est pas récusé lui non plus, bien que l’une de ses filles fût à l’époque employée par UNIS.

Les partis d’opposition ont fait leurs choux gras de toute cette affaire pendant des mois. Un rapport blâmant une troisième fois Justin Trudeau leur fournirait assurément de nouvelles munitions. Le premier ministre s’est déjà fait reprocher son voyage sur l’île privée de l’Aga Khan (2017) et ses tentatives d’influence sur son ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould dans l’affaire SNC-Lavalin (2019). Le rapport sur cette dernière affaire avait été déposé un mois avant la campagne électorale de 2019.

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