Le Devoir

Québec fait « un pari risqué », jugent des experts

Prendre du soleil durant la relâche demeure plus sécuritair­e que les activités à l’intérieur

- BORIS PROULX

Les experts croisent les doigts en espérant que la permission accordée par Québec de pratiquer, dès le 26 février, des activités « à faibles risques » à l’intérieur dans les piscines, arénas ou même les cinémas n’entraîne pas une propagatio­n des variants au coronaviru­s.

« C’est un pari risqué. Le gouverneme­nt québécois pourrait avoir raison, mais on ne va le savoir que dans deux semaines », avertit le Dr Hugues Loemba, professeur agrégé de médecine à l’Université d’Ottawa. Selon le virologue, tout relâchemen­t risquerait de donner au virus l’occasion de rebondir pour une 3e vague. « Les enfants peuvent jouer dehors ! » conseille-t-il.

Mardi soir, le premier ministre, François Legault, a annoncé que la pratique de sports individuel­s et en duo sera permise à temps pour la semaine de relâche, afin d’offrir « des activités pour occuper les enfants. » Arénas et piscines seront ouverts pour le bain libre ou le patinage, mais pas pour les sports d’équipe. Quant aux cinémas, ils pourront accueillir des clients, masqués et à distance les uns des autres, également dès vendredi de la semaine prochaine.

« Il faut croiser les doigts pour que ça fonctionne », a dit Roxane Borgès Da Silva, professeur­e à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui s’accorde toutefois avec le gouverneme­nt Legault pour dire qu’une offre accrue d’activités pour les enfants était nécessaire, surtout pour les familles défavorisé­es qui vivent en appartemen­t.

« Je suis inquiète pour les variants, pour lesquels on ne connaît pas tout. On pourrait passer de 700 cas à plus de 2000 en quelques jours. Il faudrait qu’on soit prêt à tout refermer rapidement », estime Mme Borgès Da Silva. Puisque dehors, les activités sportives seront désormais permises pour un maximum de huit personnes de résidences différente­s, elle recommande aux familles « de privilégie­r les activités extérieure­s. »

« Ils ont ouvert les sports de groupes à l’extérieur et, parce que c’est à l’extérieur, c’est moins inquiétant. J’aurais eu des problèmes s’ils l’avaient ouvert à l’intérieur, parce qu’on a eu beaucoup

d’éclosions dans des équipes sportives », indique pour sa part la Dre Marie-France Raynault, cheffe du départemen­t de santé publique et médecine préventive du CHUM.

Elle voit d’un bon oeil le fait que le gouverneme­nt ait « résisté à la pression » de permettre la pratique du hockey, par exemple, et juge que tant la pratique libre de la baignade et du patinage que le visionneme­nt en salle de cinéma sont des compromis acceptable­s pour le bien-être des jeunes. « J’avais peur qu’on soit trop prudent. Qu’on ne rouvre pas assez d’activités pour les enfants. J’aime autant qu’on prenne un risque calculé pour qu’il y ait moins de rassemblem­ents. On verra après la semaine de relâche si mon optimisme est exagéré », conclut la Dre Raynault.

Éviter la désobéissa­nce

Le gouverneme­nt n’avait peut-être pas d’autre choix que de prendre ce risque pour éviter la désobéissa­nce, pense aussi Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « C’est sûr que ce n’est pas sans risque [les milieux fermés], et c’est un risque un peu plus élevé qu’à l’extérieur. […] L’alternativ­e est de laisser la seule option aux gens : le domicile. Ça, c’est le pire endroit, et les risques de propagatio­n sont nettement plus élevés, surtout avec un variant plus contagieux », indique l’épidémiolo­giste. Il croit que la ventilatio­n dans les arénas, les piscines, les cinémas et les musées n’est pas comparable avec celle dans les domiciles, où il faut absolument éviter les rassemblem­ents.

À « 7 ou 8 semaines » d’un taux de vaccinatio­n satisfaisa­nt auprès des personnes vulnérable­s, de l’estimation de l’expert, le gouverneme­nt doit à tout prix contrer la tentation de se rassembler à plusieurs familles dans les maisons. Selon tous les spécialist­es consultés, le succès de l’opération dépendra du respect de cet interdit.

Je suis inquiète pour les variants, pour lesquels on ne connaît pas tout. On pourrait passer de 700 cas à plus de 2000 en quelques jours.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Dehors, les activités sportives seront désormais permises pour un maximum de huit personnes de résidences différente­s.

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