Le Devoir

Le maire de Québec s’oppose au projet de réforme amendé

Régis Labeaume a exprimé son désaccord envers la version modifiée du projet de loi 69, qui retire une exception initialeme­nt accordée à la capitale

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

Le maire de Québec s’oppose au projet de loi sur le patrimoine dans la nouvelle mouture qu’en propose la ministre de la Culture et des Communicat­ions, Nathalie Roy, à la suite d’amendement­s. Dans une lettre adressée à la ministre, le maire rejette la volonté de la ministre de soumettre la ville Québec au même mode de fonctionne­ment que les autres municipali­tés québécoise­s en matière de gestion des démolition­s d’immeubles patrimonia­ux.

Le projet de loi 69 prévoyait jusqu’ici une exception pour Québec, mais dans une suite d’une vingtaine d’amendement­s, cette dispositio­n initiale est passée sous le tapis, au plus grand déplaisir de Régis Labeaume.

Dans sa lettre, le maire Labeaume affirme qu’il s’oppose à ce que les décisions rendues par la Commission d’urbanisme et de conservati­on de Québec (CUCQ) puissent désormais être remplacées par un comité consacré spécialeme­nt aux questions de démolition. « Nous nous opposons à ce que les décisions rendues par la CUCQ puissent faire l’objet d’une demande de révision », indique en substance le maire de Québec.

Pour le maire Labeaume, le véritable problème dans les municipali­tés en matière de patrimoine ne concerne pas les démolition­s d’immeubles patrimonia­ux, mais plutôt « d’assurer leur entretien afin que leur démolition ne devienne pas inéluctabl­e ». À cet égard, il rejoint en partie les préoccupat­ions de la Fédération québécoise des municipali­tés (FQM) et de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ).

Jacques Demers, président de la FQM, indique au Devoir qu’il n’a pas été consulté avant que des amendement­s soient apportés, même si ceuxci concernent les municipali­tés. « Non, je n’ai pas été consulté. Je n’ai pas été vu pour ça. On va voir après que ça a été fait, je suppose. » À son avis, ce serait « nécessaire d’être consulté si on nous donne des tâches ». Il ajoute que « si on veut protéger les bâtiments, ça va prendre de l’argent ». À cet égard, il se dit très inquiet. « Si on n’arrive pas avec des fonds, ce projet de loi va juste déplacer les problèmes vers les MRC. »

Du côté de l’UMQ, la présidente, Suzanne Roy, continue de trouver qu’il n’était pas souhaitabl­e que ce projet de loi s’appuie sur les MRC. « On n’est pas plus chauds ! On a parlé au cabinet [du ministère de la Culture et des Communicat­ions] en leur disant que ce n’est pas la solution du siècle. Il y a des critères pour les municipali­tés, mais on va pourtant donner à un tiers, la MRC, un droit de veto. Le maire de la municipali­té d’à côté va-til vraiment venir dire à son voisin qu’il exige que soit préservé un immeuble ou non dans la ville voisine ? » Pour la présidente de l’UMQ, il s’agit d’une ingérence qui, dans les faits, n’est pas praticable.

De toute façon, expose Jacques Demers de la FQM, « si on ne fait que dire aux municipali­tés, encore une fois, qu’il faut protéger le patrimoine, ça ne sert à rien. Faut mettre de l’argent ! De croire que les municipali­tés ont les moyens, c’est utopique ». D’autant plus, explique le président de la FQM, qu’« il y a un malaise dans les municipali­tés à l’idée d’obliger les citoyens à investir parce qu’un bâtiment est cité ». La FQM suggère la création d’un Fonds local du patrimoine, en rappelant que les moyens manquent pour s’acquitter des responsabi­lités en matière de patrimoine.

Une culture à développer

La culture de la mise en valeur et de la protection du patrimoine doit être favorisée, plaide Suzanne Roy. « Il faut développer au Québec une culture du patrimoine », affirme la présidente de l’UMQ en entrevue, en reconnaiss­ant un retard en cette matière. « Mais il faut avoir les moyens de nos ambitions. » Ce qui veut dire qu’à son sens, au cours des dix prochaines années, il faudrait faire beaucoup de rattrapage. « Si on convient qu’on n’en a pas fait assez, ça veut dire qu’il faut faire plus pour se rattraper », dans une responsabi­lité partagée avec l’État québécois. « S’il n’y a pas de moyens à venir pour accompagne­r sérieuseme­nt ce projet de loi, il ne servira à rien. »

Suzanne Roy souligne que la ministre Roy a mis en place un programme d’aide de plus de 50 millions qui a été épuisé « dans le temps de le dire » par les quelques municipali­tés qui s’en sont prévalues. « Je vois le projet de loi comme un premier pas, mais, répète-t-elle, ça va prendre des budgets » récurrents.

Si on n’arrive pas avec des fonds, ce projet de loi va juste déplacer les problèmes vers les MRC

JACQUES DEMERS »

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