Responsabilité ministérielle
C’est un constat d’échec qu’a livré la semaine dernière le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe ; son propre échec et celui de son ministère.
Il y a deux ans presque jour pour jour, Mathieu Lacombe prenait l’engagement de créer en 24 mois 13 500 places dans des services de garde subventionnés, principalement dans des centres de la petite enfance (CPE), soit 2500 nouvelles places et 11 000 places déjà annoncées en 2011 et 2013 et laissées en plan par les gouvernements libéral et péquiste. L’heure de vérité est arrivée : à ce jour, à peine 2000 places ont été ouvertes. Le ministre promet aujourd’hui d’en créer de 6000 à 7000 autres d’ici le 31 mars 2022. On est encore loin du compte, surtout si on ajoute à l’effort promis l’appel de projets pour 4359 places lancé en octobre.
À son arrivée comme ministre, Mathieu Lacombe fut accueilli avec scepticisme par le milieu des services de garde subventionnés. Dans l’opposition, la Coalition avenir Québec, avec en tête la députée de Louis-Hébert, Geneviève Guilbault, vantait le modèle des garderies commerciales. Durant la campagne électorale, ce sont les maternelles 4 ans dont s’étaient engoués la CAQ et son chef, laissant de côté le réseau des CPE,
Aussi, il fut rafraîchissant de voir Mathieu Lacombe, quelques mois après sa nomination, faire une profession de foi en faveur des services de garde subventionnés, au premier chef les CPE dont la qualité des services, objectivement évaluée, est nettement supérieure à celle des garderies commerciales non subventionnées. D’entrée de jeu, le ministre avait aboli les règles de financement des projets de CPE que le gouvernement libéral avait mis en place et qui, de façon insidieuse, avaient condamné la plupart des projets en cours pour conduire à la prolifération de nouvelles garderies commerciales. Maintenant dans l’opposition, les libéraux sont bien mal placés pour lancer la pierre.
Le ministre croyait qu’il suffisait de financer les projets pour qu’ils se réalisent. C’était oublier les lourdeurs administratives de son ministère et les 17 étapes qu’un CPE doit franchir avant d’accueillir ses premiers enfants.
À cela s’ajoute le contexte de la pandémie qui a forcé les services de garde subventionnés, et leur conseil d’administration, à déployer énormément d’efforts pour se conformer aux contraintes sanitaires. Plusieurs projets en gestation ont été suspendus ou abandonnés. Ingénieurs et entrepreneurs ont haussé leurs prix, ce qui a amené le ministère à exiger des économies de bouts de chandelle. Comme si cela ne suffisait pas, plusieurs responsables de services de garde en milieu familial ont lancé la serviette, certaines parce qu’elles craignaient la COVID-19, d’autres parce qu’elles préféraient offrir des services de garde non régis. En tout, c’est 10 000 places subventionnées en milieu familial, ou 10 % du total, qui ont disparu.
Bref, alors qu’il y a deux ans 42 000 bambins étaient inscrits au guichet unique pour obtenir une place dans une garderie subventionnée, ils sont maintenant 51 000.
À cette déconvenue, Mathieu Lacombe répondra par la publication d’un livre blanc, suivi de consultations et d’un projet de loi afin de revoir les services de garde en profondeur. Singulière initiative dans un gouvernement qui n’a que le mot action à la bouche.
Aussi brutal qu’il fût, le réveil du ministre a été tardif. Point besoin d’un livre blanc ou d’un projet de loi pour éliminer les lourdeurs administratives imputables à son ministère. Le mea culpa de ce ministre bien intentionné semble sincère, mais sa rare et peut-être téméraire franchise ne peut occulter sa responsabilité ministérielle.