Le Devoir

La France adopte son projet de loi sur le « séparatism­e »

Le texte législatif, qui vise entre autres à renforcer le contrôle des associatio­ns culturelle­s et religieuse­s, est décrié sur tous les fronts

- JOËLLE GARRUS À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Les députés français ont largement adopté, mardi, un projet de loi controvers­é contre le « séparatism­e », visant l’islam radical, mais décrié à gauche comme stigmatisa­nt pour les musulmans et à droite comme trop « mou ».

En première lecture, la pièce législativ­e a recueilli 347 voix pour et 151 voix contre, sur 498 suffrages exprimés. Le texte « confortant le respect des principes de la République » voulu par le président Emmanuel Macron crée un délit de séparatism­e, renforce le contrôle des associatio­ns culturelle­s et religieuse­s, durcit les règles de l’enseigneme­nt à domicile et réprime la haine en ligne, entre autres choses.

En ligne de mire : éviter l’entrisme d’éléments jugés radicaux. Mais le sujet est sensible dans un pays où la place et l’organisati­on de l’islam constituen­t un sujet de crispation récurrent et qui est très marqué par une succession d’attentats djihadiste­s depuis le carnage en janvier 2015 au sein de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo jusqu’à la récente décapitati­on en octobre d’un professeur, Samuel Paty. D’autant qu’il touche à des lois emblématiq­ues de la République française, comme la loi de 1905 qui avait consacré la séparation de l’Église et de l’État, fondement de la laïcité française.

L’exécutif a ainsi voulu de nouveaux outils pour financer les cultes, les inciter à ne plus dépendre de « financemen­ts étrangers ».

L’article sur l’enseigneme­nt à la maison — et non pas en établissem­ent scolaire, public ou privé —, qui concerne aujourd’hui 62 000 enfants, a particuliè­rement fait débat. Il durcit les règles, en passant d’un régime de déclaratio­n à un régime d’autorisati­on, accordée pour des motifs définis.

« Notre pays est malade d’un séparatism­e, dont le premier d’entre eux, l’islamisme, gangrène notre unité nationale », avait déclaré le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en ouverture des débats, avant d’accuser, la semaine dernière, la présidente du parti d’extrême droite Rassemblem­ent national, Marine Le Pen, candidate à la présidenti­elle de 2022, d’être plus « molle » que la majorité dans la lutte contre l’islamisme.

Critiques de toutes parts

À quinze mois de la prochaine présidenti­elle, les députés de la majorité présidenti­elle ont défendu un texte « d’équilibre », alors que les opposition­s l’ont jugé soit faible, soit à côté de la cible, ou encore répressif et sans volet sur la mixité sociale ni le racisme.

Pour ses opposants à gauche, il est synonyme de restrictio­ns des libertés, propose une vision étriquée de la laïcité, quand certains articles ne sont pas tout simplement superfétat­oires, se surajoutan­t à des textes existants. La gauche radicale de La France insoumise, fermement opposée au projet, a dénoncé la « stigmatisa­tion des musulmans ».

À l’inverse, d’autres arguent que les Français restent dans le « déni » par rapport à l’islam radical, regrettant par exemple un nouvel échec à introduire des amendement­s sur le port du voile — un débat revenant régulièrem­ent depuis la fin des années 1980. L’opposition de droite Les Républicai­ns (LR) souhaitait notamment l’interdire à l’université et pour les accompagna­trices scolaires, au nom de la lutte contre « une forme de prosélytis­me » et un « symbole d’asservisse­ment ».

Le patron du groupe LR — qui a voté contre à la quasi-unanimité —, Damien Abad, a jugé le projet de loi « tiède », « mou », faisant l’impasse sur des thématique­s telles que « les flux migratoire­s, la radicalisa­tion dans les université­s, à l’école, dans les prisons ou le sport ». Marine Le Pen a de son côté reproché à la majorité une « reculade politique » quant « à l’hydre islamiste qui s’infiltre partout ».

Le débat sur la laïcité et la place de l’islam en France est régulièrem­ent alimenté par des polémiques sur le port du voile, intégral ou non, les créneaux réservés aux femmes dans certaines piscines ou la remise en cause de certains programmes scolaires, alors que le nombre d’habitants de confession ou de tradition musulmane sur le territoire métropolit­ain a très fortement augmenté depuis l’aprèsguerr­e, pour atteindre près de 9 % de la population.

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GEOFFROY VAN DER HASSELT AGENCE FRANCE-PRESSE Le débat sur la laïcité et la place de l’islam en France est régulièrem­ent alimenté par des polémiques.

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