Le Devoir

Pour l’amour de Montréal-Nord

Ce quartier de l’Est montréalai­s est animé d’une nouvelle vitalité portée en partie par ses commerçant­s

- ROXANE LÉOUZON

Le potentiel économique de l’est de Montréal, longtemps négligé, est maintenant vanté par les politicien­s et les gens d’affaires. Le REM devrait accélérer son développem­ent lors de sa mise en service, en 2029. Mais d’ici là, les citoyens et les entreprise­s de l’Est ont des projets plein la tête afin de donner de la vitalité à leurs quartiers. Deuxième de quatre arrêts : Montréal-Nord.

Quand Lucila Pino a immigré au Québec avec ses parents il y a une vingtaine d’années, elle s’est installée à Montréal-Nord. La famille originaire du Salvador a trouvé que le quartier était particuliè­rement accueillan­t envers les nouveaux arrivants. Il y a six ans, la jeune femme ouvrait son café-bistro sur la rue de Charleroi, dans l’ancien local d’une pâtisserie qu’elle fréquentai­t et dont la propriétai­re prenait sa retraite. Depuis deux ans, elle sent que les choses bougent pour le mieux sur sa rue bien-aimée.

« L’associatio­n des commerçant­s est de plus en plus active et organisée, explique celle qui est secrétaire de l’Associatio­n des commerçant­s de Charleroi. Pour Noël, on a installé des sapins décoratifs devant les commerces. Et l’été dernier, il y avait des événements animés où l’on pouvait voir des artistes peindre en direct, avec des promotions [en boutique] pour attirer les clients. »

Mme Pino salue aussi l’effort de l’arrondisse­ment pour embellir l’artère, par l’ajout de lampadaire­s et l’aménagemen­t de lieux extérieurs d’exposition et de rencontres. Elle sent que plusieurs habitants du quartier ont redécouver­t la rue. « Ce n’est pas une artère comme les autres. On a une ambiance différente, car il y a du résidentie­l, des écoles, des commerces. C’est très communauta­ire », souligne celle dont les gâteaux flamboyant­s font la fierté.

Non loin de là, sur la rue Fleury, Mohamad Sobh, copropriét­aire de la boutique Distributi­on Mix Nuts, croit que beaucoup de gens gagneraien­t à visiter Montréal-Nord. « Oui, il y a du crime, mais ce n’est pas dans notre coin. Fleury est super belle, le quartier est tranquille », dit le jeune homme qui prend la relève de l’entreprise familiale fondée il y a 15 ans.

« Si les gens découvrent ce que les gens de Montréal-Nord ont à leur offrir, leur vie va changer, poursuit-il. On a de beaux produits et on est moins cher que les autres. On sait qu’à Montréal-Nord, ce n’est pas tout le monde qui a de gros moyens, alors on essaie de faire compétitio­n aux supermarch­és pour que les gens aient des produits de haute qualité à faible prix. »

M. Sobh salue par ailleurs les efforts déployés par la Corporatio­n de développem­ent économique communauta­ire (CDEC) Montréal-Nord pour soutenir les commerçant­s de l’arrondisse­ment sur le plan marketing. La CDEC a notamment aidé les associatio­ns de commerçant­s de quatre artères, soit Fleury, de Charleroi, Monselet et Pie-IX, à développer une image de marque et un logo. « On a des commerçant­s qui ont une vision, qui veulent que ça devienne des milieux de vie et que ça contribue à la dynamisati­on de Montréal-Nord », soutient le directeur général de la CDEC, Jean-François Gosselin.

Ces commerçant­s souhaitent également que les artères soient réaménagée­s, affirme-t-il en se basant sur un sondage effectué auprès d’eux. « Ils souhaitent qu’il y ait plus d’arbres, qu’on rapetisse la largeur des rues, qu’on diminue la vitesse, qu’on améliore l’aménagemen­t urbain. »

Selon lui, des investisse­ments additionne­ls en ce sens seraient bienvenus de la part de la Ville. D’ailleurs, un réaménagem­ent est déjà prévu pour le boulevard Pie-IX dans le cadre des travaux du service rapide par bus (SRB). « Ça va être très beau », commente-t-il.

Former la relève

Autre projet majeur de la CDEC Montréal-Nord : la constructi­on d’un centre de formation et d’entreprene­uriat, dans un quartier où les taux de chômage et de décrochage scolaire sont les plus élevés de la métropole. De l’avis de la corporatio­n, de nombreux citoyens du quartier auraient besoin de formation et d’accompagne­ment, notamment en francisati­on, en entreprene­uriat, en informatiq­ue et en comptabili­té, pour se trouver un emploi. Or, il faut parfois passer plusieurs heures dans les transports en commun pour assister à de telles formations à l’extérieur de l’arrondisse­ment.

Bien que le SRB Pie-IX et le REM de l’Est vont améliorer la mobilité des citoyens, ces services devraient être offerts à Montréal-Nord directemen­t, plaide la CDEC. « Il y a des choses qu’on peut maintenant faire en virtuel, mais ça ne fonctionne pas bien pour tout. En entreprene­uriat, par exemple, la condition gagnante est la présence d’un réseau d’affaires, où les gens peuvent se rencontrer et développer des liens », souligne Jean-François Gosselin.

L’organisme Impulsion-Travail offre déjà certains services d’insertion profession­nelle à Montréal-Nord. « Des gens qui nous fréquenten­t, 75 % sont issus des communauté­s culturelle­s. Certains n’ont pas de reconnaiss­ance de leur cinquième secondaire. Ils ont plusieurs obstacles à l’emploi », indique la directrice, Christine Guay, qui estime qu’un tel centre permettrai­t de répondre beaucoup plus à leurs besoins.

Les nombreuses entreprise­s en mécanique automobile de l’arrondisse­ment auraient également besoin de soutien pour que leurs employés puissent manipuler les véhicules électrique­s. Le centre viserait aussi à répondre à cette demande. « Le marché est en évolution et s’en va vers ça, explique Kevin Ahern, directeur de l’atelier mécanique chez Dubé pneu et mécanique. On n’a pas le choix de se former pour la sécurité, le diagnostic, l’équipement… Ça peut prendre de 200 à 300 heures et il faut pouvoir se former pas trop loin. »

Les instigateu­rs du projet de centre de formation cherchent encore un lieu et du financemen­t additionne­l pour le mener à bien.

Si les gens découvrent ce que les gens de Montréal-Nord ont à leur offrir, leur vie va changer. On a de beaux produits et on est moins cher que les autres.

MOHAMAD SOBH

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Lucila Pino (au centre) a ouvert son café-bistro sur la rue de Charleroi, à Montréal-Nord, il y a maintenant six ans. Depuis deux ans, elle sent que les choses bougent pour le mieux dans sa rue bien-aimée. Sur la photo, Lucila avec ses parents, Carlos et Clara, qui gèrent le café avec elle.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Lucila Pino (au centre) a ouvert son café-bistro sur la rue de Charleroi, à Montréal-Nord, il y a maintenant six ans. Depuis deux ans, elle sent que les choses bougent pour le mieux dans sa rue bien-aimée. Sur la photo, Lucila avec ses parents, Carlos et Clara, qui gèrent le café avec elle.

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