Les jeunes se mesurent à la junte au Myanmar |
Elle gagne aussi des fans sur les réseaux sociaux avec ses affiches colorées, pleines d’esprit et explicites
Leurs pancartes le martèlent : la junte militaire est « pire » qu’un ex-copain ou que d’avoir « ses règles ». Au Myanmar, les jeunes manifestants opposés au coup d’État n’hésitent pas à protester à l’aide de slogans percutants, qui font rapidement mouche sur les réseaux sociaux.
Sur les affiches colorées, pleines d’esprit et souvent explicites de ces Myanmarais qui descendent dans la rue depuis plusieurs jours, les formules sont plus accrocheuses les unes que les autres.
Et le commandant en chef de l’armée, Min Aung Hlaing, est particulièrement pris pour cible, après le putsch qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi.
« Nos rêves sont plus grands que M.A.L. », pouvait-on lire sur l’une des pancartes, faisant ainsi allusion à la petite taille du général de 64 ans. Sur une autre, brandie par la fenêtre d’une voiture, figure un véritable cri du coeur : « Min Aung Hlaing, je te déteste plus que mes règles. »
Des photos de ces slogans, partagées en ligne, ont rapidement fait le tour du monde.
Écrits en anglais, ils témoignent de la volonté des jeunes manifestants d’attirer l’attention sur la scène internationale.
Façon créative de protester
Cette campagne sur les réseaux sociaux « est une nouvelle façon créative de protester » au Myanmar, observe en entrevue Htaike Htaike Aung, directrice générale du Myanmar ICT for Development, une organisation de défense pour les droits numériques installée à Rangoun, principale ville du pays.
La jeune génération se sert de plateformes comme Facebook, TikTok, Instagram ou Discord pour mobilier d’autres jeunes, ajoute-t-elle.
Il faut dire que ces jeunes contestataires myanmarais ont atteint la majorité, plongés dans l’ère d’Internet, contrairement aux générations précédentes qui ont été largement coupées du monde pendant les 49 ans de régime militaire.
Pour preuve, entre autres : sur une affiche devenue virale, une jeune femme a détourné le titre de la chanson sexuellement explicite de la rappeuse américaine Cardi B WAP en We are Protesting Peacefully (Nous protestons pacifiquement).
Les réseaux sociaux n’ont pas seulement été un véhicule pour les messages des jeunes manifestants myanmarais.
Ces derniers ont également pu entrer en contact avec des internautes de Hong Kong ou de Thaïlande, qui leur ont donné des conseils pour rester en sécurité pendant les manifestations. Rien de tout cela n’aurait été possible il y a dix ans.
Isolement imposé
Avant que le Myanmar n’entame sa transition démocratique en 2011, des cybercafés étaient présents dans les grandes villes, mais l’accès à Skype, Gmail et Facebook était restreint, en raison de l’isolement imposé par les militaires.
Malgré l’explosion de l’usage des téléphones intelligents dans le monde entier, seule la Corée du Nord avait moins de téléphones portables que le Myanmar, où les cartes SIM coûtaient des milliers de dollars.
Cette situation a changé en 2013, quand le gouvernement a mis fin au monopole d’État sur les télécommunications et quand les prix des cartes SIM ont chuté, tandis que des téléphones chinois bon marché, avec Facebook préchargé, sont devenus largement accessibles.
Désireux de se connecter après des années passées dans l’obscurité, le Myanmar s’est mis en ligne du jour au lendemain et a vite été inondé d’applications de taxis, de services de livraison et de plateformes de transfert d’argent, dans un mouvement de ruée vers Internet.
La mauvaise génération
Interrompre cette connexion serait difficile, voire impossible, selon Htaike Htaike Aung, à la tête du Myanmar ICT for Development.
Les militaires ont déjà essayé, ces derniers jours, de réduire l’accès à Internet, mais des utilisateurs ont contourné la censure en se servant de VPN ou de cartes SIM étrangères, avant que cet accès ne leur soit rétabli.
Comme le dit l’un des slogans qui prolifèrent actuellement au Myanmar : les militaires ont « plaisanté avec la mauvaise génération ».
Les jeunes contestataires myanmarais ont atteint la majorité, plongés dans l’ère d’Internet, contrairement aux générations précédentes qui ont été largement coupées du monde pendant les 49 ans de régime militaire