Malgré l’accalmie, les variants sèment l’inquiétude
L’assouplissement des mesures de santé publique risque de relancer à la hausse les nouveaux cas de COVID-19, les hospitalisations et les décès en raison de l’arrivée des nouveaux variants, selon des projections de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Mais la vaccination des 60 ans et plus pourrait limiter les dégâts.
Des chercheurs affiliés à l’INSPQ ont présenté mardi leurs projections sur l’incidence potentielle du variant britannique du coronavirus causant la COVID-19 dans la grande région de Montréal. « Ce variant-là est plus infectieux ; donc, il se propage plus facilement, et, malheureusement, on a des données de plus en plus solides indiquant qu’il pourrait être plus agressif comme virus, notamment chez les personnes âgées. Il pourrait être plus mortel, d’où l’importance de vraiment bien protéger nos populations vulnérables », a affirmé la vice-présidente associée aux affaires scientifiques à l’INSPQ, Jocelyne Sauvé.
Les chercheurs ont analysé les effets de l’assouplissement des mesures décidé par le gouvernement Legault et entré en vigueur le 8 février — réouverture des centres commerciaux, des salons de coiffure et des musées —,
On pourrait voir déborder à nouveau nos urgences si jamais ça prend vraiment, vraiment
beaucoup d’ampleur JOCELYNE SAUVÉ
mais pas celui dévoilé mardi soir pour la semaine de relâche. « L’assouplissement des mesures du 8 février pourrait permettre une augmentation des cas, des hospitalisations et des décès dans les scénarios où on a l’importation d’un variant plus transmissible », a indiqué le Dr Marc Brisson, directeur du Groupe de recherche en modélisation mathématique et en économie de la santé liée aux maladies infectieuses de l’Université Laval.
L’ampleur de cette augmentation dépend de l’adhésion aux mesures — particulièrement à l’interdiction des visites à domicile et au respect d’une distance de deux mètres en milieu de travail. Elle dépend également du nombre de cas attribuables à des variants importés durant la période des Fêtes, qui pourraient accélérer la transmission de la maladie. La circulation des variants britannique, sud-africain et brésilien demeure une grande inconnue pour l’instant. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a indiqué la veille que le Québec comptait 16 cas confirmés de variants et 86 cas possibles en cours d’examen.
La Santé publique desserrera tout de même un peu plus l’étau à compter du 26 février, en permettant la réouverture des cinémas, des piscines et des arénas en zone rouge pour des activités libres en solo, en duo ou en famille. La Santé publique a aussi autorisé la reprise d’activités extérieures, dont la marche, le ski et le patin, en groupe de huit personnes ou moins. Le couvre-feu sera par ailleurs maintenu à 20 h en zone rouge et à 21 h 30 en zone orange.
Souplesse
Les chercheurs n’ont pas voulu se prononcer sur l’incidence de ces nouvelles permissions. « Ce qu’on sait, c’est qu’avec les assouplissements très ciblés actuellement dans un contexte épidémiologique qui va vraiment très bien au Québec, l’important est de garder beaucoup de souplesse au niveau du gouvernement pour réintroduire des mesures plus sévères si jamais on voit augmenter la présence du variant dans les communautés », a souligné la Dre Sauvé de l’INSPQ.
La recherche montre que les hospitalisations et les décès augmentent moins rapidement avec la vaccination, d’où l’importance pour les jeunes Québécois de continuer à respecter les mesures pour protéger leurs grands-parents.
« On sait que la vaste majorité des personnes âgées demeurent dans la communauté. Donc, s’il fallait que le variant s’installe, prenne beaucoup d’ampleur et que les gens assouplissent trop rapidement leur comportement,
on pourrait être face à une situation où la maladie circule largement, infecte les personnes de 60 ans et plus, a expliqué la Dre Sauvé. On pourrait voir déborder à nouveau nos urgences si jamais ça prend vraiment, vraiment beaucoup d’ampleur. »
La campagne de vaccination a été ralentie au cours des dernières semaines par des problèmes d’approvisionnement. À ce jour, près de 300 000 Québécois ont été vaccinés, principalement dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les établissements de santé et les résidences privées pour aînés.
C’est insuffisant pour faire face aux variants, d’où l’importance de continuer à respecter les mesures sanitaires, selon le professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Benoît Mâsse. « Moins il y a de transmission communautaire, moins le variant a de chances de se reproduire rapidement, a-t-il expliqué en entrevue. Donc, l’important est de le ralentir suffisamment pour permettre à la campagne de vaccination de décoller. »
« On est encore loin d’avoir vacciné nos personnes vulnérables et, en plus, on n’aura presque pas de livraison en février, a-t-il déploré. Mais on est encore confinés. »
Le nombre de cas de COVID-19 a continué à diminuer mercredi, avec 800 nouveaux cas confirmés. 12 décès ont été ajoutés au bilan, mais aucun d’entre eux n’est survenu dans les dernières 24 heures. L’INSPQ n’est pas en mesure d’attribuer cette diminution des cas au couvre-feu, contrairement aux propos du premier ministre, François Legault.
« Ce qu’on a clairement vu dans le mois de janvier, c’est une réduction assez importante des contacts avec les visites, a constaté le Dr Brisson. Maintenant, est-ce que c’est relié directement au couvre-feu, ça, c’est difficile à dire. » Outre le couvre-feu, deux autres éléments peuvent en être responsables, soit le fait qu’il y ait eu moins de visites à cause du nombre élevé de cas et le fait que les gens aient moins besoin de voir les gens qu’ils ont déjà vus durant le temps des Fêtes.