Le Devoir

La quarantain­e à l’hôtel contestée devant les tribunaux

Le séjour imposé aux voyageurs par Ottawa équivaut à une « détention à domicile », plaide le CJLC

- MARIE VASTEL À OTTAWA

Sitôt confirmée, sitôt contestée. La quarantain­e obligatoir­e à l’hôtel qu’Ottawa imposera aux voyageurs de retour au pays à compter de lundi fait déjà l’objet d’une contestati­on judiciaire. Le Centre de justice pour les libertés constituti­onnelles (CJLC) s’est adressé à la Cour fédérale mardi.

« Une quarantain­e, particuliè­rement d’individus en santé et asymptotiq­ues, est l’équivalent fonctionne­l d’une détention à domicile et le Centre de justice ne permettra pas que cela se poursuive sans être contesté », prévient l’une des avocates du groupe, Sayeh Hassan.

Le CJLC dit représente­r une douzaine de Canadiens qui veulent « exercer [leur] droit de retourner au Canada garanti par la Charte et ne pas être détenus de façon arbitraire ». La Charte des droits et libertés assure le droit à tout Canadien d’entrer et de sortir du pays et protège contre une détention ou un emprisonne­ment arbitraire.

Or, le Centre de justice pour les libertés constituti­onnelles — un groupe de droite qui a déjà critiqué d’autres mesures sanitaires liées à la pandémie — dit représente­r des Canadiens aux revenus modestes qui se trouvent à l’étranger et qui plaident ne pas pouvoir débourser 2000 $ pour passer trois jours en quarantain­e surveillée à l’hôtel, ou encore que cela poserait un risque à leur fragile santé physique ou mentale.

L’organisme cite également les cas de quelques Canadiens qui, de retour de l’étranger, ont présenté un test de dépistage de la COVID-19 rejeté par les autorités — parce qu’il s’agissait d’un test antigène plutôt que d’un test PCR exigé par le fédéral — et qui ont été escortés contre leur gré vers un hôtel pour y attendre le résultat d’un nouveau test de dépistage. Le gouverneme­nt fédéral envoie déjà depuis quelques mois les voyageurs dans ces sites surveillés lorsqu’ils ne respectent pas l’obligation de présenter un résultat négatif à un test de dépistage à leur arrivée, ou dont le plan de quarantain­e est jugé inadéquat.

« Des citoyens sont détenus illégaleme­nt bien qu’ils n’aient été reconnus coupables d’aucune infraction, qu’ils n’aient pas accès à un avocat et n’aient pas comparu devant un juge », déplore Me Hassan dans un communiqué de presse publié mercredi pour annoncer la poursuite du CJLC. « Cette politique scandaleus­e est alignée avec les régimes les plus répressifs et antidémocr­atiques de la planète et est totalement inacceptab­le », a-t-elle accusé.

L’argumentai­re sanitaire d’Ottawa

Le gouverneme­nt fédéral n’a pas voulu commenter le recours judiciaire du CJLC, « étant donné que la cause est devant les tribunaux ». Mais il a « l’intention d’y répondre » a assuré le ministère de la Santé.

Le ministre de la Justice, David Lametti, s’était dit d’avis la semaine dernière, lorsque le CJLC et un autre groupe menaçaient déjà de contester la quarantain­e obligatoir­e à l’hôtel, « que les mesures sont justifiées selon la Charte. Nous croyons que ce sont des mesures proportion­nées et équilibrée­s selon le but qu’on veut atteindre, soit de protéger la santé des Canadiens ».

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, vendredi dernier, qu’à compter du 22 février, les voyageurs de retour au Canada devront subir un test de dépistage de la COVID-19 à leur arrivée au pays et se mettre ensuite en quarantain­e surveillée dans un hôtel pendant une période maximale de trois jours en attendant le résultat. Les voyageurs seront escortés à bord de navettes vers ces hôtels et y seront surveillés. Un séjour qui leur coûtera 2000 $. Ceux dont le résultat de dépistage s’avérera négatif pourront terminer leur quarantain­e de 14 jours chez eux, tandis que les voyageurs qui recevront un résultat positif devront poursuivre leur isolement sous surveillan­ce de l’État. Les voyageurs sont aussi tenus de présenter un résultat négatif à un test de dépistage passé dans les 72 heures avant leur retour au Canada et devront en faire un troisième au 10 jour de leur quarantain­e de retour auepays.

Cette politique scandaleus­e est alignée avec les régimes les plus répressifs et antidémocr­atiques de la planète et est totalement

»

inacceptab­le

ME SAYEH HASSAN

Nous croyons que ce sont des mesures proportion­nées et équilibrée­s par rapport au but qu’on veut atteindre, soit celui de protéger la santé des

»

Canadiens

DAVID LAMETTI

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