Le Devoir

Trois sénateurs fédéraux derrière Éric Duhaime

Sa campagne à la chefferie du PCQ , dirigée par la sénatrice Josée Verner, suscite des réactions partagées dans la famille conservatr­ice fédérale

- ISABELLE PORTER MARIE VASTEL

Une troisième sénatrice fédérale vient prêter main-forte à Éric Duhaime dans la course à la chefferie du Parti conservate­ur du Québec (PCQ). Josée Verner, qui sera sa directrice de campagne, dit se lancer pour faire renaître l’esprit de l’Action démocratiq­ue du Québec (ADQ).

« Ça fait 20 ans qu’on se connaît », relate la sénatrice fédérale au téléphone. Josée Verner — qui a quitté le Parti conservate­ur du Canada il y a quatre ans pour siéger comme indépendan­te — était avec Éric Duhaime dans l’organisati­on de l’ADQ de Mario Dumont en 2003. Or, « l’ADQ telle qu’on l’a connue n’existe plus », selon elle, et « Éric » représente « l’ADQ 2.0. »

Plus récemment, Mme Verner a été chroniqueu­se à l’émission radiophoni­que d’Éric Duhaime à Québec. « Je connais sa sincérité, son intégrité, ses valeurs », dit-elle à son propos.

Deux autres sénateurs avaient déjà donné leur appui à l’ancien animateur de radio : Pierre-Hugues Boisvenu et Léo Housakos.

M. Housakos s’est réjoui publiqueme­nt en novembre de la décision de M. Duhaime de se lancer en politique, y voyant « un vent de changement ». Le sénateur conservate­ur est lui aussi un ancien de l’ADQ.

Quant à M. Boisvenu, il a fait campagne aux côtés du candidat lors d’une activité avec des membres de l’Outaouais, la semaine dernière.

Le Parti conservate­ur du Québec (PCQ) est sans chef depuis le départ, en octobre, d’Adrien Pouliot. Deux candidats sont dans la course pour lui succéder : Éric Duhaime et Daniel Brisson. M. Brisson, un informatic­ien de Québec, a notamment été candidat aux élections à la mairie de Québec et a brigué, sans succès, le poste de député de Louis-Hébert avec l’équipe de Maxime Bernier en 2019. L’élection du chef doit se faire par un vote des membres le 17 avril.

Mme Verner a bon espoir que le PCQ pourra rallier de nombreux « électeurs orphelins », déçus notamment de la gestion de la pandémie par le gouverneme­nt Legault. « J’avais appuyé Geneviève Guilbault dans Louis-Hébert. À cette époque-là, on se disait : “Pourquoi ne pas tenter notre chance avec la CAQ ?”, raconte-t-elle en soulignant que c’était l’exception pour elle. Les années précédente­s, j’avais voté pour le parti d’Adrien Pouliot. […] À ce moment-ci, la CAQ, ce n’est certaineme­nt plus un parti qui m’intéresse. »

Favorable à la réduction de l’État, Josée Verner remet aussi en question l’appui de la CAQ à certains grands projets. « J’ai une réflexion très sérieuse par rapport au projet de troisième lien, au tramway », dit-elle.

En entrevue à CHOI-FM, dont elle se dit une « fidèle auditrice », elle a aussi mentionné mardi avoir été particuliè­rement choquée par les attaques de François Legault à l’endroit de la station, l’automne dernier.

Un enthousias­me limité à Ottawa

Bien que trois sénateurs aient décidé de soutenir Éric Duhaime, leur appui semble pour l’instant isolé au sein de la famille conservatr­ice fédérale.

Le sénateur Boisvenu a approché son collègue Jean-Guy Dagenais — un ancien sénateur conservate­ur devenu indépendan­t il y a deux ans — afin de l’inviter à se joindre lui aussi à l’équipe d’organisati­on d’Éric Duhaime. Mais M. Dagenais a décliné l’offre. « J’ai dit non. Pour l’instant, je n’ai pas un intérêt particulie­r », a-t-il confié au Devoir.

Un avis partagé par d’autres conservate­urs consultés mercredi.

Le sénateur Dagenais voit d’un bon oeil la possibilit­é que le Parti conservate­ur du Québec gagne un peu en popularité et offre une cinquième option politique aux Québécois. « Ça permet à la démocratie de mieux s’exercer. » Mais il doute que l’arrivée d’Éric Duhaime, si connu soit-il au Québec, permette au PCQ de faire de véritables gains lors de l’élection générale, dans un an et demi.

Le sénateur fait la comparaiso­n avec le Parti populaire du Canada, fondé par Maxime Bernier il y a trois ans et qui n’a pas récolté beaucoup d’appuis au scrutin fédéral suivant (1,6 %). « Je ne voudrais pas que M. Duhaime vive la même chose que M. Bernier, observe M. Dagenais. Je suis certain qu’ils vont trouver des adhérents. Mais est-ce que ça va lever ? J’ai des petites réserves. »

Une influence relativisé­e

Éric Duhaime a beau profiter d’une bonne notoriété au Québec, les conservate­urs québécois interviewé­s par Le Devoir font la même lecture que le sénateur Dagenais. Le PCQ n’a récolté que 1,46 % des voix au scrutin provincial de 2018, 0,39 % en 2014 et 0,18 % en 2012. « Éric Duhaime est connu. Il pourrait grappiller quelques points de pourcentag­e. Mais même s’il pique 4 % ou 5 % du vote de la CAQ, qui mène aisément dans les sondages, en lui volant quelques votes à sa droite, cela ne leur nuirait pas beaucoup », observe une source conservatr­ice.

À cela, Josée Verner rétorque que M. Bernier a bâti un tout nouveau parti, alors que s’il est élu, Éric Duhaime hériterait d’une formation qui est présente sur la scène provincial­e depuis 2009. « Éric n’a pas créé le parti. Ça fait une grosse différence », réplique-telle pour défendre son nouvel allié. « Éric n’a pas claqué la porte d’un parti politique. Il n’est pas parti en mauvais termes avec personne. C’est très différent », ajoute-t-elle.

Mais les conservate­urs fédéraux préfèrent aussi s’abstenir d’endosser la candidatur­e d’Éric Duhaime parce que la grande majorité de leurs électeurs votent pour la CAQ et non pour le PCQ. « Mieux vaut, pour moi, rester plus près de la CAQ, stratégiqu­ement », explique une deuxième source.

L’appui des sénateurs Boisvenu, Housakos et Verner à Éric Duhaime et au PCQ ne traduit donc pas un exode des conservate­urs fédéraux et de leur machine électorale vers le Parti conservate­ur du Québec, insistent nos sources. « Vraiment pas », résume un troisième conservate­ur.

La sénatrice Josée Verner était avec Éric Duhaime dans l’organisati­on de l’ADQ de Mario Dumont en 2003. Or, « l’ADQ telle qu’on l’a connue n’existe plus », selon elle, et « Éric » représente « l’ADQ 2.0. »

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