Le Devoir

Le projet de loi fédéral mal accueilli à Québec

Une motion adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale demande que le pouvoir d’interdicti­on soit délégué au gouverneme­nt provincial plutôt qu’aux villes

- LINA DIB CATHERINE LÉVESQUE À OTTAWA

Dans un geste désavouant de la plus récente initiative fédérale pour le contrôle des armes à feu, les élus de l’Assemblée nationale réclament, unanimemen­t, qu’Ottawa délègue au gouverneme­nt québécois le pouvoir d’interdire les armes de poing.

Le projet de loi C-21, déposé mardi à Ottawa, donne la possibilit­é aux municipali­tés d’interdire l’entreposag­e des armes de poing sur leur territoire. Et le gouverneme­nt fédéral s’engage à retirer le permis de possession d’armes à quiconque n’obéirait pas à pareil règlement municipal.

La manoeuvre a été mal accueillie par les municipali­tés québécoise­s, avec, à leur tête, la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Mercredi, un député solidaire a proposé à ses collègues de prendre les choses en main. « Que l’Assemblée nationale […] prenne acte de la volonté du premier ministre Justin Trudeau de déléguer aux villes ce pouvoir d’interdicti­on et que celles-ci ne le souhaitent pas », dit la motion d’Alexandre Leduc.

« Que l’Assemblée nationale demande au gouverneme­nt fédéral la délégation de ce pouvoir au Québec et demande à ce dernier d’évaluer toutes les mesures nécessaire­s à un meilleur contrôle des armes de poing sur le territoire du Québec, y compris leur possible interdicti­on », conclut la motion adoptée à l’unanimité.

Guilbault se dit agacée

Quelques minutes plus tôt, en conférence de presse, la ministre québécoise de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, avait repris la critique énoncée par le premier ministre François Legault la veille. « Ça nous agace, cette volonté-là de donner, de déléguer ce pouvoir-là aux municipali­tés », avait dit la ministre Guilbault.

« Il y a plus de 1100 municipali­tés au Québec. Donc, imaginez, juste la province du Québec d’une ville à l’autre aurait ses exigences de permis, sa réglementa­tion, ses exceptions, etc. Ça amène de la confusion potentiell­e; en tout cas c’est plus compliqué à gérer », avait-elle illustré.

La Ville de Montréal avait justement réitéré, mercredi, sa déception de voir Ottawa refuser d’interdire les armes de poing partout au pays. « Le projet de loi, tel que déposé, soulève d’énormes enjeux d’applicabil­ité pour les villes, puisque les responsabi­lités qui leur sont léguées dépassent largement les pouvoirs municipaux », peut-on lire dans un communiqué publié par le bureau de la mairesse Plante. Mme Plante prévoit parler au ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, vendredi « pour discuter de cet important enjeu pour Montréal ».

M. Blair continuait, mercredi, de vanter son projet de loi. « Quand une municipali­té veut en faire plus et qu’elle a l’appui de son gouverneme­nt provincial, nous sommes prêts à appuyer ces initiative­s », a dit le ministre Blair pendant une conférence de presse téléphoniq­ue.

Imaginez, juste la province du Québec d’une ville à l’autre aurait ses exigences de permis, sa réglementa­tion, ses exceptions, etc. Ça amène de la confusion potentiell­e ; en tout cas c’est plus c ompliqué à

gérer. GENEVIÈVE GUILBAULT

Blair se défend de « capituler »

Après que des camps opposés eurent formulé leurs critiques sur le programme d’achat volontaire d’armes d’assaut prohibées, mardi, l’Associatio­n canadienne des médecins d’urgence (ACMU) a elle aussi exprimé sa déception, mercredi. L’Associatio­n réclame depuis 25 ans une loi qui rende obligatoir­e le signalemen­t d’un individu armé à risque, signalemen­t qui conduirait automatiqu­ement à la saisie temporaire des armes jusqu’à ce que la crise, qu’elle soit de santé mentale ou de toute autre nature, soit passée.

Or, le projet de loi C-21, selon l’ACMU, ne fait rien de tel. « Plutôt qu’une loi du drapeau rouge, le gouverneme­nt fédéral a levé le drapeau blanc de la capitulati­on », s’est désolée l’ACMU dans un communiqué publié mardi.

Le ministre Blair est resté catégoriqu­e, soulignant l’utilité du projet de loi. « Cela donne le pouvoir au public, et la responsabi­lité n’est pas transférée à qui que ce soit », a-t-il assuré dans une déclaratio­n par courriel, mercredi après-midi.

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BRIAN BLANCO GETTY IMAGES VIA AGENCE FRANCE-PRESSE La semaine dernière, la mairesse Valérie Plante avait réclamé du gouverneme­nt fédéral qu’il légifère dans le but spécifique de freiner la proliférat­ion des armes de poing.

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