Le projet de loi fédéral mal accueilli à Québec
Une motion adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale demande que le pouvoir d’interdiction soit délégué au gouvernement provincial plutôt qu’aux villes
Dans un geste désavouant de la plus récente initiative fédérale pour le contrôle des armes à feu, les élus de l’Assemblée nationale réclament, unanimement, qu’Ottawa délègue au gouvernement québécois le pouvoir d’interdire les armes de poing.
Le projet de loi C-21, déposé mardi à Ottawa, donne la possibilité aux municipalités d’interdire l’entreposage des armes de poing sur leur territoire. Et le gouvernement fédéral s’engage à retirer le permis de possession d’armes à quiconque n’obéirait pas à pareil règlement municipal.
La manoeuvre a été mal accueillie par les municipalités québécoises, avec, à leur tête, la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Mercredi, un député solidaire a proposé à ses collègues de prendre les choses en main. « Que l’Assemblée nationale […] prenne acte de la volonté du premier ministre Justin Trudeau de déléguer aux villes ce pouvoir d’interdiction et que celles-ci ne le souhaitent pas », dit la motion d’Alexandre Leduc.
« Que l’Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral la délégation de ce pouvoir au Québec et demande à ce dernier d’évaluer toutes les mesures nécessaires à un meilleur contrôle des armes de poing sur le territoire du Québec, y compris leur possible interdiction », conclut la motion adoptée à l’unanimité.
Guilbault se dit agacée
Quelques minutes plus tôt, en conférence de presse, la ministre québécoise de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, avait repris la critique énoncée par le premier ministre François Legault la veille. « Ça nous agace, cette volonté-là de donner, de déléguer ce pouvoir-là aux municipalités », avait dit la ministre Guilbault.
« Il y a plus de 1100 municipalités au Québec. Donc, imaginez, juste la province du Québec d’une ville à l’autre aurait ses exigences de permis, sa réglementation, ses exceptions, etc. Ça amène de la confusion potentielle; en tout cas c’est plus compliqué à gérer », avait-elle illustré.
La Ville de Montréal avait justement réitéré, mercredi, sa déception de voir Ottawa refuser d’interdire les armes de poing partout au pays. « Le projet de loi, tel que déposé, soulève d’énormes enjeux d’applicabilité pour les villes, puisque les responsabilités qui leur sont léguées dépassent largement les pouvoirs municipaux », peut-on lire dans un communiqué publié par le bureau de la mairesse Plante. Mme Plante prévoit parler au ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, vendredi « pour discuter de cet important enjeu pour Montréal ».
M. Blair continuait, mercredi, de vanter son projet de loi. « Quand une municipalité veut en faire plus et qu’elle a l’appui de son gouvernement provincial, nous sommes prêts à appuyer ces initiatives », a dit le ministre Blair pendant une conférence de presse téléphonique.
Imaginez, juste la province du Québec d’une ville à l’autre aurait ses exigences de permis, sa réglementation, ses exceptions, etc. Ça amène de la confusion potentielle ; en tout cas c’est plus c ompliqué à
gérer. GENEVIÈVE GUILBAULT
Blair se défend de « capituler »
Après que des camps opposés eurent formulé leurs critiques sur le programme d’achat volontaire d’armes d’assaut prohibées, mardi, l’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU) a elle aussi exprimé sa déception, mercredi. L’Association réclame depuis 25 ans une loi qui rende obligatoire le signalement d’un individu armé à risque, signalement qui conduirait automatiquement à la saisie temporaire des armes jusqu’à ce que la crise, qu’elle soit de santé mentale ou de toute autre nature, soit passée.
Or, le projet de loi C-21, selon l’ACMU, ne fait rien de tel. « Plutôt qu’une loi du drapeau rouge, le gouvernement fédéral a levé le drapeau blanc de la capitulation », s’est désolée l’ACMU dans un communiqué publié mardi.
Le ministre Blair est resté catégorique, soulignant l’utilité du projet de loi. « Cela donne le pouvoir au public, et la responsabilité n’est pas transférée à qui que ce soit », a-t-il assuré dans une déclaration par courriel, mercredi après-midi.