Le Devoir

Projet de loi pour soutenir les médias face aux géants du Web

Le but est de faire payer les géants du Web pour la publicatio­n des articles

- BORIS PROULX À OTTAWA

En inventant un nouveau « droit d’auteur sur les oeuvres journalist­iques », un projet de loi déposé mercredi par le sénateur conservate­ur Claude Carignan a pour but de faire payer les géants du Web pour les articles de nouvelles qui sont partagés sur leurs plateforme­s.

« On est en train de perdre nos médias écrits ! Ils sont en train de disparaîtr­e un à un. On voit le nombre de pages qui diminue, on voit le nombre de journalist­es qui diminue, on a des fermetures de salles de nouvelles… Si le gouverneme­nt ne bouge pas, on va réduire le nombre de sources d’informatio­n », alerte M. Carignan, en entretien au Devoir.

Le problème, constate-t-il, est que les plateforme­s numériques ont ébranlé les médias partout dans le monde en les privant de revenus publicitai­res tout en utilisant leurs contenus.

Selon le projet de loi S-225, les organisati­ons journalist­iques canadienne­s obtiendrai­ent un « droit à la rémunérati­on » pour la mise en circulatio­n de leurs articles sur les plateforme­s numériques.

Des sociétés de gestion représenta­nt les médias auraient ainsi le mandat de négocier les prix avec les géants du Web, le tout sous l’autorité de la Commission du droit d’auteur du Canada.

« Avec le droit d’auteur, on a un autre cadre qui fonctionne pour les autres oeuvres protégées, donc aller avec ce cadre-là serait plus efficace, plus rapide », soutient le sénateur Carignan, qui espère que son texte puisse être adopté avant la prochaine élection fédérale.

L’ensemble des éditeurs des médias d’informatio­n québécois a d’ailleurs fait paraître un texte conjointem­ent, mercredi matin, demandant à tous les partis politiques à Ottawa de légiférer pour « une redistribu­tion équitable des revenus de publicité générés par le partage [des] contenus de qualité sur les plateforme­s comme Google et Facebook ». On cite l’exemple de l’Australie, qui a adopté une loi en ce sens.

« Ça envoie le signal clair qu’il y a urgence d’agir, on espère que le gouverneme­nt va l’entendre et va se saisir du dossier le plus rapidement possible. D’autant plus qu’il y a une erre d’aller, un momentum, avec ce que les Australien­s font, et dans une moindre mesure les Français également. L’ère de la déréglemen­tation tire à sa fin pour les

Le sénateur Claude Carignan espère que son texte pourra être adopté avant la prochaine élection

entreprise­s du GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] », explique Brian Myles, directeur du Devoir, qui figure parmi la liste des médias signataire­s.

Justement, Facebook a annoncé mercredi son intention de bloquer, en Australie, le partage de liens vers les médias locaux ou internatio­naux. Les médias australien­s, eux, seront empêchés de publier leurs contenus sur des pages Facebook.

Devant un comité parlementa­ire, fin janvier, le représenta­nt de Facebook Canada, Kevin Chan, a dit accueillir d’éventuelle­s régulation­s, mais a mis en garde les parlementa­ires canadiens contre l’approche australien­ne. « Ce n’est pas Facebook qui utilise le contenu des publicateu­rs. Ce sont eux qui utilisent la distributi­on gratuite offerte par Facebook », a-t-il fait valoir.

Au Parlement, une motion a été déposée mercredi à la Chambre des Communes par le Bloc québécois demandant « d’intervenir avec toute l’urgence que la situation requiert » afin de mettre en place un système de partage des revenus publicitai­res générés par le contenu des médias. La motion a été rejetée, faute du consenteme­nt unanime des députés.

Newspapers in French

Newspapers from Canada