Le Devoir

Et maintenant, quoi pour Transat ?

- GÉRARD BÉRUBÉ

«C’est certain qu’on ne laissera pas tomber » Transat, a déclaré François Legault. Cela dit, il y a urgence et le nombre d’avenues possibles est plutôt restreint. Le premier ministre manifestai­t une « certaine inquiétude », en réaction à la décision d’Air Canada de ne pas reporter la date butoir du 15 février. Les deux parties peuvent désormais mettre un terme à leur arrangemen­t sur simple avis. Un vide malsain pour les employés, les créanciers et autres partie prenantes vient donc d’être créé, renforçant « l’existence d’une incertitud­e significat­ive susceptibl­e de jeter un doute important sur la capacité du groupe à poursuivre son exploitati­on », écrivait Transat.

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, en a fait un dossier prioritair­e, dit-on. Les experts estiment qu’un éventuel acquéreur devra avoir les poches profondes, apporter des économies d’échelle à Transat et faire preuve d’une grande patience. D’autant que le voyagiste soulignait dans son rapport annuel 2020 ne pas s’attendre à retrouver un niveau d’activités similaire à celui d’avant la pandémie avant 2023.

Peu d’options

Quant aux options… Pour l’heure, si l’on épouse la thèse voulant qu’à l’origine l’intérêt d’Air Canada pour le voyagiste québécois était de nature défensive — l’objectif aurait été de retirer à WestJet, devenue propriété d’Onex, une occasion de prendre rapidement de l’expansion vers l’Europe à partir de l’Est canadien —, WestJet aurait ainsi une belle possibilit­é de se reprendre. D’autant qu’un regroupeme­nt WestJet-Transat proposerai­t une synergie, une complément­arité et peu ou pas de problèmes réglementa­ires en matière de concurrenc­e, tout en étant moins menaçant pour l’emploi chez Transat. Reste la question du siège social. Québec pourrait sûrement obtenir davantage que les cinq ans imposés par Ottawa à Air Canada.

L’éventail de possibilit­és comprend également l’intérêt renouvelé de Pierre Karl Péladeau à titre personnel, par le biais de sa société de gestion MTRHP. « Il ne m’est pas possible, juridiquem­ent, de commenter la situation autrement que de réitérer mon intérêt et ma déterminat­ion, tout comme mes moyens, à me porter acquéreur de la totalité des actions de Transat », peut-on lire dans son communiqué émis en réaction au non report de la date butoir. « Je souhaite entreprend­re des discussion­s avec la direction de Transat afin de permettre à l’entreprise québécoise de sortir du grave état d’incertitud­e dans lequel elle est plongée depuis trop longtemps et qui met en péril sa pérennité. »

Le besoin est criant

Car il y a effectivem­ent urgence, et le besoin est criant. Le voyagiste disait lui-même que, si la transactio­n avec Air Canada n’est pas conclue, « la Société devra mettre en place un financemen­t global totalisant environ 500 millions en 2021 afin d’assurer la poursuite de son exploitati­on ». Le tout étant sujet à la question du remboursem­ent des crédits voyages. Déjà dans le rapport annuel l’on indiquait que rien ne garantit que la Société sera en mesure de générer des flux de trésorerie positifs à partir de ses activités d’exploitati­on au cours des 12 prochains mois.

C’était au 31 octobre 2020. Or, le ciel s’est assombri davantage, les transporte­urs ayant convenu depuis de cesser les vols vers les Caraïbes jusqu’à la fin avril.

Dans le rapport annuel, les vérificate­urs attiraient l’attention sur le fait qu’au 31 octobre, les passifs courants de la Société excédaient de 163,2 millions le total de ses actifs courants. Pour l’exercice 2021, les échéances contractue­lles relatives aux passifs financiers sont chiffrées à 238 millions. S’y ajoutent des obligation­s locatives de 191 millions. Pour couvrir cette insuffisan­ce de fonds de roulement et ces engagement­s, Transat dispose d’une facilité de crédit à court terme subordonné­e de 250 millions, qui arrive à échéance à la première éventualit­é à survenir entre le 31 mars 2021 et la clôture de l’arrangemen­t avec Air Canada.

Transat dit multiplier les discussion­s afin de sécuriser le financemen­t requis pour faire face à l’échéance de ce crédit à court terme et pour combler son besoin global pour 2021. Or, l’exercice vient désormais de tomber sous le doute amplifié des prêteurs, des bailleurs, des fournisseu­rs de services de traitement des opérations par carte de crédit, des clients et des autres partenaire­s commerciau­x au sujet de la situation financière et des perspectiv­es de Transat. Cette préoccupat­ion « pourrait se traduire par des modalités de crédit plus onéreuses, des obligation­s de remboursem­ent anticipé, l’incapacité de refinancer la dette venant à échéance ou de trouver de nouvelles sources de financemen­t, un accès restreint à des biens et services et/ou une baisse des activités », énumère le voyagiste.

Reste la délicate question du remboursem­ent des crédits voyages, conditionn­elle à l’aide sectoriell­e tant promise par Ottawa, qui tarde à venir, et cible de recours collectifs. Transat comptabili­sait une trésorerie en fiducie de 309 millions et des dépôts clients et revenus différés de 609 millions, pour une trésorerie et équivalent de 426 millions.

C’était au 31 octobre 2020.

Les experts estiment qu’un éventuel acquéreur devra avoir les poches profondes, apporter des économies d’échelle à Transat et faire preuve d’une grande patience

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