La Cour européenne ordonne la libération de Navalny
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a demandé mercredi la libération immédiate de l’opposant russe Alexeï Navalny, arguant d’un risque pour sa vie, une requête immédiatement rejetée par la Russie, qui a dénoncé une ingérence inacceptable.
La demande de la CEDH a été publiée un mois jour pour jour après l’arrestation, le 17 janvier, de l’adversaire numéro un du Kremlin. Ce dernier rentrait alors en Russie d’une longue convalescence en Allemagne, à la suite d’un empoisonnement ordonné, selon lui, par le président russe, Vladimir Poutine.
La Cour ne fait pas référence à cet empoisonnement, démenti par Moscou, mais confirmé par trois laboratoires européens. Elle estime cependant qu’il doit être libéré au regard de « l’ampleur du risque pour la vie du requérant ».
Le ministre russe de la Justice, Konstantin Tchouitchenko, a opposé une fin de non-recevoir cinglante à cette instance distincte de l’Union européenne et basée à Strasbourg, en France. « Il n’y a aucune base légale en droit russe permettant la libération de cette personne », a-t-il déclaré, selon les agences de presse russes, dénonçant une « une ingérence grossière » dans les affaires de son pays.
« C’est un coup porté au droit international, dont la CEDH, à mon avis, ne réalise pas les conséquences », a renchéri la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, sur les ondes de la chaîne de télévision Rossiya-24.
Moscou, qui est depuis des années à couteaux tirés avec l’Union européenne (UE) et les États-Unis, avait déjà rejeté de multiples appels occidentaux à libérer l’opposant russe le plus connu, y voyant une atteinte à sa souveraineté.
Conséquences à venir ?
Le 2 février, M. Navalny a été condamné à deux ans et huit mois d’emprisonnement après la conversion d’une peine de prison avec sursis en sentence ferme pour violation de son contrôle judiciaire. Il attend désormais en détention l’examen en appel, samedi, de cette condamnation.
Ses partisans ont salué la décision de la CEDH, martelant que Moscou devait s’y plier d’urgence. « La Russie est obligée de mettre en oeuvre cette décision. […]
Il ne peut en être autrement, car la Convention européenne [des droits de l’Homme] fait partie de la législation russe », a noté l’avocate de l’opposant, Olga Mikhaïlova.
L’un de ses proches collaborateurs, Leonid Volkov, a quant à lui affirmé que la non-application de cette demande pourrait conduire à une sortie de Moscou du Conseil de l’Europe et à de « nombreuses » conséquences, comme l’annulation d’accords internationaux liant la Russie.
La CEDH rappelle, elle, que les États membres de cette institution « ont l’obligation de respecter » ces mesures provisoires.
Cependant, leur non-respect a déjà été observé, notamment en 2005, lorsque la Turquie a extradé deux ressortissants ouzbeks.
Depuis, d’autres pays, dont la Moldavie en 2009 et la Russie en 2016, ont été condamnés par la CEDH pour « non-respect » de telles décisions.
Les mesures provisoires ordonnées par la CEDH sont le résultat d’une procédure exceptionnelle en cas de « risque imminent de dommage irréparable ». L’opposant avait reçu en 2014 la peine avec sursis — transformée en février en prison ferme — dans le cadre d’un procès pour fraude. En 2017, la CEDH avait jugé que M. Navalny et son frère, jugé dans la même affaire, avaient été privés du droit à un procès équitable.