Le Devoir

La Cour européenne ordonne la libération de Navalny

- ANTOINE POLLEZ ET ANTOINE LAMBROSCHI­NI À MOSCOU AGENCE FRANCE-PRESSE

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a demandé mercredi la libération immédiate de l’opposant russe Alexeï Navalny, arguant d’un risque pour sa vie, une requête immédiatem­ent rejetée par la Russie, qui a dénoncé une ingérence inacceptab­le.

La demande de la CEDH a été publiée un mois jour pour jour après l’arrestatio­n, le 17 janvier, de l’adversaire numéro un du Kremlin. Ce dernier rentrait alors en Russie d’une longue convalesce­nce en Allemagne, à la suite d’un empoisonne­ment ordonné, selon lui, par le président russe, Vladimir Poutine.

La Cour ne fait pas référence à cet empoisonne­ment, démenti par Moscou, mais confirmé par trois laboratoir­es européens. Elle estime cependant qu’il doit être libéré au regard de « l’ampleur du risque pour la vie du requérant ».

Le ministre russe de la Justice, Konstantin Tchouitche­nko, a opposé une fin de non-recevoir cinglante à cette instance distincte de l’Union européenne et basée à Strasbourg, en France. « Il n’y a aucune base légale en droit russe permettant la libération de cette personne », a-t-il déclaré, selon les agences de presse russes, dénonçant une « une ingérence grossière » dans les affaires de son pays.

« C’est un coup porté au droit internatio­nal, dont la CEDH, à mon avis, ne réalise pas les conséquenc­es », a renchéri la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, sur les ondes de la chaîne de télévision Rossiya-24.

Moscou, qui est depuis des années à couteaux tirés avec l’Union européenne (UE) et les États-Unis, avait déjà rejeté de multiples appels occidentau­x à libérer l’opposant russe le plus connu, y voyant une atteinte à sa souveraine­té.

Conséquenc­es à venir ?

Le 2 février, M. Navalny a été condamné à deux ans et huit mois d’emprisonne­ment après la conversion d’une peine de prison avec sursis en sentence ferme pour violation de son contrôle judiciaire. Il attend désormais en détention l’examen en appel, samedi, de cette condamnati­on.

Ses partisans ont salué la décision de la CEDH, martelant que Moscou devait s’y plier d’urgence. « La Russie est obligée de mettre en oeuvre cette décision. […]

Il ne peut en être autrement, car la Convention européenne [des droits de l’Homme] fait partie de la législatio­n russe », a noté l’avocate de l’opposant, Olga Mikhaïlova.

L’un de ses proches collaborat­eurs, Leonid Volkov, a quant à lui affirmé que la non-applicatio­n de cette demande pourrait conduire à une sortie de Moscou du Conseil de l’Europe et à de « nombreuses » conséquenc­es, comme l’annulation d’accords internatio­naux liant la Russie.

La CEDH rappelle, elle, que les États membres de cette institutio­n « ont l’obligation de respecter » ces mesures provisoire­s.

Cependant, leur non-respect a déjà été observé, notamment en 2005, lorsque la Turquie a extradé deux ressortiss­ants ouzbeks.

Depuis, d’autres pays, dont la Moldavie en 2009 et la Russie en 2016, ont été condamnés par la CEDH pour « non-respect » de telles décisions.

Les mesures provisoire­s ordonnées par la CEDH sont le résultat d’une procédure exceptionn­elle en cas de « risque imminent de dommage irréparabl­e ». L’opposant avait reçu en 2014 la peine avec sursis — transformé­e en février en prison ferme — dans le cadre d’un procès pour fraude. En 2017, la CEDH avait jugé que M. Navalny et son frère, jugé dans la même affaire, avaient été privés du droit à un procès équitable.

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