Alicia Clara à l’heure de tombée
L’autrice-compositrice-interprète montréalaise lance son premier album, Outsider/Unusal
Le bon son au bon moment : la chanson pop-rock sinueuse d’Alicia Clara résonne encore plus fort au coeur de notre mois de février confiné, sa voix comme une sirène nous attirant au creux de son intrigante poésie pop-rock.
Les textes bellement imagés de l’autrice-compositrice-interprète montréalaise paraissent suspendus au temps arrêté depuis un an, flottant sur des grooves hérités de la pop indé des années 1990 et 2000 — une facture sonore en partie accidentelle, confie la musicienne, dont le premier album, Outsider/Unusal, paraît sur le tout jeune label Hot Tramp consacré au développement de nouveaux talents féminins et LGBTQ+.
« Je l’aime tel qu’il est, ce disque », avec ses grandes qualités et les défauts qu’Alicia nous relève candidement, en parlant d’un projet formatif.
« Comment traduire A learning experience ? » demande l’autrice-compositrice-interprète qui a grandi en Suisse, et en français, d’une mère originaire de Trois-Rivières, où elle passait ses étés. Des études en journalisme à Londres, puis un séjour à se chercher à New York ont raffiné sa plume en anglais, qui brille sur les six chansons d’Outsider/Unusual.
Gestation compliquée
Ça ne s’entend pas du tout, mais la gestation de l’album fut compliquée, explique Alicia, à cause de la pandémie, certes, mais aussi par inexpérience. Ce devait être un EP autoproduit, avec un réalisateur attitré, qui a finalement passé le flambeau à un autre. Puis, sa gérance Hot Tramp, fondée par l’entrepreneure montréalaise Sarah Armiento, s’est muée en une étiquette de disques, « avec un distributeur en bonne et due forme, et donc un calendrier de parutions, des dates de tombée, résume Alicia. Sarah m’a dit que j’allais être le premier album à paraître sur son label. »
C’était l’été dernier. Le disque a été achevé en six semaines ; Alicia juge que c’était trop peu, elle aurait préféré réécrire certaines orchestrations, essayer différentes dynamiques, les rendre plus fidèles à ses démos comme le sont les superbes dernières chansons de l’album, Five et Faceless. Moins de spontanéité, plus de raffinement ; de vous à moi, on a beau y chercher des poux à ce disque, on n’en trouvera peu.
On est d’abord séduit par la voix fine et aérienne d’Alicia, puis par le doux climat dans lequel baignent ces chansons qui rappelleront la touche délicate d’Helena Deland, la langueur — débarrassée des influences folk — de Mazzy Star et la plume, « simple et honnête », de Lykke Li, qui a marqué l’adolescence d’Alicia.
Outsider/Unusal est aussi pour Alicia un disque initiatique — « un peu coming of age », dit-elle plutôt. La concrétisation d’un rêve germé il y a une douzaine d’années, qu’elle a cependant mis deux ans à peaufiner. La transformation s’applique autant à Hot Tramp, jeune boîte de promotion, management et production de spectacles qui, en plein coeur de la pandémie, a dû se réinventer.
« Ç’a toujours été un objectif pour moi de faire de Hot Tramp une maison de disque, mais lorsque la pandémie à frappé, le moteur de ma boîte — le festival Hot Tramp et la production de spectacles — s’est éteint », explique Sarah Armiento, qui se fait un point d’honneur d’utiliser sa jeune compagnie pour développer et faire la promotion d’artistes féminines et appartenant à la communauté LGBTQ+ locale.
Musiciennes sous-représentées
« Tout ça a débuté de manière très naturelle, en voulant travailler avec mes amies artistes, mais j’ai compris qu’il y avait un besoin » pour une structure consacrée à ces musiciennes sous-représentées dans notre industrie, dit l’entrepreneure qui, pendant sa formation universitaire d’économiste, a dirigé l’espace culturel communautaire The Bog, dans le quartier Saint-Henri, et qui gère le calendrier de spectacles du Club Social Le Scaphandre, boulevard Saint-Laurent.
Deux autres albums sont déjà prévus en 2021 chez Hot Tramp Records, ceux de Jeanette King et de Maryse. « Aussi terrible que soit la situation, j’ai le sentiment que cette pandémie pourrait remettre les compteurs à zéro dans l’industrie de la musique, dit Sarah. Et considérant l’éveil de l’industrie au Québec survenu l’été dernier, je crois que de plus en plus de structures comme Hot Tramp vont éclore à l’avenir et qu’il sera plus facile pour les femmes de prendre leur place dans notre industrie. »