Le Devoir

Legault prend les commandes du tramway de Québec

Le gouverneme­nt Legault élaborera son propre tracé et présentera ensuite son plan au maire Régis Labeaume

- ISABELLE PORTER À QUÉBEC

Après des mois de tensions entre le gouverneme­nt Legault et Régis Labeaume autour du projet de tramway, le premier ministre a décidé de forcer la main au maire en imposant son propre projet. Un coup de force dont les effets politiques restent à déterminer.

« Il y a eu des discussion­s pour certains changement­s au tramway, mais il n’y avait pas d’ouverture du côté de Régis Labeaume », a déclaré le premier ministre François Legault jeudi matin en mêlée de presse. « Ce qu’on a décidé, c’est qu’on va travailler un projet qui, selon nous, répond mieux aux besoins des banlieues de Québec. Et on va le présenter à Régis Labeaume. »

Toute la journée de jeudi, le maire a brillé par son silence et son absence médiatique après cette sortie. À moins d’un an des élections municipale­s, on ignore toujours à Québec s’il solliciter­a un cinquième mandat.

Mais une chose est claire : sa décision sera étroitemen­t liée au dossier du tramway. « On va vous revenir à partir du moment où les décisions finales seront prises sur le tramway, a-t-il dit le 9 janvier dernier lorsqu’il a été questionné à ce sujet. « Moi, je souhaite que le dossier du tramway soit derrière nous, ça permettrai­t de faire en sorte qu’on ait d’autres thématique­s. »

Voilà plus de trois mois que le gouverneme­nt Legault et la Ville négociaien­t pour trouver un terrain d’attente. Le maire répète depuis que les échanges avec le ministre des Transports, François Bonnardel, sont positifs. Or, il appert qu’ils n’ont rien donné.

« Le maire nous a bernés », a réagi le chef de l’opposition à la Ville, JeanFranço­is Gosselin. « Ils nous a dit pendant des mois que les négociatio­ns avançaient bien. » Opposé depuis le début au projet, le chef de Québec 21 s’est en outre dit « rassuré » par la prise en charge du trajet par le gouverneme­nt .

De nouvelles extrémités

Le parcours de la Ville prévoyait que le tramway parte du terminus Le Gendre, à Cap-Rouge, et se rende jusqu’au sud du boulevard Louis-XIV à Charlesbou­rg. Entre les deux, il longerait le boulevard Laurier puis empruntera­it un tunnel dans la section comprenant le boulevard René-Lévesque, la colline Parlementa­ire et le quartier Saint-Roch pour ensuite sortir de terre en direction nord.

Quelles banlieues pourraient être mieux desservies ? Le premier ministre n’était pas en mesure de le dire jeudi. « Je viens de Montréal », a-t-il dit en mentionnan­t qu’il laisserait cela au ministre des Transports, François Bonnardel. Or ce dernier n’a pas non plus apporté de précisions à ce sujet. Le ministre a toutefois été clair : il souhaite toujours qu’un tramway serve de colonne vertébrale au réseau. Reste à savoir jusqu’où ses extrémités se rendraient et comment elles se connectera­ient à la périphérie.

Dans ce contexte, le gouverneme­nt devrait lancer les premières étapes du projet, plaide Étienne Grandmont, de l’organisme Accès Transports Viables. « Il y a une composante du projet qui doit être immédiatem­ent être lancée et c’est le tramway. »

Mardi, le vérificate­ur général de la ville, Michel Samson, avait révélé que chaque année de retard dans l’échéancier du projet coûtait 100 millions de dollars.

Question d’autonomie

La décision du premier ministre a fait bondir l’opposition au Salon bleu. « Ce qu’on constate aujourd’hui, puis le dossier du tramway de la ville de Québec en est un bel exemple, c’est que le gouverneme­nt de la CAQ n’y croit pas, à l’autonomie municipale », a lancé la députée libérale Marie-Claude Nichols pendant la période de questions. Son collègue André Fortin est même allé jusqu’à demander qu’on l’assure que le train léger de Gatineau ne subisse pas le même sort.

En réponse aux questions, le ministre Bonnardel a répété en substance ce qu’il dit depuis des semaines. « Laissez-nous le temps de faire le travail pour proposer, encore une fois, le meilleur projet ».

Au Québec, le transport collectif est financé en grande partie par le gouverneme­nt du Québec, mais ce sont les sociétés de transport municipale­s qui élaborent les projets. Certains se questionne­nt d’ailleurs sur l’expertise du ministère des Transports en la matière. « Jamais le MTQ n’est porteur de projets en transport collectif, surtout de cette ampleur », fait valoir Étienne Grandmont.

Qui élaborera le nouveau tracé au MTQ ? Le cabinet du ministre Bonnardel indique que cela relèvera de la direction des projets stratégiqu­es et du transport collectif et ferroviair­e.

Fait notable, ladite équipe pourrait bénéficier d’une plus grande marge de manoeuvre financière que le bureau de projet de la Ville. C’est du moins ce que le premier ministre a laissé entendre. « Idéalement, on voudrait respecter l’enveloppe budgétaire, mais il y a des évaluation­s qui sont faites actuelleme­nt et donc, ce qu’on veut, c’est de bien desservir les banlieues de Québec. »

Le budget du projet de tramway s’élève à 3,3 milliards de dollars. Sur ces 3,3 milliards, 1,8 milliard de dollars proviennen­t du gouverneme­nt du Québec, 1,2 milliard d’Ottawa et le reste de la Ville.

Malgré les changement­s, M. Legault affirme pouvoir lancer le chantier en 2022 comme prévu, tout comme celui du tunnel entre Québec et Lévis. « On veut que les deux projets soient intégrés », a réitéré M. Legault. « Ce qui nous empêche actuelleme­nt de présenter le tunnel Québec-Lévis, c’est la finalisati­on du tracé du tramway. »

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QUINTIN SOLOVIEV CREATIVE COMMONS Le parcours qu’avait envisagé la Ville prévoyait que le tramway emprunte un tunnel dans la section comprenant le boulevard RenéLévesq­ue, la colline Parlementa­ire et le quartier Saint-Roch.

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