Ottawa s’engage à protéger le chevalier cuivré à Contrecoeur
La protection du poisson « en voie de disparition » bloquera-t-elle le projet du Port de Montréal ?
Ciblé par une action en justice en raison des retards importants dans la protection de l’habitat essentiel d’un poisson menacé du Saint-Laurent, le gouvernement Trudeau s’engage finalement à agir. La préservation des zones fréquentées par ce poisson, le chevalier cuivré, pourrait toutefois avoir des répercussions sur le projet d’expansion de 750 millions de dollars du Port de Montréal à Contrecoeur.
Selon ce qu’a précisé le gouvernement fédéral par courriel, la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Bernadette Jordan, publiera samedi dans la Gazette officielle un projet d’« arrêté visant la protection de l’habitat essentiel en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) afin de protéger l’habitat essentiel du chevalier cuivré ». Ce projet sera alors soumis à une consultation publique de 30 jours. Aucun autre détail n’a été fourni et le ministère a simplement indiqué au Devoir qu’« une annonce à ce sujet sera faite dans les prochains jours».
Le chevalier cuivré est une espèce « en voie de disparition » endémique dans le Saint-Laurent, c’est-à-dire qu’on le retrouve à un seul endroit dans le monde, soit le tronçon fluvial situé en amont du lac Saint-Pierre. En vertu de la LEP, Ottawa aurait dû prendre un arrêté ministériel pour protéger son habitat essentiel au plus tard 180 jours après que cet habitat a été désigné — soit au plus tard le 17 décembre 2012. Il serait donc interdit de détruire des « éléments » de cet habitat, qui a été établi par les scientifiques fédéraux.
Dans le cas de ce poisson, l’enjeu est d’autant plus important que la construction du projet de terminal de conteneurs à Contrecoeur détruirait des éléments de cet habitat. Dans le cadre de l’évaluation environnementale fédérale du projet, Pêches et Océans Canada a d’ailleurs reconnu que le terminal
Le chevalier cuivré est une espèce « en voie de disparition » endémique dans le SaintLaurent, c’est-à-dire qu’on le retrouve à un seul endroit dans le monde, soit le tronçon fluvial situé en amont du lac SaintPierre
industriel serait bel et bien construit « au sein même de l’habitat essentiel du chevalier cuivré ».
Requête devant la cour
Concrètement, le nouveau quai de 675 mètres de longueur qui serait construit détruirait des herbiers nécessaires à l’alimentation du chevalier cuivré. En janvier, la Société pour la nature et les parcs du Canada et le Centre québécois du droit de l’environnement ont d’ailleurs déposé une requête en Cour fédérale afin de lancer une action en justice contre Ottawa. Selon les deux organismes, le fédéral contrevient à la LEP en ne protégeant pas l’habitat essentiel du poisson.
Jeudi, la directrice des communications de l’Administration portuaire de Montréal (APM), Mélanie Nadeau, n’a pas précisé si le projet d’expansion du Port à Contrecoeur pourra être réalisé comme prévu. « L’Administration portuaire de Montréal réitère sa volonté de respecter l’ensemble de la réglementation applicable et de déployer les meilleures mesures de compensation pour gérer les impacts de façon responsable», a-t-elle fait valoir par courriel.
L’APM a déjà reçu des appuis financiers de Québec et d’Ottawa. En janvier, le gouvernement Legault a offert une subvention de 55 millions de dollars afin de commencer les travaux sur le site dès cette année. Le Port de Montréal a aussi reçu un soutien financier de 300 millions de dollars du gouvernement Trudeau.
Ce projet portuaire doit permettre de faire transiter chaque année jusqu’à 1,15 million de conteneurs à Contrecoeur, sur la rive sud du Saint-Laurent. En période de pointe, plus de 400 000 camions y transiteront chaque année.