Le Devoir

Vivifier les friches industriel­les de l’est de Montréal

Des entreprise­s imaginent déjà des quartiers grouillant de travailleu­rs et d’activités sur ces terres en attente de décontamin­ation

- ROXANE LÉOUZON

Le potentiel économique de l’est de Montréal, longtemps négligé, est maintenant vanté par les politicien­s et les gens d’affaires. Le REM devrait accélérer son développem­ent lors de sa mise en service, en 2029. Mais d’ici là, les citoyens et les entreprise­s de l’Est ont des projets plein la tête afin de donner de la vitalité à leurs quartiers. Dernière de quatre exploratio­ns : les friches industriel­les.

Pour le moment, il n’y a pas de vie humaine sur 35 millions de pieds carrés de terrains dans l’est de Montréal, contaminés notamment par l’industrie pétrochimi­que. Certaines entreprise­s imaginent cependant déjà des quartiers modernes grouillant­s de travailleu­rs et d’activités. C’est le cas de Sanexen services environnem­entaux, spécialisé­e notamment en gestion de matières résiduelle­s et dangereuse­s, qui a déjà des installati­ons à MontréalEs­t et à Rivière-des-Prairies.

« C’est le terrain de jeu rêvé pour des entreprise­s comme la nôtre. On est habitué à présenter des technologi­es innovantes pour régler des problèmes de contaminat­ions complexes partout dans le monde. On veut non seulement aider la décontamin­ation, mais donner aussi une deuxième vie à ces friches industriel­les », souligne Mathieu Germain, directeur au développem­ent stratégiqu­e chez Sanexen.

L’entreprise visualise un centre d’excellence opérationn­elle et d’innovation qui lui permettrai­t, dans un premier temps, de faire croître ses propres activités, puisque les terrains qu’elle occupe ne suffisent plus. « On a besoin d’un centre de formation en interne, de lieux pour faire des tests de laboratoir­e et où amener nos clients pour commercial­iser nos innovation­s. À terme, on pourrait créer des dizaines, voire des centaines d’emplois », détaille pour sa part le vice-président à l’innovation, Martin Bureau.

Mais Sanexen voit plus loin encore, sur un horizon de cinq ans. L’entreprise souhaite réunir des joueurs des milieux de l’éducation et de la recherche autour des thèmes des technologi­es propres, du développem­ent durable et de la mobilité.

La Société de développem­ent Angus (SDA), qui a réalisé le projet du Technopôle Angus, dans Rosemont, est en discussion avec Sanexen afin de participer à ce projet. Le président de la SDA le qualifie d’« embryonnai­re, mais sérieux ». « On verrait un parc d’entreprise­s, des milieux de vie, un centre de recherche, une salle de sport, des commerces, des parcs », décrit Christian Yaccarini.

Soutenir les technologi­es vertes

Le Collège de Maisonneuv­e souhaitera­it aussi participer à un tel projet, qui rassembler­ait les expertises relativeme­nt aux technologi­es vertes. Le directeur du Centre d’études des procédés chimiques du Québec du cégep, Yacine Boumghar, travaille déjà à la constructi­on d’une unité de recherche pour aider les jeunes entreprise­s à commercial­iser leurs produits, par un soutien à la production de petits lots. Nommé Hall précommerc­ial intégré (HPCI), ce centre est prévu au Technopôle Angus dès qu’il aura réuni suffisamme­nt de financemen­t.

Un projet comme celui proposé par Sanexen permettrai­t de développer ce secteur davantage et d’être un puissant outil de relance économique, croit M. Boumghar. « La raffinerie pétrochimi­que est au coeur de l’économie, parce qu’à partir du pétrole, on fait une multitude de produits ; des carburants, mais aussi du plastique. On veut faire la même chose avec des ressources agroforest­ières pour devenir vert et miser sur le renouvelab­le. Le HPCI serait trop petit pour ça, parce qu’en raffinerie, on parle de très gros volumes », dit-il.

Le lieu précis de ce centre d’innovation n’est toutefois pas encore déterminé. La raison est simple : les terrains potentiels ne sont pas encore décontamin­és, ni même en vente. Par ailleurs, ils ont une valeur négative,

fait remarquer M. Germain, puisque les coûts de décontamin­ation sont énormes. Un autre problème est l’absence d’infrastruc­ture, comme des aqueducs, des égouts et de l’électricit­é.

Optimisme et volonté politique

Les dirigeants de Sanexen sont toutefois optimistes. Ils ont l’impression que la volonté politique de développer l’Est est bien présente aux échelons municipal et provincial. Le projet de REM en serait une démonstrat­ion. Une autre avancée est la mise en place, en mars 2019, d’un programme de subvention pour la réhabilita­tion des terrains contaminés de l’Est. Doté d’une enveloppe de 100 M$, il permet aux entreprise­s qui n’ont pas pollué elles-mêmes leurs terrains de couvrir 75 % de leurs dépenses de décontamin­ation. La Ville de Montréal a entamé, à l’automne dernier, des travaux sur neuf de ses propres terrains, pour un total de quatre millions de pieds carrés. Les entreprise­s ne sont toutefois pas au rendez-vous, puisqu’un seul projet privé, encore à l’étude, a été soumis dans le cadre de ce programme.

« Tous les propriétai­res privés ont été appelés plusieurs fois à ce sujet, assure Caroline Bourgeois, responsabl­e de l’Est au comité exécutif de la Ville de Montréal. On a encore un travail à faire pour que le message soit compris. » La Ville travaille aussi à trouver une solution pour que les terrains appartenan­t à Esso et à Suncor soient nettoyés sans puiser dans les poches des contribuab­les.

Mme Bourgeois reconnaît que la question de l’absence d’infrastruc­tures rebute toujours plusieurs entreprise­s. « Ça va nous prendre une aide du gouverneme­nt fédéral, parce que ce n’est pas la Ville de Montréal qui a la capacité de régler ce problème », considère la conseillèr­e municipale.

Pour ses propres terrains, l’administra­tion municipale souhaite que la décontamin­ation soit terminée en 2022. Elle va ensuite sélectionn­er, parmi les intéressés, les projets qui y seront développés. Pas question de vendre ces terrains aux plus offrants, sans droit de regard sur leur avenir. « On ne passera pas à côté de la question des technologi­es propres, sur lesquelles on veut se positionne­r dans l’est de Montréal de façon plus importante », souligne Mme Bourgeois.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR « On veut non seulement aider la décontamin­ation, mais donner aussi une deuxième vie à ces friches industriel­les », explique Mathieu Germain (à gauche), directeur au développem­ent stratégiqu­e chez Sanexen. On le voit ici en compagnie du vice-président à l’innovation de l’entreprise, spécialisé­e en gestion de matières résiduelle­s, Martin Bureau.
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