Le Devoir

Rye & Bourbon : deux larrons qui font la fête

- BILLET VINS JEAN AUBRY COLLABORAT­EUR

1789. Cette date vous dit quelque chose ? Il y a bien sûr en Europe la Révolution française et, en Amérique, selon la légende locale, l’apparition du premier whiskey (avec ou sans « e ») dans le comté de Bourbon. Alors qu’on décapite d’une part la noblesse française, le bourbon, nommé en l’honneur de la descendanc­e royale des Bourbon, se voit, elle, anoblie de l’autre côté de l’Atlantique par l’entremise d’une eaude-vie de grains pas piquée des hannetons. Bref, si certains se la coulent douce, d’autres n’ont même plus de tête pour se la couler. Ainsi va la vie !

Clarifions déjà la chose : si tous les bourbons sont des whiskies, tous les whiskies ne sont pas nécessaire­ment des bourbons. La différence, alors, entre un rye et un bourbon ? S’ils sont tous deux des whiskies, le rye doit être distillé avec un minimum de 51 % de seigle alors que le bourbon lui, est distillé dans les mêmes proportion­s, mais avec du maïs (Indian corn) cette fois. Blé, millet, orge (maltée ou non) etc. complètent le tout dans des proportion­s que les distilleri­es préfèrent conserver secrètes.

Il y a beaucoup à dire sur le sujet. Une incursion sur le site Web de la chronique vous permettra de compléter l’aventure. Grosso modo, le bourbon, qui doit obligatoir­ement séjourner un minimum de deux ans en fût neuf « haute chauffe » est plus riche, plus ample, plus « sucré » et texturé alors que le rye apparaît plus « sec », plus épicé, plus tendu, avec un aspect qui n’est pas sans évoquer les candidats tourbés écossais de bord de mer. En voici quelques-uns. La dégustatio­n n’a pas été réalisée à l’aveugle, mais par ordre croissant de degré d’alcool, dans chacune des catégories. Le Devoir tient à remercier les agences promotionn­elles pour leur contributi­on en ce qui a trait aux échantillo­ns fournis. Bourbon Basil Hayden’s, Kentucky Straight

Bourbon Whisky (53,75 $ — 10331516 — 40 % alc./vol.). Un bijou ! Pour le détail, la délicatess­e, la fraîche subtilité de l’ensemble. Un distillat inspiré derrière ses huit ans de fût, sa touche

épicée, de cèdre nuancé de santal, presque de tourbe fumée. Bouche précise, explosant avec une certaine grâce en milieu de bouche. Finale « sèche », longue. Cari d’agneau ? Woodford Reserve, Kentucky

Straight Bourbon Whisky (49,75 $ — 10323111 — 45,2 % alc./vol.). Une triple distillati­on confère ici un niveau de sophistica­tion certain. Le bouquet évoque le marc frais d’un bon cognac, avec de subtiles notes épicées et vanillées, avec une touche d’amandes mondées. Texture satinée et longueur derrière ses sept ans d’âge. 1792, Kentucky Straight Bourbon

Whisky (49,75 $ — 11857026 — 46,85 % alc./vol.). Dans la lignée du Woodford, une cuvée digne d’un président. Bouquet nuancé, chaleureux, pénétrant et profond avec une touche de rhum qui prolonge une bouche « endimanché­e ». Coin du feu, au naturel. Koval, Single Barrel Bourbon

Whiskey, Chicago, Illinois (100 $ — 14425991 — 47 % alc./vol.). Un bio intrigant, de haute voltige avec ses 49 % de millet dans l’assemblage. Beaucoup d’éclat, avec nuances grillées, vanillées, fruitées et empyreumat­iques. Finale racée, saline où se dégage l’umami. Wild Turkey 101, Kentucky

Straight Bourbon Whisky (37,25 – 13416005 — 50,5 % alc./vol.). Dans la lignée du « petit frère » pour un bourbon énergique, à peine assoupli par ses huit ans passés sous douelles. Succomber à un autre verre est la tentation que je vous laisse. 1/2 Booker’s, James B. Beam, Kentucky Straight Bourbon Whiskey (100,25 $ — 11036308 — 63,20 % alc./ vol.). Ce « brut de fût » non filtré à froid âgé de sept ans offre un bouquet puissant, chaleureux et ascensionn­el, marqué par le cèdre, le santal, le safran et les dattes confites. Un bourbon électrisan­t qui, selon les experts de la table, trouvera preneur sur un steak au poivre.

Rye Koval Single Barrel Rye Whiskey,

Chicago, Illinois (99,75 $ — 14428817 — 40 % alc./vol.). Cher, mais harmonieux, avec un souci du détail manifeste. Noix fumées, épices, pralines au beurre et bouche puissante, au goût d’iode, de latex (eh oui !), le tout s’éclairciss­ant sur un fruité de mirabelle et d’épices. Original. Bulleit Frontier Rye Whisky, Indiana (36 $ — 12730271 — 45 % alc./ vol.). Distillé sur une base de 95 % de seigle, voilà un nez d’huiles essentiell­es d’agrumes, de citronnell­e et de grillé. Bouche vivante gagnant en intensité (gingembre, cardamome) pour une finale bien contrôlée. Fera un malheur en cocktail ! 1/2 Sazerac Straight Rye Whisky,

Buffalo Trace, Kentucky (57,50 $ — 13186684 — 45 % alc./vol.). Le rôti de porc à l’orange accompagné ici par l’assemblage en cocktail (sazerac + cognac [ou absinthe] + Peychaud’s Bitter) pave ici la voie royale. Gousse de vanille, zeste d’orange, épices sur une bouche crémeuse, chaleureus­e et longue. J’aime ! 1/2

Clarifions la chose : si tous les bourbons sont des whiskies, tous les whiskies ne sont pas nécessaire­ment des bourbons

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