L’hypothèse du tableau contrefait
The Last Vermeer revient sur le procès d’un faussaire si doué qu’il peina à convaincre de l’inauthenticité de ses oeuvres
L’action du film The
Last Vermeer se déroule aux Pays-Bas, juste après la Seconde Guerre mondiale. Le capitaine Joseph Diller s’est vu confier la tâche de retrouver les propriétaires légitimes, à savoir des familles juives, d’oeuvres d’art volées par les nazis récupérées depuis par les forces alliées. Au passage, il doit identifier les collabos qui ont facilité le pillage. Diller tombe ainsi sur un Vermeer vendu à nul autre qu’Hermann Göring par un marchand d’art local : Han van Meegeren. Incapable d’identifier les propriétaires, Diller met l’homme aux arrêts pour le faire parler. Or, ce qu’il découvrira fera de van Meegeren non pas un paria, mais un héros national.
« Je m’intéresse à l’art de très longue date ; j’ai suivi plusieurs cours, surtout en histoire de l’art. Un jour que je discutais avec un ami, il m’a demandé si j’avais déjà entendu parler d’Han van Meegeren. J’ignorais de qui il s’agissait, mais son histoire m’a aussitôt fasciné », explique le réalisateur Dan Friedkin.
C’est que Han van Meegeren n’a pas dérobé le tableau pour ensuite le revendre au haut dirigeant nazi : il l’a lui-même peint, fourguant donc une contrefaçon à Göring, qui tint à payer le gros prix pour étaler sa richesse et son bon goût. Seulement voilà, le talent de van Meegeren se retourna contre lui puisqu’au début de son procès, personne ne voulait croire que ledit tableau était un faux. Ou l’art de se peinturer dans un coin.
« J’ai effectué des recherches approfondies, et je me suis dit que c’était l’occasion de raconter une histoire pour le moins unique qui touche en plus à une de mes passions », poursuit Dan Friedkin, qui signe là sa première après avoir coproduit plusieurs films.
Un vieux rêve
D’ailleurs, un mot s’impose sur le parcours atypique de Dan Friedkin, qui dans les faits est à la tête de l’une des plus importantes fortunes américaines, acquise surtout dans l’industrie automobile.
« Très jeune, j’ai fait ces choix de carrière et par conséquent, on peut dire que j’effectue un passage tardif au cinéma : mais il n’est jamais trop tard. En réalité, j’ai toujours été un geek avec les caméras : je tourne des films — en Super 8, en 16 mm — depuis que je suis enfant et j’étudie le cinéma, les techniques, les angles, etc., depuis à peu près aussi longtemps. »
En 2017, Dan Friedkin fit l’acquisition de la maison de distribution de films Neon (Parasite) et se mit à produire plus régulièrement des films, dont la Palme d’or The Square, de Ruben Ostlund, et All the Money in the
World, de Ridley Scott. Ridley Scott qui a en retour produit The Last Vermeer.
« Pendant le développement d’All
the Money in the World, nous avons énormément discuté, Ridley et moi, et je lui ai confié mon désir de passer à la réalisation. Il m’a simplement dit : “trouve un bon scénario, et fonce” . Il a été très encourageant. Ça m’a aidé. Pendant le tournage, j’étais là à chaque seconde, et il m’a laissé le regarder travailler de près. » Une véritable école.
Distribution idéale
De son propre aveu, Dan Friedkin s’est « hyperpréparé », par professionnalisme évidemment, mais d’abord pour calmer son anxiété à l’idée de se planter. Chaque plan fut soigneusement élaboré.
« Je suis par contre demeuré ouvert aux changements, sachant que les imprévus sont inévitables. Mais je me sentais confiant au moment de tourner : j’avais une vision claire de ce que je voulais. Visuellement, le film est un peu la somme de ce qui me plaît. Par exemple, des films comme The Reader, de Stephen Daldry, et The Trial, d’Orson Welles, m’ont influencé pour ce qui est de la facture, c’est certain. »
The Last Vermeer bénéficie en outre du brio d’interprètes qui, bien qu’issus d’horizons variés, livrent une interprétation d’ensemble harmonieuse dominée par le jeu charismatique de Claes Bang et celui, plein de panache, de Guy Pearce.
« Je savais par The Square de quoi Claes est capable. Pour Vicky Krieps [dans le rôle pivot de Minna Holberg, ex-épouse et possible complice de van Meegeren], elle m’avait jeté par terre dans The Phantom Thread, où elle n’est jamais éclipsée par Daniel Day-Lewis. Pour le rôle de van Meegeren, c’est Ridley qui m’a suggéré Guy Pearce [Memento, L.A. Confidential] en me vantant son talent et sa nature agréable sur un plateau. Je tenais aussi à Roland Moller, qui m’avait épaté dans le film de guerre
Land of Mine. C’était ma distribution idéale, et j’ai eu la chance que tous acceptent. »
Au final, l’aventure fut-elle suffisamment gratifiante pour que Dan Friedkin décide de poursuivre sur la voie de la réalisation ? « Oh, oui, sans la moindre hésitation. »