Le Devoir

Lutter contre la discrimina­tion dans le monde sportif

U Sports a voulu entamer le dialogue dans un panel universita­ire

- JESSICA BEAUPLAT

La discrimina­tion dans le monde du sport n’épargne ni les joueurs, ni les entraîneur­s, ni même les présidents d’équipes sportives. Comme le rappelle l’incident vécu par Masai Ujiri, dirigeant des Raptors de Toronto qui a commenté la semaine dernière l’abandon des poursuites le visant pour l’altercatio­n survenue à la suite de la conquête du championna­t de la NBA de son équipe en 2019.

L’organisati­on canadienne de sport universita­ire U Sports ouvre la voie à une conversati­on qu’elle veut poursuivre pour les années à venir afin de rendre les environnem­ents sportifs inclusifs pour tous, a laissé entendre le directeur du marketing, Mohamed Hassan.

C’est dans ce but qu’a eu lieu un panel de discussion présenté à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs.

Car l’injustice raciale existe même au Canada et au niveau universita­ire, ont tour à tour souligné neuf intervenan­ts — étudiants-athlètes, anciens élèves, entraîneur­s et administra­teurs sportifs.

Ainsi, l’entraîneur en chef de l’équipe de basketball de l’Université de Guelph, Charles Kissi, s’est déjà fait reprocher de s’être levé trop vite, « c’était intimidant et ça faisait peur », lui a-t-on dit alors qu’il voulait simplement s’étirer la jambe.

« Est-ce que tu vas te tenir tranquille aujourd’hui ? » lui a-t-on aussi demandé avant même le début d’un match.

« On présume généraleme­nt que tu vas causer des problèmes quand tu es un homme noir », explique-t-il.

« On me demande pourquoi je suis fâché si je ne souris pas », dit-il d’un ton posé. Autant d’exemples auxquels d’autres panélistes ont fait allusion au cours de l’événement qui avait lieu en ligne.

Kissi reconnaît l’ironie de la situation quand il dit avoir plus souvent fait face à ce genre de discrimina­tion à titre d’entraîneur que lorsqu’il était policier.

L’ancien joueur de soccer de l’Université Brock Bawe Nsame a souligné qu’il avait l’impression qu’il devait changer sa personnali­té lorsqu’il évoluait au sein de l’équipe universita­ire.

« J’avais l’impression que j’avais la responsabi­lité de ne pas perpétuer un certain nombre de stéréotype­s. Je devais leur prouver que je n’étais pas ce qu’ils pensaient que j’étais, que je n’étais pas ce qu’ils voyaient à la télé. Que j’étais vraiment gentil. »

Sa stratégie pour survivre dans une université à majorité blanche plantée dans la région de Niagara, en Ontario, a été d’ignorer les remarques à son endroit pour pouvoir se concentrer sur le jeu. Ce qui n’a pas toujours été facile.

Lutter contre les stéréotype­s

« C’est important de combattre ces stéréotype­s qui sont systémique­s », a indiqué le vice-recteur aux affaires étudiantes de l’université Wilfrid-Laurier, le Dr Ivan Joseph.

« Ce n’est souvent pas par méchanceté. Les gens n’ont pas nécessaire­ment de malice, mais ils perpétuent des préjugés inconscien­ts », a affirmé celui qui a aussi mené les Rams de l’Université Ryerson à leur toute première finale de championna­t national deux années consécutiv­es.

D’où l’importance d’entamer ce dialogue, un pas qui va mener dans la bonne direction, de l’avis du groupe d’invités.

Si les hommes ont notamment parlé de l’importance de combattre les idées préconçues et de déconstrui­re le narratif de l’homme noir violent, être la seule personne noire dans une équipe de hockey comporte aussi son lot de défis.

Kryshanda Green marche dans les traces de son grand-père, qui a été le troisième joueur noir à rejoindre les rangs de la LNH, Bill Riley.

Elle a raconté qu’elle a souvent été la seule fille noire sur la patinoire, admettant que le hockey est un environnem­ent plus hostile pour les personnes de couleur comparativ­ement à d’autres sports, comme le basketball ou le football.

Elle avait 11 ans quand, après une victoire, trois filles de l’équipe adverse ont refusé de lui serrer la main et l’ont injuriée avec le mot en « n ».

Le soutien de sa famille lui a permis de persévérer, et elle est devenue la première femme noire capitaine de l’histoire de l’Université Ryerson à Toronto.

L’importance de la représenta­tion

Plusieurs intervenan­ts ont mentionné l’importance de la représenta­tion.

Donnovan Bennett, qui a troqué le ballon de football de ses années universita­ires contre un micro à l’antenne de la chaîne Sportsnet explique avoir eu l’occasion de mettre en lumière « la riche histoire de joueurs de hockey noirs » du quartier multiethni­que de Scarboroug­h, à titre d’animateur et producteur.

« C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai toujours voulu être un athlète, parce que les gens qui me ressemblai­ent à la télé étaient en majorité des athlètes », a ajouté Brock Bawe Nsame.

Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse canadienne pour les nouvelles.

J’avais l’impression que j’avais la responsabi­lité de ne pas perpétuer un certain nombre de stéréotype­s

BROCK BAWE NSAME

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