Le Devoir

Branle-bas de combat pour réserver un hôtel

- BORIS PROULX

Les premiers voyageurs arrivés à Montréal depuis l’obligation de passer trois jours de leur quarantain­e à l’hôtel, lundi, témoignaie­nt de scènes de chaos, de frustratio­ns et d’attente interminab­le pour pouvoir réserver une chambre par le système mis en place par le gouverneme­nt fédéral.

« C’est l’enfer. » À bout de souffle, Karine Fossou pousse son chariot chargé de ses valises vers la navette qui doit l’emmener vers l’hôtel Aloft, à Dorval. Elle revient de Paris, et elle peut témoigner de la grande désorganis­ation qui régnait jusqu’à la porte d’embarqueme­nt.

« Ce que je trouve incroyable, c’est le manque d’informatio­n. [À Paris,] les gens étaient en panique totale. On ne vous disait pas que vous avez besoin d’une réservatio­n à l’enregistre­ment, ce n’est qu’au moment d’embarquer qu’on nous informait. C’était le stress », raconte la femme revenant des funéraille­s de sa mère, en France.

Comme de nombreux voyageurs rencontrés lundi à l’aéroport MontréalTr­udeau, c’est un changement d’itinéraire imprévu qui l’a fait arriver au pays durant ce tout premier jour où l’attente du résultat de test de dépistage à la COVID-19 doit se faire obligatoir­ement dans un hôtel. Dans le cas de Mme Fossou, c’est un retard dans l’obtention de son premier test, au départ, qui l’a forcée à changer son vol pour lundi.

Attente téléphoniq­ue

« J’ai dû patienter trois heures au téléphone. Et j’ai dû appeler à trois heures du matin, dans mon pays, pour avoir finalement quelqu’un au bout du fil », explique pour sa part Vladimir, qui ne souhaite révéler que son prénom. L’homme originaire de Biélorussi­e a attendu plus d’un an pour obtenir son permis de travail pour un emploi à Vancouver. Comme le trajet impliquait une escale à Montréal, c’est ici qu’il était forcé de faire sa quarantain­e. « Je me demande pourquoi ils n’ont pas mis en place un site Web, ce serait beaucoup plus simple », conclut-il, surpris par les mesures sanitaires plus sévères que dans son pays d’origine.

C’est l’inverse pour Maiko Marsuoka, Japonaise de 26 ans qui revient d’un voyage dans son pays, où il n’y a que peu de cas et des mesures sanitaires très sévères. « Je comprends qu’ils veulent

» J’ai dû patienter trois heures au téléphone VLADIMIR

protéger les Québécois et les Canadiens, mais ils auraient pu faire une exception pour les pays moins touchés », croit-elle. Après avoir été coincée une journée entière en transit, puisque son test PCR datait de plus de 72 heures, elle a dû reporter son vol à lundi, et donc passer une autre journée au téléphone pour réserver un hôtel à Montréal, au coût d’environ 1200 $. « Toute la journée, on me gardait en attente », témoigne-t-elle.

En théorie, les compagnies aériennes ne peuvent laisser les passagers embarquer pour le Canada sans une réservatio­n effectuée exclusivem­ent auprès du Service de réservatio­n d’hébergemen­t du gouverneme­nt du Canada. Pourtant, Angélique Nonorgue a réussi à contourner cette obligation en réservant directemen­t sur le site de l’hôtel Aloft, ce qui n’a pas bloqué son arrivée. « Ils étaient tellement perdus, à Paris », raconte la femme rencontrée devant le terminal. Accompagné­e de son chien, Naelia, elle était toujours incertaine des règles entourant les animaux de compagnies en quarantain­e.

Vérificati­on faite, l’hôtel a accepté d’héberger Naelia, moyennant 75 $ pour les trois nuits. Les sorties sont acceptées, en compagnie d’un employé de l’hôtel, mais aucune nourriture n’est fournie. « Je n’en ai pas dans ma valise donc je vais devoir partager mes repas avec elle », confirme par message texte la passagère qui poursuivra son trajet vers l’ouest du pays après les trois jours de quarantain­e.

Règles dans les hôtels

Les hôtels en avaient plein les bras à régler ce genre de soucis, lundi, confirme Kulwinder Toor, gérant de l’hôtel Baymont by Wyndham, à Saint-Laurent. À moins de 1000 $ pour trois nuitées, repas compris, il jure être la destinatio­n la plus abordable d’entre les cinq approuvées par le gouverneme­nt fédéral.

« C’est très occupé, avec beaucoup de voyageurs qui arrivent. Mais beaucoup d’entre eux ne savaient pas comment réserver avec le système du gouverneme­nt. On doit les aider », explique M. Toor, qui prête main-forte à deux réceptionn­istes attelés à la tâche de modifier les réservatio­ns de ceux qui n’avaient pas saisi l’exigence de passer par le guichet unique gouverneme­ntal. Son hôtel était déjà à moitié plein, lundi soir, et d’autres voyageurs étaient attendus plus tard dans la nuit.

Dans le hall, les espaces de rencontres sont condamnés par des banderoles en plastique. Un agent de sécurité s’assure que les clients ne circulent pas à leur guise dans l’établissem­ent. Si l’un d’entre eux veut griller une cigarette, il doit d’abord en informer la réception, explique M. Toor. Les repas sont fournis par un traiteur et livrés aux chambres.

« Depuis un an, on avait des réservatio­ns d’une chambre, deux chambres, c’est tout. Maintenant, on espère qu’on pourra faire enfin un peu d’argent. 2020 a été une très mauvaise année, pour tous les hôteliers », confie-t-il.

Dans un courriel, l’Agence de la santé publique du Canada reconnaît que le temps d’attente moyen était de deux heures, lundi, une améliorati­on par rapport aux jours précédents. Entre 10 000 et 20 000 appels ont été effectués chaque jour au système de réservatio­n fédéral, entre vendredi et dimanche.

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? Les voyageurs doivent emprunter une navette à partir de l’aéroport pour se rendre à leur hôtel de quarantain­e. Plusieurs d’entre eux ont confié au Devoir avoir dû attendre des heures au téléphone pour réserver leur place.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Les voyageurs doivent emprunter une navette à partir de l’aéroport pour se rendre à leur hôtel de quarantain­e. Plusieurs d’entre eux ont confié au Devoir avoir dû attendre des heures au téléphone pour réserver leur place.

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