Les yeux du coeur
Simon Boulerice signe une première série jeunesse émouvante, Six degrés
Si vous avez lu à vos enfants Florence et Léon (Québec Amérique, 2016), touchant album de Simon Boulerice illustré par Delphie Côté-Lacroix, oubliez presque tout ce que vous savez sur cette professeure de natation souffrant de la fibrose kystique et cet agent d’assurances malvoyant.
Bien que, dans Six degrés, on retrouve Léon, qui voit comme s’il regardait par le trou d’une paille, image inspirée par Méridick Forest, ami de l’auteur et consultant pour la série, et Florence, qui a l’impression de respirer par le trou d’une paille, cette première série jeunesse du prolifique écrivain n’est pas une adaptation de l’album, plutôt l’étincelle qui lui a permis de renouer avec sa prémisse.
« En fait, je n’ai volé que les prénoms et leurs conditions parce que leurs handicaps m’intéressent, a expliqué Simon Boulerice lors d’un point de presse virtuel lundi. On ne doit jamais dire ça quand on est auteur, mais je crois que Florence et Léon est mon livre chouchou. Quand Sophie Parizeau d’Encore Télévision m’avait approché, elle a mentionné l’idée d’un personnage malvoyant. Je m’étais toujours dit que je pourrais aller plus loin que dans l’album, qui touchait un lectorat assez restreint. J’avais envie que cette idéelà, visuellement intéressante, ait sa place dans un autre écrin ; et l’écrin de la télévision était une belle façon d’entrer dans l’empathie. »
La vie de Léon Forest (Noah Parker), 16 ans, bascule le jour où son intransigeante mère, Marianne (Catherine Trudeau), qui lui enseigne à la maison, meurt. Il doit non seulement aller à l’école pour la première fois, mais aussi aller vivre chez son père biologique, Francis (Alexandre Goyette), dont il ignorait l’existence.
Dans la foulée, il découvre sa famille latino-québécoise composée de sa bellemère, Julietta (Francesca Bárcenas), de Ricardo (Anthony Therrien), fils de cette dernière issu d’une précédente union, de ses demi-soeurs, Bélinda (Évelyne Laferrière) et Lola (Lohann Phouthakhanty), ainsi que de son demifrère, Humberto (Estéban Wurtele).
Clins d’oeil
Au grand dam de Ricardo, Léon se retrouve dans la même classe que lui. Heureusement, il y est bien accueilli par le professeur Antoine Beaulieu (Simon Boulerice), qui leur fera lire du… Simon Boulerice : « J’aime beaucoup faire des clins d’oeil, ça me fait rire ! »
« Mon personnage est un hommage à Serge Boucher, qui a été mon professeur de français en troisième et cinquième secondaires, qui m’a propulsé. Il y a même plusieurs répliques qui sont des phrases qu’il m’a dites. Je trouve ça beau des professeurs investis qui croient en leurs élèves », révèle l’auteur, qui s’est écrit plus de scènes dans la saison 2 de cette série où tendresse, émotion et humour font bon ménage.
À l’école, Léon se lie d’amitié avec Florence (Amaryllis Tremblay), qui lui permet de fuir Doris Boulerice (Léanne Désilets), dont la pétulance évoque celle de son créateur. « Je suis dans tous les personnages ! Je comprends tellement Flaubert de s’être projeté dans sa Madame Bovary ! s’exclame l’auteur. J’étais vraiment exécrable comme Doris Boulerice à l’adolescence, mais j’ai beaucoup d’amour pour ce personnage-là. Il y a aussi de moi dans la discrétion de Léon, qui se met à écrire de plus en plus, dont l’amour des mots lui a été légué par sa mère. »
La réalisation des 13 épisodes de 30 minutes a été confiée à Hervé Baillargeon (L’écrivain public), qui, tellement heureux de l’expérience, a dévoilé que le tournage de la saison 2 avait déjà commencé : « Cette histoirelà m’a vraiment touché parce qu’en plus d’avoir eu un ami malvoyant au secondaire, j’ai un père adoptif. Cette série ne pouvait pas être plus proche de moi. J’ai essayé d’y mettre le plus de coeur possible. »
COVID-19 oblige, l’équipe a dû s’arrêter à la moitié du 10e jour de tournage. Le réalisateur, qui salue l’équipe de production d’avoir permis de tourner dans une plus grande maison afin de respecter les consignes sanitaires, jure que les spectateurs ne verront pas la différence entre les scènes tournées avant et après le début de la pandémie : « C’est comme si on avait eu le temps de faire un pilote et d’avoir pu le retravailler. »