Le Devoir

Les algues bleu-vert, un poison

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Chaque année entre les mois d’août et d’octobre, le chef R. Donald Maracle des Mohawks de la baie de Quinte s’inquiète de la présence d’algues bleu-vert dans l’eau potable d’une centaine de maisons de sa communauté établie à 200 km à l’est de Toronto. Ces résidences s’alimentent avec des puits riverains reliés au lac Ontario.

Les algues bleu-vert produisent des toxines dangereuse­s pour la santé. Leur abondance dépend des rejets de phosphore, mais aussi de la températur­e de l’eau et de la concentrat­ion de CO2 dans l’atmosphère. « Le réchauffem­ent climatique devance le début de la saison toxique [des algues bleu-vert] et rend ses effets plus prononcés », explique Peter Leavitt, un biologiste de l’Université de Regina.

Lors des épisodes d’effloresce­nce algale qui surviennen­t à la fin de la saison chaude, le conseil de bande n’a d’autre choix que d’aviser les résidents affectés de ne pas boire ni se laver avec leur eau. Pour pallier ce problème récurrent amplifié par les changement­s climatique­s, l’administra­tion mohawk travaille à relier toutes les maisons à l’aqueduc. Elle bénéficie du financemen­t d’Ottawa pour ces travaux.

« La conception du réseau, fondée sur l’anticipati­on, prévoyait l’approvisio­nnement de toute la réserve, parce que nous savions que nous avions des problèmes depuis des années avec l’assèchemen­t et la contaminat­ion des puits », souligne le chef Maracle, visiblemen­t satisfait des démarches en cours.

Avant de savoir quel projet entreprend­re, les communauté­s autochtone­s doivent aussi connaître les risques climatique­s qui menacent leurs infrastruc­tures. À cette fin, le gouverneme­nt fédéral a accordé 45 millions aux Premières Nations sur une période de cinq ans pour évaluer les risques, élaborer des stratégies d’adaptation et réaliser des analyses coûts-avantages.

Ces investisse­ments sont un pas dans la bonne direction, estime Deborah Harford, la directrice générale d’un groupe de recherche sur l’adaptation aux changement­s climatique­s à l’Université Simon Fraser. « Mais ce n’est pas un montant énorme, compte tenu du grand nombre de Premières Nations au Canada et du fait qu’elles sont disproport­ionnelleme­nt affectées par les changement­s climatique­s. »

« Dans plusieurs cas, les réserves ont été placées à des endroits mal aimés, où les colons ne voulaient pas vivre », dit Mme Harford, en donnant l’exemple des risques d’inondation.

En raison de leur situation souvent reculée, des communauté­s autochtone­s doivent aussi composer avec des feux de forêt de plus en plus fréquents. Les villages inuits de l’Arctique subissent pour leur part le plus grand réchauffem­ent au pays, voyant le pergélisol fondre sous leurs pieds.

Partout au Canada, des communauté­s se relèvent donc les manches pour assurer à leur membre un accès à l’eau potable malgré l’inadaptati­on de leurs infrastruc­tures. D’un bout à l’autre du pays, notre consortium publie ces jours-ci des reportages à cet effet.

À Unamen Shipu, Normand Bellefleur se dit en tout cas soulagé de bénéficier cet hiver d’un enrochemen­t protégeant la berge. Déjà, deux énormes tempêtes ont frappé la côte, dit-il en entrevue au début du mois de décembre. De l’avis de celui qui est directeur général de la réserve depuis 1985, c’est du jamais vu.

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