Le Devoir

Prendre soin de l’âme

Des croyants critiquent des mesures de Québec qu’ils jugent inéquitabl­es

- III LIEUX DE CULTE MAGDALINE BOUTROS

Les besoins spirituels des Québécois ont-ils été négligés au profit de la consommati­on et du divertisse­ment ? Alors que les commerces — et bientôt les cinémas — ouvrent grand leurs portes, les lieux de culte sont toujours limités en zone rouge à une capacité maximale de 10 fidèles, peu importe leur superficie, ce que dénoncent de nombreuses voix.

Selon Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, la santé psychologi­que et les besoins spirituels des Québécois doivent être élevés au haut des priorités du gouverneme­nt. « La situation que l’on vit commande d’abord une préoccupat­ion pour la santé physique. Mais après un an de pandémie, il faut regarder toutes les dimensions de la personne », fait-il valoir en entrevue.

D’autant que la crise actuelle découle en d’importants bouleverse­ments personnels qu’un accompagne­ment spirituel peut apaiser. « Ce que l’on veut, c’est lancer un appel pour tous — qu’on soit croyant ou non croyant — pour que les gens puissent avoir un espace pour nourrir leur dimension spirituell­e. »

Dans une communicat­ion envoyée à ses fidèles mardi, l’archidiocè­se de Montréal reprend la propositio­n de la Table interrelig­ieuse de concertati­on du Québec en demandant que la capacité des lieux de culte soit établie selon la taille des édifices, et non en vertu d’un chiffre appliqué de manière uniforme.

Une propositio­n qui est également contenue dans la pétition « Chrétiens, sauvons Pâques », qui circule en ligne depuis quelques semaines et qui a recueilli plus de 7600 signatures. Dans d’autres juridictio­ns, comme en Ontario, la jauge est déterminée en fonction de la taille du lieu de culte. Selon cette logique, l’oratoire Saint-Joseph pourrait accueillir plus de fidèles qu’une petite église de village, par exemple.

Deux poids, deux mesures

L’initiatric­e de la pétition, Élisabeth Boily, adjointe à la mission à la paroisse Saint-Bonaventur­e dans le quartier Rosemont à Montréal, prévoit de la transmettr­e d’ici quelques jours aux décideurs politiques et à la Santé publique. « On ne veut pas passer une autre année sans vivre Pâques, qui est au coeur de la foi chrétienne, soulignet-elle. C’est le symbole de la renaissanc­e, de la résurrecti­on. On veut être là pour aider la population. On se considère comme des soignants du coeur et de l’âme. »

Selon Mme Boily, l’« injustice » ne cesse de s’alourdir depuis quelques semaines. « Tous les commerces non essentiels sont ouverts et les cinémas pourront accueillir jusqu’à 250 personnes. On se sent laissés pour compte. » D’autant que ceux qui ont une vie spirituell­e nourrie traversent plus facilement ce type de crise, estime-t-elle. « La façon dont le gouverneme­nt agit fait transparaî­tre le manque de sens existentie­l au Québec. »

L’imam Hassan Guillet, qui siège à la Table interrelig­ieuse, dénonce à son tour cette iniquité. « C’est du deux poids, deux mesures. Si c’est sécuritair­e d’accueillir 250 personnes dans les cinémas, ça veut dire que ça l’est aussi dans les lieux de culte. »

Un arbitraire qui est bien difficile à expliquer aux fidèles, souligne-t-il. « Quand le règlement était appliqué de façon équitable à tout le monde, on pouvait expliquer que c’était pour protéger la santé. Mais maintenant, on se trouve à court d’arguments. »

En point de presse mardi, le premier ministre Legault a demandé aux Québécois un peu de patience. « On a voulu faire un petit spécial pour les familles [pour la relâche scolaire]. » Si les chiffres continuent d’être encouragea­nts, un assoupliss­ement des mesures est envisagé pour les lieux de culte, a-t-il dit.

Un espoir qui encourage Hassan Guillet. « Disons que ces jours-ci, ils sont présents [les décideurs] dans nos prières », lance-t-il dans un sourire.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR L’archidiocè­se de Montréal demande que la capacité des lieux de culte soit établie selon la taille des édifices, et non de manière fixe et uniforme.

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