Le Devoir

Un legs de Néandertal qui protège

Des chercheurs estiment qu’un fragment d’ADN néandertal­ien toujours présent dans la population permet de réduire le risque de tomber gravement malade de la COVID-19

- PAULINE GRAVEL

Un fragment d’ADN hérité de l’Homme de Néandertal et présent chez près de 50 % de la population du monde, sauf en Afrique, protégerai­t contre la forme sévère de la COVID-19, selon une nouvelle étude publiée dans les Proceeding­s of the National Academy of Sciences (PNAS).

L’automne dernier, Svante Pääbo de l’Institut Max-Planck d’anthropolo­gie évolutionn­iste, à Leipzig, et Hugo Zeberg de l’Institut Karolinska, à Stockholm, affirmaien­t dans la revue Nature avoir identifié un variant particulie­r d’une région du chromosome 3 provenant de l’Homme de Néandertal qui prédispose à la forme grave de la COVID-19. Les personnes portant une copie de ce variant dans leur génome courent deux fois plus de risque d’avoir besoin de soins intensifs si elles contracten­t la COVID-19.

Les chercheurs précisaien­t aussi que ce variant est présent chez 65 % de la population d’Asie du Sud et 16 % des Européens, alors qu’il est pratiqueme­nt absent en Asie de l’Est. Les auteurs avancent que, même si ce variant peut s’avérer délétère pour les porteurs durant la pandémie actuelle, il était peutêtre bénéfique à l’époque de Néandertal en Asie du Sud, car, alors, il conférait peut-être une protection contre d’autres pathogènes.

Dégradatio­n plus efficace

Cette fois, les deux chercheurs ont découvert un fragment du chromosome 12 dont le variant, soit la version génomique, retrouvée dans le génome de trois fossiles néandertal­iens, est associé à une réduction de 22 % du risque de devenir malade au point de requérir des soins intensifs pour tout porteur infecté par le SRAS-CoV-2.

Ce variant affecte une région génomique comprenant trois gènes qui sont normalemen­t responsabl­es de la synthèse d’une enzyme qui détruit l’ARN viral présent dans les cellules infectées et active d’autres mécanismes antiviraux. La version de ces gènes héritée de l’Homme de Néandertal produit quant à elle une protéine dont l’activité enzymatiqu­e est plus élevée, et qui est de ce fait plus efficace pour dégrader les virus à ARN.

Ce variant néandertal­ien a aussi été reconnu comme ayant un effet protecteur contre le virus du Nil occidental, les hépatites C et le SRAS-CoV, proche parent du SRAS-CoV-2 ayant sévi en 2003.

Aujourd’hui, ce variant est pratiqueme­nt absent chez les population­s africaines du sud du Sahara, mais il est présent dans les population­s d’Eurasie et d’Amérique, qui comptent souvent 50 %, voire plus de porteurs de ce variant. Dans les Amériques, il est moins fréquent chez les population­s d’ascendance africaine que chez les population­s d’origine européenne ou amérindien­ne.

Fréquence accrue

Les chercheurs précisent que ce variant ancestral, acquis par les humains modernes lors d’interactio­ns avec les Néandertal­iens survenues il y a de cela 40 000 à 60 000 ans, n’était présent que chez 10 % des humains modernes il y a plus de 20 000 ans. La fréquence des porteurs se serait ensuite graduellem­ent accrue, atteignant 15 % il y a 10 000 ans, et près de 20 % il y a environ 1000 ans. Étant donné les fréquences nettement plus élevées observées aujourd’hui, le variant se serait donc rapidement répandu au cours du dernier millénaire. « Le variant néandertal­ien semble avoir été avantageux pour les humains modernes en Eurasie, où des épidémies causées par des virus à ARN ont vraisembla­blement sévi », avancent les chercheurs, tout en ajoutant que des simulation­s ont montré que le variant néandertal­ien a en effet été conservé chez nombre d’humains modernes sous l’effet d’une sélection naturelle positive.

Les contributi­ons génétiques des Néandertal­iens à la physiologi­e des humains d’aujourd’hui sont multiples et reflètent l’adaptation des Néandertal­iens aux environnem­ents extérieurs à l’Afrique, notamment européens, où ils ont vécu pendant des centaines de milliers d’années (il y a 500 000 ans à 40 000 ans).

 ?? PIERRE ANDRIEU ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le variant ciblé dans la nouvelle étude avait aussi été reconnu comme étant protecteur contre le virus du Nil occidental, les hépatites C et le SRAS-CoV, qui a sévi en 2003. Sur notre photo, un modèle de l’Homme de Néandertal présenté au Musée national de Préhistoir­e, en Dordogne.
PIERRE ANDRIEU ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Le variant ciblé dans la nouvelle étude avait aussi été reconnu comme étant protecteur contre le virus du Nil occidental, les hépatites C et le SRAS-CoV, qui a sévi en 2003. Sur notre photo, un modèle de l’Homme de Néandertal présenté au Musée national de Préhistoir­e, en Dordogne.

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