Le Québec perd un de ses bâtisseurs
Yves Martin est mort à l’âge de 91 ans
L’ancien haut fonctionnaire Yves Martin est décédé mardi matin à l’âge de 91 ans, a appris Le Devoir. Proche conseiller de nombreux premiers ministres, cet homme de l’ombre est considéré comme l’un des pères du Québec moderne.
« C’est l’un des bâtisseurs du Québec d’aujourd’hui », a dit l’ancienne ministre Louise Beaudoin lorsque jointe par Le Devoir mardi.
L’influence de cet homme brillant, mais discret s’étire sur quatre décennies de l’histoire du Québec. Formé en sociologie auprès du père Georges-Henri Lévesque à l’Université Laval, Yves Martin a co-fondé en 1960 une publication clé de la Révolution tranquille avec ses collègues Fernand Dumont et Jean-Charles Falardeau : Recherches sociographiques.
Première revue de recherche empirique sur le Québec, la publication a permis à un grand nombre de chercheurs québécois de diffuser leurs travaux, souligne le sociologue Guy Rocher. « [Yves Martin] était le pilier administratif de la revue. C’est lui qui faisait la révision des textes, qui s’assurait que la publication sorte à temps. […] Les sciences sociales lui doivent beaucoup. »
Après s’être spécialisé en démographie, M. Martin quitte son poste d’enseignement à l’Université Laval au milieu des années 1960 pour devenir fonctionnaire au ministère de l’Éducation. Pendant les travaux de la commission Parent, ses données sur les populations permettent d’estimer les besoins futurs du système d’éducation à construire, raconte Guy Rocher.
Pionnier de la Révolution tranquille
Comme sous-ministres à l’Éducation, lui et son prédécesseur Arthur Tremblay ont ensuite jeté les bases de ce qui allait devenir le réseau des universités du Québec un peu partout en région, ajoute-t-il. « Ils ont appliqué le rapport Parent ».
Yves Martin a aussi dirigé la Régie de l’assurance maladie du Québec avant de devenir, en 1975, le premier recteur de l’Université de Sherbrooke à ne pas être issu du clergé. En 2013, il a reçu le grade d’Officier de l’Ordre national du Québec.
Moins connu que plusieurs de ses anciens compagnons, M. Martin était un homme discret et modeste, notent ceux qui l’ont côtoyé. Mardi, plusieurs ont également évoqué son grand amour du Québec et son attachement à la cause souverainiste. « C’était un vrai indépendantiste », insiste Louise Beaudoin, qui était toujours en contact avec lui. Mme Beaudoin a bien connu Yves Martin alors qu’il était conseiller spécial du premier ministre Lucien Bouchard dans le dossier linguistique, à la fin des années 1990. « Yves était un sage, un phare. Il avait toujours en tête la perspective du bien commun. »
« C’était un homme d’une grande fidélité, renchérit Guy Rocher. Fidélité en amitié, fidélité au Québec, fidélité à l’État québécois. »