Le Devoir

Le radicalism­e, symptôme du désespoir

La détresse psychologi­que est associée à l’adhésion aux théories complotist­es

- ISABELLE PARÉ

Exacerbée par la pandémie, la détresse des jeunes adultes de quatre grandes villes canadienne­s est directemen­t associée à une plus grande adhésion aux théories du complot liées à la COVID et à l’appui à la radicalisa­tion violente. Et le niveau de détresse serait significat­ivement plus élevé à Montréal.

Tels sont les premiers résultats d’un vaste coup de sonde réalisé auprès de jeunes de 18 à 35 ans de Montréal, Toronto, Calgary et Edmonton dans le cadre d’une recherche menée sur les effets de la détresse par l’équipe de Recherche et Action sur les Polarisati­ons Sociales, dirigée par la Dre Cécile Rousseau.

Cette professeur­e de l’Université McGill, spécialisé­e en psychiatri­e sociale et intercultu­relle, juge ces constats particuliè­rement préoccupan­ts.

Parmi les 6000 participan­ts, plus de la moitié de ceux qui présentaie­nt des signes de détresse dépassaien­t un « seuil clinique ». Et cette détresse était directemen­t associée à une plus grande adhésion aux mouvances conspirati­onnistes endossant la violence.

« On a pu établir une associatio­n claire entre cette détresse et l’adhésion aux théories du complot, mais aussi à l’appui à la radicalisa­tion violente », explique celle dont l’équipe du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Îlede-Montréal intervient auprès de personnes identifiée­s

Les appels à l’aide de femmes en difficulté se sont multipliés sur les médias sociaux depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, constate la Fédération des maisons d’hébergemen­t pour femmes (FMHF).

Malgré leurs moyens limités, les 36 établissem­ents membres ont chargé des intervenan­tes de répondre, par écrans interposés, aux personnes qui « communique­nt directemen­t [avec elles] via les réseaux sociaux pour avoir des informatio­ns et du soutien ». Si une femme et ses enfants se trouvent dans une situation « critique », « on leur demande de venir en maison d’hébergemen­t le plus rapidement possible », explique la directrice générale de la FMHF, Manon Monastesse dans un entretien avec Le Devoir.

Les mesures de confinemen­t visant à ralentir la progressio­n de la COVID19 posent « un défi supplément­aire » à toute personne cherchant à fuir la violence, fait-elle remarquer. « Elle est

Les maisons d’hébergemen­t accueillen­t de plus en plus des femmes ayant vécu « des violences sévères en très peu de temps »

presque 24 heures sur 24 avec son conjoint violent. La première chose qu’il va faire, c’est de priver sa conjointe de ses réseaux sociaux, familiaux, de ses collègues de travail… » indique la porte-parole de la FMHF. « [Pour lui,] la pandémie, c’est un terreau fertile. »

Du coup, « les femmes vont communique­r beaucoup plus par Facebook, par Twitter, par d’autres médias sociaux, ou par courriel », souligne-telle. « Avant la pandémie, on voyait cela très peu. »

Cela dit, près du tiers des femmes solliciten­t de l’aide en appelant dans une maison d’hébergemen­t ou encore SOS violence conjugale.

Un état « beaucoup plus sévère »

Les maisons d’hébergemen­t accueillen­t de plus en plus des femmes ayant vécu « des violences sévères en très peu de temps », ou encore « du contrôle coercitif intense, 24 heures sur 24 ». « Elles arrivent dans un état psychologi­que de traumatism­e beaucoup plus sévère. […] Les enfants aussi », explique Mme Monastesse près d’un an après l’arrivée de la COVID-19 au Québec.

La directrice de L’Aquarelle, MarieEve Guay, constate que les femmes se réfugient dans les maisons d’hébergemen­t plus fréquemmen­t après avoir été victimes d’une agression, mais moins fréquemmen­t « pour se mettre en sécurité quand la tension monte ». « C’est après-coup qu’on reçoit les femmes, souvent avec l’accompagne­ment de policiers », ajoute la directrice de la maison d’hébergemen­t pour femmes sise à Chibougama­u.

En temps normal, les femmes se présentent sans avertissem­ent à L’Aquarelle, dont l’adresse est connue de toutes dans la région, y compris dans les communauté­s autochtone­s environnan­tes. Au début du mois, plusieurs jours se sont écoulés avant qu’une femme ne frappe à la porte, « du jamais vu ».

En prévision du budget, la responsabl­e de L’Aquarelle appelle le gouverneme­nt caquiste à poursuivre le rehausseme­nt des sommes allouées aux maisons d’hébergemen­t pour femmes qu’il a amorcé l’année dernière. « Il faut de loin améliorer les conditions de travail des intervenan­tes. C’est vraiment le nerf de la guerre en ce moment », fait-elle valoir.

Les maisons d’hébergemen­t pour femmes se verront allouer en moyenne 100 000 dollars chacune de plus par année, avait promis le ministre des Finances, Eric Girard, dans son budget 2020-2021. Il leur en faudrait « facilement » 200 000 $ de plus chacune « juste pour la consolidat­ion » de leurs activités, soutient la FMHF dans le cadre des consultati­ons prébudgéta­ires.

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