Le Devoir

Ottawa obtient un quatrième délai pour adopter sa nouvelle loi

La Cour supérieure a indiqué qu’il s’agit de l’« ultime » prolongati­on qu’elle accordera

- AIDE À MOURIR STÉPHANIE MARIN

Le gouverneme­nt fédéral a encore obtenu d’un juge — pour une quatrième, mais dernière fois — un délai supplément­aire afin de faire adopter sa nouvelle version de la Loi sur l’aide médicale à mourir.

Malgré son irritation manifeste devant cette demande, le juge Martin Sheehan de la Cour supérieure lui a accordé un mois de plus, soit jusqu’au 26 mars, par son jugement rendu le jour même, la veille de la date butoir. Le magistrat a bien précisé qu’il s’agit d’un « ultime délai ».

Jeudi, le ministre de la Justice, David Lametti, a écrit sur son compte Twitter qu’il avait bien compris cet avertissem­ent. Du même souffle, il a blâmé les élus conservate­urs pour avoir ralenti le processus législatif. « Le Parti conservate­ur doit maintenant cesser ses tactiques d’obstructio­n partisanes », a-t-il écrit, l’invitant à adopter sans plus tarder le projet de loi C-7.

Avec cette quatrième prolongati­on, le gouverneme­nt aura finalement bénéficié d’un délai de 18 mois et deux semaines.

Le débat entourant la nouvelle version de la Loi découle de la demande de deux citoyens, Jean Truchon et Nicole Gladu, qui ont cherché à faire invalider le critère de la loi fédérale qui restreigna­it l’aide médicale à mourir à ceux « dont la mort naturelle est raisonnabl­ement prévisible ».

Mme Gladu et feu M. Truchon — il s’est depuis prévalu de l’aide médicale à mourir — étaient tous deux atteints de maladies dégénérati­ves graves et très souffrante­s, mais ne pouvaient être considérés comme « en fin de vie ». Impossible pour eux d’obtenir l’aide d’un médecin pour mettre fin à leurs jours.

La juge Christine Baudouin avait fait droit à leur demande et fait invalider ce critère restrictif, tranchant qu’il violait la Charte canadienne des droits et libertés. Elle avait donné au gouverneme­nt un délai de six mois (jusqu’en mars 2020) pour adopter une nouvelle loi, s’il le souhaitait. Dans l’intervalle, son jugement était suspendu et l’aide médicale à mourir n’était pas possible pour les citoyens n’étant pas en fin de vie.

Ottawa a choisi d’adopter une nouvelle loi, mais n’est toujours pas arrivé au bout du processus législatif et a dû retourner plusieurs fois devant le tribunal pour demander plus de temps, invoquant d’abord les élections fédérales qui ont entraîné la suspension du Parlement, puis la pandémie de COVID-19.

Les conséquenc­es pandémique­s

Même s’il s’agit d’une quatrième demande, la situation milite en faveur d’une prolongati­on, écrit le juge, « compte tenu des circonstan­ces exceptionn­elles qui prévalent depuis le début de la pandémie ». Le gouverneme­nt fédéral a dû mobiliser ses ressources pour organiser la lutte contre la COVID-19, et cette situation se poursuit aujourd’hui : « Il doit présenteme­nt gérer le risque d’une troisième vague rendu plus critique en raison de l’apparition de variants du virus et les incertitud­es qui entourent toujours l’efficacité des vaccins pour contrer leur transmissi­on », écrit le juge Sheehan dans sa décision.

Le magistrat a relevé dans son jugement tout ce qui a été récemment accompli à la fois par la Chambre des communes et par le Sénat. Bref, le processus législatif a progressé, même au cours de la présente semaine. « Il y a lieu d’espérer que le processus tire à sa fin. »

Pas « une licence »

Les avocats de Mme Gladu ne se sont finalement pas opposés à la demande de prolongati­on d’un mois par le fédéral. Ils ont toutefois exprimé au juge Sheehan « l’immense exaspérati­on » de leur cliente.

Le juge l’a bien noté. Il envoie comme message au gouverneme­nt que « les assoupliss­ements concédés ne doivent pas être considérés comme une licence » pour brimer les droits constituti­onnels des Canadiens.

Et puis, il écrit cet avertissem­ent : si le gouverneme­nt tarde à faire adopter son projet de loi d’ici le 26 mars, « il faudra en déduire que cette incapacité résulte d’une absence de consensus sur les questions délicates soulevées » plutôt que la conséquenc­e de circonstan­ces exceptionn­elles.

Avec cette quatrième prolongati­on, le gouverneme­nt aura finalement bénéficié d’un délai de 18 mois et deux semaines pour faire adopter sa version amendée de la Loi sur l’aide médicale à mourir

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