Un prix de design pour le resto Madame Chose à Québec
L’univers excentrique de Madame Chose, pensé par le concepteur québécois Olivier Dufour, a récemment remporté le bronze aux International Design Awards. Une première reconnaissance du genre pour cette adresse ouverte en décembre 2019, qui allie cuisine locale, multimédia et décor théâtral.
Clairière, étang, cour intérieure et cuisine — les espaces créés dans ce projet du groupe Restos Plaisirs plongent les invités dans la vie de Madame Chose, une vieille dame délurée dont les quartiers évoquent aussi l’imaginaire d’Alice au pays des merveilles. Une incursion qui a séduit le jury dans la catégorie Design intérieur — conceptuel, qui souligne le mariage réussi entre fonctionnalité, esthétique et « un narratif fort », pour reprendre les mots d’Olivier Dufour. Situé près des galeries gourmandes des Galeries de la Capitale, à Québec, le restaurant avait tout pour gagner, selon Olivier Dufour, même s’il n’y croyait pas vraiment.
« C’est un concours international dans lequel il y a tellement de gros projets avec des budgets immensément grands ! Le budget de Madame Chose, pour un projet à Québec, c’est beaucoup d’argent, mais à l’échelle internationale, c’est rien. Je n’ai pas pensé un instant qu’on gagnerait quoi que ce soit. Si, en plus, j’avais mieux connu les concurrents, je n’y aurais jamais cru ! C’est tous des gigaprojets, pas ben ben de restos, et pas ce type de design-là. C’est très lisse, moderne… Nous, on est l’antithèse du lisse. Alors, j’étais d’autant plus content ! »
Parmi les autres lauréats dans cette catégorie — majoritairement des hôtels et des complexes de condominiums —, deux projets canadiens tirent aussi leur épingle du jeu : la revitalisation du planétarium de Calgary et la création d’un pavillon de collège à Welland, en Ontario. Après avoir décroché l’argent en 2019, la compagnie de Québec Rubi a quant à elle remporté l’or pour le design de produit pour un ensemble de douche noir et or.
Émotion soudaine
Un souvenir d’enfance est à l’origine de l’univers unique de Madame Chose : celui des visites d’Olivier Dufour chez sa grand-mère.
« Ç’a été une émotion soudaine. Je me suis rappelé c’est quoi, se faire accueillir dans un endroit où la bouffe est importante. Ma grand-mère cuisinait super bien, tu ne pouvais pas prendre juste une assiette ! Ça sentait bon… Il me semble qu’il y a plein de gens qui ont ce souvenir d’avoir été enveloppé par l’ambiance d’être chez sa grand-mère. » À partir de là s’est créé le monde de Madame Chose, dont le nom de travail était Iris — un prénom à la sonorité « romantique » qui n’est pas sans rappeler la fashionista pour le moins éclatée Iris Apfel.
Apporter du « narratif » dans un environnement où l’opérationnalisation et le nombre de convives (175) sont importants a été la partie amusante du contrat, explique M. Dufour.
« Si je n’avais pas du tout de contrainte dans un projet créatif, probablement que je ne prendrais pas autant mon pied. Là, il y a un réel défi à comprendre les réalités de l’architecte, de l’ingénieur, et jusqu’à celles du chef. C’est ce que j’aime de mon métier : trouver le fil conducteur et relier les points. Avoir de bonnes idées, ce n’est pas si difficile. De bonnes idées réalisables, c’est le vrai challenge. »
L’un des défis était de créer une ambiance chaleureuse dans ce nouvel espace du centre commercial. Pour Olivier Dufour, il était évident qu’il y avait « moyen de raconter quelque chose, surtout aux Galeries de la Capitale, où il y a une [clientèle] familiale, avec le Méga Parc tout près. »
« Je me suis dit : et si on allait chercher des racines de personnages très colorés, comme dans Harold et Maude ? Des personnages de grand-mère funky », dit-il, laissant tomber que sa Madame Chose n’était heureuse que lorsque sa maison était pleine.
Pour un restaurant né quelques mois avant le premier confinement, cette phrase sur le plaisir de recevoir prend beaucoup de sens. Son concepteur se souvient d’une des dernières soirées avant la fermeture, une « soirée magnifique, où il y avait autant d’adultes que d’enfants ». « Tout le monde se sentait vraiment smooth. La vibe était très sincère. Après la pandémie, on aura besoin de sentir des choses toutes simples : des odeurs, le sourire des gens. Sortir, se faire plaisir, se sentir bien, ça va faire partie des choses importantes. »