Blaise Ndala face aux fêlures de l’humanité
L’écrivain raconte dans un troisième roman touffu quelques épisodes tragiques des relations de domination entre la Belgique et le Congo
Blaise Ndala a déjà la trentaine lorsqu’en 2004 il visite avec une amie le musée royal de l’Afrique centrale, dont la collection repose en grande partie sur ce qu’on appelait à une autre époque l’art « primitif » africain. Le Congolais d’origine, établi à Ottawa depuis 2007, terminait alors des études de troisième cycle en droit à l’Université catholique de Louvain. « On ne peut qu’être choqué, en déambulant dans ce musée, de voir à quel point ce patrimoine [dont l’Afrique a été spoliée] se trouve reconstitué de cette manière-là en Belgique », se souvient-il.
Son amie l’entraîne ensuite à quelques pas de là, dans la cour d’une église où sont alignées sept tombes. En 1897, lors de l’exposition universelle de Bruxelles, 267 Congolais sont arrachés à leur pays et emmenés de force en Belgique afin de figurer dans le zoo humain de Tervuren, imaginé par le roi Léopold II dans le but de convaincre ses sujets de la pertinence de son projet colonial. Sambo, Mpemba, Ngemba, Ekia, Nzau, Kitukwa et Mibange seront victimes des odieuses conditions de détention dans lesquelles on les maintiendra.
Blaise Ndala comprend, de fil en aiguille, qu’un zoo similaire a existé aussi tard que lors de l’exposition universelle de 1958, non loin de l’Atomium, un de plus importants monuments de la capitale belge. « Quand j’apprends ça, je tombe des nues. Je savais qu’on avait exhibé des Africains dans des zoos, mais là, c’était beaucoup plus proche de moi que je l’imaginais. »
Ses copains juristes, pourtant bien instruits des relations de domination entre Europe et Afrique, tombent également des nues. « 1958 ! T’imagines ? C’est dire à quel point on a encore le nez dans cette histoire. Ce n’est pas étonnant qu’on retrouve encore dans la Belgique actuelle certaines attitudes qui ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé durant cette période. »
Sans manichéisme
Un angle mort de l’histoire euroafricaine auquel l’auteur de Sans capote ni kalachnikov (Mémoire d’encrier, 2017) offre aujourd’hui la lumière d’un roman touffu et ambitieux, Dans le ventre du Congo, croisant les voix de la princesse Tshala, qui défiera l’autorité paternelle pour suivre son prétendant belge, et de sa nièce Nyota, qui, au présent, enquête sur les circonstances dans lesquelles sa tante finira par être exhibée au zoo de Bruxelles en 1958.
Des événements qui ne concernent que la Belgique et le Congo ? Non, plaide Ndala. « Ces fêlures-là, ce sont les fêlures de l’humanité. Elles nous concernent tous, pour peu qu’on croie que rien de ce qui est humain ne nous est étranger », dit celui qui répétera souvent au cours de l’entretien avoir voulu éviter l’écueil du manichéisme, sans jamais suggérer cependant que toutes les violences s’équivalent.
« Il y avait aussi de la violence dans les royaumes africains, bien sûr. Cette violence est inhérente à une soif de pouvoir qui est universelle, certes. Mais ce que le roman montre, c’est comment une certaine idéologie a pu systématiser cette violence, une fois qu’on a racialisé, hiérarchisé les humains. C’est une fois que ce côté