Le Devoir

De nouvelles armes contre la COVID-19

Santé Canada approuve deux moutures du vaccin d’AstraZenec­a

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Le Canada pourra bientôt compter sur deux nouveaux vaccins pour immuniser la population. Santé Canada vient d’approuver deux moutures du vaccin d’AstraZenec­a, donnant ainsi le feu vert à la livraison de 22 millions de doses additionne­lles d’ici septembre. Un demi-million de celles-ci devraient arriver dans les prochains jours.

« C’est une très bonne nouvelle », a annoncé le premier ministre Justin Trudeau, vendredi.

Ottawa a déjà réservé 20 millions de doses du vaccin d’AstraZenec­a et deux millions du vaccin CoviShield de Verity Pharmaceut­icals et l’Institut Serum en Inde. Ce second vaccin — dont 500 000 doses arriveront sous peu au pays — est produit en Inde et créé avec la même recette que celui d’AstraZenec­a, mais son fabricant est simplement différent. Le Canada recevra en outre 1,9 million de doses d’AstraZenec­a par le biais de l’initiative COVAX, à laquelle le fédéral a participé pour financer l’achat de vaccins pour les pays en développem­ent, de même que pour sa propre population.

Avec les vaccins CoviShield et ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna, qui sont déjà en train d’être distribués au pays, le Canada devrait maintenant recevoir 6,5 millions de doses d’ici la fin du mois prochain. Entre mars et juin, ce sont 26,4 millions de doses qui seront acheminées au pays par ces trois manufactur­iers et l’initiative COVAX, auxquelles devraient s’ajouter des doses d’AstraZenec­a qui n’a cependant pas encore précisé son calendrier de livraisons d’ici septembre.

La ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, a ainsi affirmé qu’il est « possible » que le Canada parvienne à vacciner toute sa population plus tôt que prévu — soit avant fin septembre. Mais elle a aussi prévenu que de nouveaux « obstacles en cours de route » ne sont pas impossible­s, comme les délais de livraison de Pfizer et Moderna connus plus tôt en raison de retards de production.

Un cinquième vaccin pourrait également s’ajouter d’ici peu. Celui de Johnson & Johnson — qui ne nécessite qu’une seule dose — pourrait être approuvé aux États-Unis dans les prochains jours. Et Santé Canada prévoyait vendredi de prendre sa décision « dans des échéancier­s similaires » à ceux des Américains.

Un vaccin moins efficace ?

Le vaccin d’AstraZenec­a se donne lui aussi en deux doses. Mais contrairem­ent aux vaccins ARN messager de Pfizer et Moderna — qui doivent être entreposés et transporté­s à très basse températur­e —, celui d’AstraZenec­a et le CoviShield — qui sont des vaccins à vecteur viral — peuvent être conservés dans un simple réfrigérat­eur à une températur­e de 2 à 8 degrés Celsius. Ce qui en facilitera la distributi­on au pays.

Le taux d’efficacité des vaccins d’AstraZenec­a et CoviShield est cependant inférieur à celui des deux autres, se situant à 62 % selon les essais cliniques — contre 95 % et 94 % d’efficacité pour ceux de Pfizer et de Moderna, respective­ment.

Santé Canada a fait valoir que, depuis les essais cliniques, l’utilisatio­n du vaccin sur la population générale dans le monde a produit d’autres données qui confirment que les vaccins d’AstraZenec­a permettent de prévenir les cas graves de la maladie du coronaviru­s. Le ministère fixe à 50 % d’efficacité le taux minimal pour approuver un vaccin. Celui contre l’influenza, l’an dernier, était efficace à 64 %.

« On veut idéalement prévenir la COVID symptomati­que. Mais un autre effet intéressan­t d’un vaccin, c’est de prévenir les hospitalis­ations, donc les cas sévères qui vont amener les gens à consulter à l’hôpital », a fait valoir le Dr Marc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales de Santé Canada, lors d’une séance d’informatio­n vendredi. Or, parmi les personnes vaccinées par le vaccin AstraZenec­a, aucune n’a dû être hospitalis­ée, a-t-il noté.

Ces nouveaux vaccins permettron­t en outre d’augmenter le pourcentag­e de la population qui est immunisée contre la COVID-19. « Avec chaque personne qui est vaccinée, la transmissi­on de la maladie d’un individu à un autre diminue dans la société. Donc, à ce niveau, ce vaccin est indéniable­ment un outil additionne­l », a ajouté le Dr Berthiaume.

Le Dr Andrés Finzi, virologue de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en entrée rétroviral­e, corrobore. « Nous sommes dans une pandémie avec laquelle, chez certains groupes d’âge, le taux de formes graves est élevé. Si on est capable de bloquer ces cas graves, c’est énorme. D’autant plus que, si l’on enlève ces formes graves au Canada ou au Québec, où l’on est en train de faire du délestage, cela aura une incidence sur le système de santé », a-t-il exposé en entrevue au Devoir.

Un argument que Justin Trudeau a repris à son tour lors de sa propre conférence de presse. « Avoir des options en matière de vaccinatio­n, c’est une bonne chose. Nous savons que d’être vaccinés avec un vaccin approuvé par Santé Canada, c’est toujours mieux que de ne pas se faire vacciner. »

Les plus de 65 ans et les variants ?

Santé Canada reconnaît par ailleurs que les données tirées des essais cliniques quant à l’efficacité du vaccin pour les personnes âgées de plus de 65 ans étaient insuffisan­tes. Ce groupe d’âge ne représenta­it que 9,7 % des cas étudiés. C’est pour cette raison que la France ne recommande pas le vaccin d’AstraZenec­a pour les plus de 65 ans.

Le Canada ne fait cependant pas cette distinctio­n. Là encore, Santé Canada se fie aux données probantes tirées de la vaccinatio­n effectuée dans d’autres pays — comme l’Angleterre, où le vaccin a permis de protéger les adultes plus âgés contre les cas sévères — pour le recommande­r pour tous les adultes de 18 ans et plus, comme le fait l’Organisati­on mondiale de la santé.

L’efficacité du vaccin d’AstraZenec­a contre les variants préoccupan­ts est en outre incertaine. Une étude de l’Université de Johannesbu­rg en Afrique du Sud révélait récemment que l’efficacité n’aurait été que de 22 % contre le variant de ce pays. En Angleterre, en revanche, où un variant circule également, le vaccin y est utilisé depuis des semaines et les études semblent montrer qu’il offre une bonne protection, relate le Dr Gaston De Serres, de l’Institut national de santé publique du Québec.

« Dans le contexte actuel, où on n’a à peu près pas de cas du variant brésilien, peu de celui d’Afrique du Sud, on peut se dire que pour le moment la situation n’est pas trop préoccupan­te », rassure le médecin épidémiolo­giste.

Le Canada compte maintenant 964 cas du variant britanniqu­e B.1.1.7 (30 au Québec), 44 du variant sud-africain B.1.351 (3 au Québec) et deux du variant brésilien P.1 (aucun au Québec). Ce qu’on ignore toutefois, c’est si le variant britanniqu­e demeurera le variant dominant au pays, explique le Dr De Serres.

Certaines données suggèrent enfin que la deuxième dose du vaccin d’AstraZenec­a est plus efficace si elle est administré­e un peu plus tard. Santé Canada s’en est toutefois tenue au calendrier suivi lors des essais cliniques et recommande, en attendant de nouvelles études, une seconde dose quatre à douze semaines après la première.

Avec chaque personne qui est vaccinée, la transmissi­on de la maladie d’un individu à un autre diminue dans la société

LE DR MARC BERTHIAUME

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le vaccin d’AstraZenec­a n’a pas besoin d’être conservé à très basse températur­e, ce qui devrait aider à sa distributi­on.

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