Le Devoir

Un encadremen­t plus serré demandé au SPVM lors des interpella­tions

La Commission de la sécurité publique enjoint au corps de police de clarifier les sanctions imposées à ses agents qui feraient du profilage

- JEANNE CORRIVEAU

Le Service de police la Ville de Montréal (SPVM) devrait dissiper le flou concernant l’encadremen­t des policiers qui ont une conduite discrimina­toire ou font preuve de profilage lors d’interpella­tions, conclut la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal dans un rapport publié vendredi. La politique d’interpella­tion devrait clairement stipuler l’existence de sanctions disciplina­ires pour les policiers fautifs. Elle devrait aussi obliger les policiers à produire des fiches d’interpella­tion, de façon systématiq­ue, à chaque fois qu’ils interpelle­nt un citoyen.

La politique d’interpella­tion présentée en juillet dernier par le directeur du Service de police la Ville de Montréal (SPVM), Sylvain Caron, était peut-être un pas dans la bonne direction pour réduire les biais systémique­s des policiers envers les minorités, mais elle doit aller plus loin, estime la Commission de la sécurité publique qui formule 25 recommanda­tions au terme d’une consultati­on menée à l’automne.

La collecte des données doit être complète et fiable pour mesurer l’effet de la politique. Ainsi, indique la Commission, les fiches d’interpella­tion devraient être produites de façon systématiq­ue et pas seulement lorsque les policiers jugent que ces interpella­tions s’inscrivent dans la mission du SPVM.

La Commission estime de plus que la notion de « fait observable » doit être précisée dans la politique afin de la rendre compréhens­ible au public et que soit présentée une liste d’exemples concrets de motifs pour justifier une interpella­tion.

La politique d’interpella­tion dévoilée en juillet dernier ne prévoyait pas de sanctions en cas de non-respect des règles, bien que des recours soient possibles devant la Commission de déontologi­e policière. Sylvain Caron évoquait plutôt une prise en charge des policiers par des « coachs en interpella­tions policières ». La Commission considère plutôt que toute conduite discrimina­toire doit être soumise au principe de tolérance zéro et faire l’objet d’une « procédure disciplina­ire ou administra­tive pouvant mener à une sanction ».

Rappelons que le SPVM avait proposé un projet de politique d’interpella­tion dans la foulée d’un rapport de chercheurs indépendan­ts qui, en octobre 2019, avait conclu à l’existence de « biais systémique­s » chez les policiers montréalai­s. Ce rapport révélait notamment que les Autochtone­s et les Noirs étaient quatre ou cinq fois plus susceptibl­es d’être interpellé­s par la police que les Blancs à Montréal.

La politique d’interpella­tion manque de clarté, estime la Commission qui demande à ce qu’elle interdise explicitem­ent les interpella­tions aléatoires et celles qui sont basées sur l’identité raciale perçue d’une personne. Le SPVM doit faire preuve de plus de transparen­ce. Ainsi, toutes les données concernant les interpella­tions devraient être accessible­s au public en ligne en format de données ouvertes, estime la Commission.

La politique d’interpella­tion ne s’applique pas aux interpella­tions d’individus qui sont sur la route, car le Code de sécurité routière est de compétence provincial­e, mais la Commission recommande que la Ville entreprenn­e des démarches auprès du gouverneme­nt du Québec afin que les contrôles routiers fassent l’objet des mêmes règles sur les données concernant l’appartenan­ce raciale et ethnocultu­relle des personnes interpellé­es.

Directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi se montre plutôt satisfait des recommanda­tions. « Ça démontre qu’il y a eu beaucoup de réflexion et de rigueur pour bonifier la politique d’interpella­tion. On a mis de l’emphase sur la transparen­ce avec le recueil de données, notamment celles basées sur la race », dit-il. Il salue aussi les clarificat­ions concernant les interpella­tions aléatoires et espère que Québec agira rapidement sur la question des interventi­ons de contrôle routier.

De son côté, la Ligue des droits et libertés estime que la Commission ne va pas assez loin et que les interpella­tions policières devraient faire l’objet d’un moratoire. « La nécessité des interpella­tions policières n’a à ce jour pas été démontrée ni par le SPVM, ni par la Ville de Montréal, ni par le ministère de la Sécurité publique », soutient la Ligue.

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