Soudaine pression sur les taux
La hausse subite des taux sur le marché obligataire a surpris cette semaine. Soutenue par un scénario de solide reprise de l’activité économique, la crainte d’une forte poussée de l’inflation s’en est trouvée exacerbée. Si choc inflationniste il y a, il ne devrait être que temporaire, faut-il croire.
Sur la semaine, les indices boursiers ont plié l’échine. Le Dow Jones et le S&P 500 ont perdu 1,8 %, le Nasdaq presque 5 %. Aux États-Unis, le taux sur les bons du Trésor américain à échéance de dix ans a volé la vedette, dépassant momentanément sa résistance symbolique de 1,5 % puis revenant à 1,4 % vendredi . Au Canada, c’est celui sur l’obligation du gouvernement canadien à cinq ans qui s’est attiré les projecteurs, touchant 1 % vendredi pour une poussée de près de 60 points de base depuis le début du mois.
Se greffe aux craintes inflationnistes la pression haussière sur le prix des matières premières issue du scénario dominant de reprise économique. Les prix de l’énergie, des métaux et minéraux, des produits agricoles et du bois d’oeuvre sont tous emportés dans la spirale.
Selon l’avancée de la vaccination, le PIB américain devrait afficher une progression autour des 7 % cette année pour connaître sa meilleure performance annuelle en près de 30 ans, croit Oxford Economics. Et le gros de l’attention est porté sur le plan de soutien de 1900 milliards $US que pousse le gouvernement Biden au Congrès. La reprise combinée à la stimulation du gouvernement fait craindre une surchauffe. Oxford estime que l’augmentation de l’indice des prix à la consommation pourrait toucher les 3 % pas plus tard qu’en avril aux États-Unis, et l’inflation de base, hors composants volatils, les 2,3 %, contre 1,5 % présentement.
Pour l’heure, les banques centrales n’adhèrent pas à la thèse d’une inflation durable, voire d’une tendance structurelle haussière des prix, mais plutôt à celle d’une poussée ponctuelle ne s’inscrivant pas dans la durée. La remontée des taux d’intérêt ne viendra pas de leur intervention. Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, le martelait encore cette semaine. L’institution continue de prioriser le retour à la santé du marché du travail. Au demeurant, à ces yeux l’anticipation de pressions haussières sur les prix « est une bonne chose ; je ne pense pas que ces effets soient étendus ». Il reste un « long chemin » avant de s’approcher du plein-emploi et « cela prendra sûrement du temps pour que des progrès significatifs soient réalisés », a-t-il souligné.
La Banque du Canada, qui n’a pas comme la Fed le double mandat de stabilité des prix et emplois, a également semblé afficher ses préférences, prévenant que la reprise de l’emploi sera longue.
Avant eux, l’économiste en chef du Fonds monétaire international, Gina Gopinath, banalisait les anticipations d’une inflation galopante, voire hors de contrôle, aux États-Unis. « L’expérience des quatre dernières décennies rend peu probable, même avec l’enveloppe budgétaire proposée, que les États-Unis connaissent une flambée des pressions sur les prix qui pousseront constamment l’inflation bien audessus de l’objectif de 2 % de la Fed », a-t-elle écrit dans son blogue. Si le plan du président Biden est adopté, l’inflation « tournerait autour de 2,25 % en 2022, ce qui n’a rien d’inquiétant », a-t-elle ajouté.
De plus, la pandémie vient soutenir le scénario d’un choc inflationniste temporaire, sous l’impulsion d’un boum des dépenses de consommation. La crise sanitaire a fait gonfler les comptes d’épargne de 1800 milliards $US aux États-Unis, de 160 milliards au Canada, essentiellement en raison d’une diminution des dépenses et des transferts gouvernementaux. Or une fois passé l’effet de la demande refoulée et des transferts…