Au nom de la science
Google Trends s’est avéré être un outil précieux pour faire de la recherche en 2020
Les données de Google Trends ne sont pas qu’une source de divertissement : elles alimentent aussi des analyses scientifiques.
À la fin de l’hiver 2020, l’économiste Abel Brodeur cherchait une manière d’évaluer en temps réel l’effet du confinement sur le bien-être des populations. De gigantesques expériences socio-économiques étaient en cours, mais aucune donnée n’était encore disponible pour en comprendre les conséquences. C’est alors que ce professeur à l’Université d’Ottawa eut l’idée d’utiliser les statistiques de Google.
M. Brodeur et ses collègues ont donc choisi treize mots-clés : ennui, satisfaction, divorce, dépréciation, solitude, panique, tristesse, sommeil, stress, suicide, bien-être et inquiétude. Ils ont comparé la fréquence de recherches en ligne de ces sujets avant et après l’annonce du confinement dans neuf pays européens et dans les États américains.
« Ennui » a remporté la triste palme pandémique. De part et d’autre de l’Atlantique, le début des confinements a coïncidé avec une forte augmentation du nombre de recherches avec ce mot-clé.
Solitude, inquiétude et tristesse ont également gagné en popularité ; stress, suicide et divorce en ont perdu. Dans tous les cas, les effets sur les requêtes numériques n’étaient que temporaires.
Il n’en demeure pas moins que l’exercice a permis de confirmer très rapidement, d’une manière valable statistiquement, quels aspects du bien-être de la population étaient le plus chamboulés par le confinement.
Les données de Google Trends disposent d’un avantage par rapport aux sondages : elles découlent directement du comportement des internautes. « Les gens ne peuvent pas mentir », fait valoir M. Brodeur en entretien. En contrepartie, il n’y a pas de manière simple de moduler les données de Google pour augmenter la représentation de certains groupes qui utilisent moins le moteur de recherche, comme les personnes âgées.
Si Google Trends est en vogue dans les milieux scientifiques depuis quelques années, la pandémie a véritablement popularisé cet outil ces derniers mois. Des chercheurs ont par exemple prévu une baisse historique de 15 % des naissances aux États-Unis en 2021 en se basant sur le déclin des recherches pour certains mots-clés liés à la grossesse. D’autres scientifiques, analysant plutôt les données de Twitter, ont déterré des gazouillis annonciateurs d’une vague de pneumonies en Europe au début de l’année 2020, avant même que les premiers cas de COVID-19 ne soient officiellement répertoriés.