Arts visuels
Le MAC met en valeur les nouvelles acquisitions de sa collection
Des horizons d’attente fait partie des expositions temporaires thématiques mises de l’avant par le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) pour valoriser sa collection. Elle s’inscrit à la suite d’autres expositions organisées par la conservatrice Marie-Ève Beaupré, dont les réalisations depuis 2016 sont les signes palpables d’un franc dynamisme.
L’expo, qui regroupe des acquisitions récentes faites dans l’esprit de la redéfinition de la politique d’acquisition (voir encadrés), a trouvé une inflexion supplémentaire avec la pandémie, qui a bousculé la programmation en retardant l’ouverture et recentré l’attention sur les artistes de la communauté immédiate, en besoin de soutien.
Ainsi, le MAC, qui achète des oeuvres d’ici et d’ailleurs, annonçait faire pour 2020-2021 « des acquisitions 100 % locales », dont certaines ont pu intégrer de justesse le parcours. Quelques-unes font aussi partie de La machine qui enseignait des airs aux oiseaux, l’autre expo de groupe qui constitue le coeur de la programmation en cours. Ces acquisitions sont arrimées à une campagne de financement toujours en cours, visant à doubler le budget annuel de 300 000 $. Ces efforts sont à saluer, bien qu’ils pourraient être encore plus grands.
Parcours sensible
Du reste, Des horizons d’attente parvient à mettre en valeur les pièces acquises auprès de 21 artistes en les intégrant avec cohérence dans un tout sensible et intelligent. En amorce, les oeuvres de Myriam Dion, de Zanele Muholi, de Kapwani Kiwanga et de Caroline Monnet se répondent éloquemment avec leurs motifs, géométriques ou organiques, qui ne se limitent pas à leur dimension décorative, mais traitent d’enjeux politiques. Muholi déconstruit par l’exagération la figure noire exotique, ici camouflée dans le feuillage. Elle fait face à l’ample rideau de papier délicatement taillé de Dion, en référence à la façade de la Grande Mosquée d’Alep, détruite par les bombardements. Malgré leur grand pouvoir de séduction, accentué par le paravent en miroir de Kiwanga, ces oeuvres évoquent la fragilité des ruines et les nécessaires guérisons.
Les oeuvres suivantes jouent dans un répertoire plus intime, et dans un accrochage qui pourra indisposer, tant il rapproche les oeuvres. Le malaise concorde cependant avec les sujets abordés, par la matérialité des oeuvres qui, chez Cindy Dumais, MarieMichelle Deschamps et le duo formé d’Andrée-Anne Roussel et de Samuel St-Aubin, entre autres, font du corps, de la rencontre et de la mémoire des réalités vécues à fleur de peau.
Des fleurs sont d’ailleurs discrètement nichées dans la sculpture d’Ashes Withyman. Elles sont l’offrande choisie par la conservatrice, qui les a cueillies sur le toit du musée, dans le jardin. L’ajout suit le protocole fixé par l’artiste, qui imagine son oeuvre tel un sanctuaire. Elle porte la trace du processus qui a mené à son acquisition, symbolise le dialogue entre l’artiste et l’institution.
La discrétion assumée de cet échange fait place à la remarquable installation de Yan Giguère, Visites libres (20092013), qui a son espace dédié. La myriade de photos construit un panorama bigarré des lieux de vie et du vivreensemble, entre nostalgie et espoir. L’acquisition et la présentation de cette oeuvre revêtent une importance particulière pour le témoignage offert en filigrane du milieu des arts visuels, la communauté dans laquelle l’artiste est engagé depuis longtemps, y posant la singularité de son regard.
C’est de territoires partagés dont il est finalement question dans la dernière section du parcours, judicieusement ponctué par une photo de Lorna Bauer, scrutant la façade vitrée d’une architecture patrimoniale. Le genre du paysage prévaut ensuite, avec les oeuvres de Pierre Bourgault, d’Hannah Claus, d’Andrea Szilasi, de Michael Flomen et d’AnneMarie Proulx qui s’écartent des représentations conventionnelles. Chez Proulx, les interstices entre les mots et les images ouvrent un fécond dialogue sur la nature avec son ami innu de la BasseCôte-Nord. Les horizons, est-il permis de croire, annoncent des jours meilleurs.
Des horizons d’attente
Musée d’art contemporain de Montréal, jusqu’au 19 septembre