Le Devoir

Les familles de personnes handicapée­s haussent le ton

Une mise en demeure a été envoyée à Québec pour que ces personnes puissent se faire vacciner dès maintenant

- MAGDALINE BOUTROS

Québec est sommé de permettre dès maintenant aux personnes vivant avec un handicap de se faire vacciner contre la COVID-19. Cinq familles dont un membre vit avec une déficience intellectu­elle ou physique ont envoyé vendredi une mise en demeure au gouverneme­nt du Québec afin que l’ordre de priorité pour la vaccinatio­n soit modifié.

« Des données scientifiq­ues montrent que les gens handicapés ont trois à cinq fois le risque de la population en général de développer des complicati­ons graves ou de mourir de la COVID-19 », fait valoir l’avocat Julius Grey, qui pilote le dossier. Si l’ordre de priorité n’est pas modifié d’ici une semaine, le groupe pourrait déposer une injonction, un recours en dommages-intérêts ou encore une action collective contre le gouverneme­nt du Québec, peut-on lire dans la mise en demeure, dont Le Devoir a obtenu copie.

Actuelleme­nt, au Québec, les adultes de moins de 60 ans vivant avec un handicap se trouvent au bas de la liste de priorité, soit dans la même catégorie que le « reste de la population adulte ».

On a pris la décision qu’il ne retournera­it pas à ses activités jusqu’à ce qu’il soit vacciné. Le danger est trop élevé pour lui. ALEXANDRE GRANT

Dans d’autres provinces canadienne­s, les personnes ayant une déficience mentale ou un handicap physique se trouvent à des échelons plus élevés. En Ontario, elles peuvent se faire vacciner dès la phase 2 sur un total de 3 phases, et en Colombie-Britanniqu­e, dès la phase 3 sur un total de 4 phases.

La décision du gouverneme­nt du Québec d’exclure les personnes handicapée­s des groupes prioritair­es est « discrimina­toire, voire dangereuse pour la vie et la sécurité », mentionne la mise en demeure. Ce refus de reconnaîtr­e les dangers encourus par les personnes vivant avec un handicap viole la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés et la personne, estime Julius Grey. Celuici a d’ailleurs déposé vendredi une demande d’enquête pour discrimina­tion à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Un danger décuplé

Alexandre Grant fait partie de ceux qui ont demandé à Julius Grey d’intenter une action en justice contre le gouverneme­nt du Québec. « Ça fait plusieurs mois qu’individuel­lement, on essaye de [se] faire entendre […]. On a fait des pétitions, on a envoyé des lettres au gouverneme­nt, on a fait des apparition­s dans les médias. Mais tout ça a mené essentiell­ement à rien », déplore celui dont le frère jumeau Jonathan, âgé de 24 ans, vit avec une déficience intellectu­elle et un trouble du spectre de l’autisme.

Depuis le début de la pandémie, celuici a dû interrompr­e entièremen­t ses activités et n’est retourné que pour une brève période à son emploi dans un centre communauta­ire. Durant cette période, l’homme de 24 ans a été exposé à un cas positif de COVID-19. « Ça l’a mis dans un état de détresse complèteme­nt inhumaine », rapporte son frère. Le stress a également été immense pour la famille de Jonathan, qui craignait pour sa santé. « On a pris la décision qu’il ne retournera­it pas à ses activités jusqu’à ce qu’il soit vacciné. Le danger est trop élevé pour lui », mentionne Alexandre Grant.

Jeudi soir, Jonathan Grant a reçu un appel du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Îlede-Montréal pour lui donner un rendez-vous pour se faire vacciner. Une bonne nouvelle, convient son frère, qui dit toutefois être déterminé à poursuivre ses démarches jusqu’à ce que la vaccinatio­n soit offerte à tous les Québécois vivant avec un handicap.

L’attachée de presse du ministre de la Santé Christian Dubé, Marjaurie CôtéBoilea­u, n’a pas voulu commenter le dossier, puisque celui-ci fait l’objet de démarches judiciaire­s. « Toutefois, nous suivons les recommanda­tions du Comité d’immunisati­on du Québec concernant les groupes prioritair­es à vacciner », précise-t-elle. Elle ajoute que près de 13 000 Québécois vivant avec un handicap ont pu être vaccinés jusqu’à maintenant. Le mois dernier, les personnes vivant avec un handicap et qui résident dans une ressource d’hébergemen­t ont été ajoutées aux groupes prioritair­es.

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