Le Devoir

Nos sacs à ordures

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Même si le « bac vert » fait partie de nos vies depuis près de 25 ans et qu’une majorité de Québécois affirme avoir pris l’habitude de la récupérati­on des matières recyclable­s, à peine plus de la moitié de ces matières sont aujourd’hui acheminées pour être recyclées. Pendant ce temps, la quantité de déchets produite par habitant au Québec est à la hausse depuis quelques années.

« Ça me désole. Ça fait plus de 20 ans qu’on développe des programmes de récupérati­on, de recyclage et de compostage, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Par exemple, les quantités de matières recyclable­s qui sont toujours enfouies sont très importante­s », déplore le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.

Selon ce qu’on peut lire dans le « rapport sectoriel » produit par Recyc-Québec dans le cadre des travaux en cours sur « l’état des lieux et la gestion des résidus ultimes » du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent, « plusieurs matières pouvant être réemployée­s, recyclées et valorisées sont pourtant encore éliminées actuelleme­nt au Québec ».

La province a ainsi envoyé pas moins de 1,2 million de tonnes de matières recyclable­s au dépotoir au cours de l’année 2019-2020. Le document de Recyc-Québec, daté de février 2021, précise que 545 000 tonnes de papier et de carton, 458 000 tonnes de plastique, 142 000 tonnes de métal et 76 000 tonnes de verre ont été « éliminées » au Québec.

Globalemen­t, la quantité de matières recyclable­s envoyées au dépotoir a toutefois reculé de 9 % entre 2011 et 2019, si on tient compte du secteur résidentie­l, mais aussi des industries, des commerces (dont les restaurant­s et les détaillant­s en alimentati­on) et des établissem­ents scolaires et de santé.

En attendant la publicatio­n du bilan de la gestion des matières résiduelle­s au Québec, prévue en 2022, les données du portrait dressé en 2018 permettent par ailleurs de constater une baisse du taux de matières « acheminées aux fins de recyclage » provenant des résidences. Celui-ci est passé de 54 % en 2015 à 52 % en 2018. Cette même année, le taux est nettement plus faible pour le verre (28%) et le plastique (25%).

« Révolution » promise

Dans le cas des matières organiques, la situation s’est améliorée entre 2011 et 2019, selon les plus récentes données de Recyc-Québec. L’an dernier, près de 1,5 million de tonnes de ces matières, qui pourraient notamment être compostées ou être utilisées pour produire du biogaz, ont tout de même été envoyées au dépotoir. Dès 2011, le gouverneme­nt du Québec avait pourtant prévu de réduire à zéro l’enfouissem­ent de ces matières à l’horizon 2020. Or, selon le plus récent bilan disponible, en 2018, le « taux de recyclage » atteignait seulement 27 %, en très légère hausse par rapport à 2015 (25 %).

Le gouverneme­nt Legault espère toutefois améliorer substantie­llement le bilan, grâce à des investisse­ments de 1,2 milliard de dollars sur 10 ans pour soutenir les nombreuses municipali­tés et les commerces qui ne récupèrent toujours pas les matières organiques. L’objectif est de recycler 70 % de celles-ci d’ici la fin de la décennie. Dans le cadre du « Plan d’action 2019-2024 » de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelle­s, Québec souhaite aussi faire passer à 75 % le taux de recyclage du papier, du carton, du verre, du plastique et du métal.

Pour le ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charette, il s’agit d’une véritable « révolution » dans la gestion des matières résiduelle­s. Celle-ci doit d’ailleurs permettre de réduire à 525 kilogramme­s la quantité annuelle de matières éliminées par habitant d’ici 2023. Selon Recyc-Québec, cette quantité de déchets a connu « une hausse notable » en 2019, pour atteindre 722 kilos. « Une telle quantité éliminée par habitant n’avait pas été observée depuis 2011 », précise le rapport.

Analyste en consommati­on responsabl­e chez Équiterre, Amélie Côté estime que le Québec devra faire des gestes significat­ifs pour diminuer ce bilan, y compris la généralisa­tion de l’accès au « bac brun », la réduction du gaspillage alimentair­e et l’améliorati­on du processus de recyclage des matières récupérées, dont le verre.

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