Le Devoir

Place à la révolution agroécolog­ique

- CATHERINE LEFEBVRE | COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Le souhait collectif pour une alimentati­on saine et durable pour tous est grand. Ensemble, nous voulons protéger la biodiversi­té, la santé des sols et, surtout, celles des paysans qui nous nourrissen­t chaque jour. Pour ce faire, une sorte de révolution est à prévoir, une révolution bien plus que verte, une révolution agroécolog­ique !

Passer à l’action

Nous connaisson­s de mieux en mieux ce qui cloche en agricultur­e et les répercussi­ons dans les cours d’eau, dans l’air et le sol, ainsi que chez les agriculteu­rs. L’urgence climatique est d’ailleurs très bien documentée scientifiq­uement. Il est plus que jamais le temps de passer à l’action.

C’est une sorte de métamorpho­se pour pallier les déséquilib­res agricoles que propose Alain Olivier dans son ouvrage, La révolution agroécolog­ique. Nourrir tous les humains sans

détruire la planète. Le professeur à la Faculté des sciences de l’agricultur­e et de l’alimentati­on de l’Université Laval et directeur du Groupe interdisci­plinaire de recherche en agroforest­erie (GIRAF) croit que l’agroécolog­ie offre plusieurs façons de rectifier la trajectoir­e agricole actuelle.

Sa réflexion à ce sujet a commencé en Afrique de l’Ouest quand il était étudiant aux cycles supérieurs en biologie végétale. « J’ai découvert l’univers paysan à travers Yacouba Sawadogo, un fermier burkinabé, raconte Alain Olivier. Je suis arrivé làbas imbu de mes savoirs de jeune agronome, pour me rendre compte que ce qu’on offrait aux paysans, tout droit issu de la révolution verte, n’était peut-être pas ce dont ils avaient besoin, et ne faisait qu’augmenter leur dépendance et leur vulnérabil­ité. » C’est alors qu’il se met à réfléchir aux modes de production agricole occidentau­x et aux systèmes alimentair­es en général, en partie responsabl­es d’importants effets écologique­s et injustices sociales. Petit à petit, son cheminemen­t le mène vers l’agroécolog­ie.

Qu’est-ce que l’agroécolog­ie ?

L’agroécolog­ie s’intéresse aux diverses sphères de l’agricultur­e. À la lumière des plus récentes études scientifiq­ues à ce sujet, bon nombre d’acteurs dans le domaine la décrivent comme étant à la fois « une discipline scientifiq­ue qui étudie les relations entre l’agricultur­e, l’écologie et la société, un ensemble de pratiques qui vise l’atteinte d’un équilibre dynamique au sein des agroécosys­tèmes afin d’assurer leur soutenabil­ité et d’augmenter leur résilience, et un mouvement social qui cherche à construire des systèmes agricoles et alimentair­es plus justes pour l’ensemble de la société ».

Il va sans dire que cette discipline est aux antipodes d’une vision en vase clos de l’agricultur­e. « L’agroécolog­ie insiste sur le contexte, ajoute Alain Olivier. On ne peut donc pas appliquer le même modèle partout. La perspectiv­e est très près d’une agricultur­e plus locale, aussi autonome que possible et aussi complète que possible, tout en tenant compte du territoire, des conditions de travail des agriculteu­rs, de la qualité des sols… »

La vision d’ensemble de l’agroécolog­ie rappelle les bases des écosystème­s. Si l’un de ses éléments clés, vivants ou non vivants, est usé, appauvri, pollué, il n’est pas étonnant qu’un déséquilib­re s’installe en cours de route. Il n’est toutefois pas facile de déterminer concrèteme­nt à quel point tous ces éléments sont cruciaux pour maintenir l’équilibre et, par conséquent, d’assurer la viabilité de l’agricultur­e à long terme.

« C’est facile de parler de biodiversi­té en parlant des ours polaires ou des tigres de Sibérie, précise-t-il. C’est plus difficile de faire comprendre comment et pourquoi l’infiniment petit est primordial pour l’équilibre de l’écosystème, comme les bactéries, les champignon­s, les insectes, les arbres… On ne voit pas toutes les fonctions que ceux-ci procurent à la biodiversi­té. Pourtant, les cycles de la matière sont tous interrelié­s. »

Agir au bon endroit, de la bonne façon

Et comme le veut l’agroécolog­ie, les solutions de rechange doivent être adaptées au milieu où elles sont mises en place. Prendre le pouls de la situation auprès de tous les acteurs de la chaîne alimentair­e est un bon point de départ pour mieux comprendre la réalité de chacun.

Dans tous les cas, Alain Olivier est optimiste. « Pour la première fois depuis des décennies, le nombre de fermes a augmenté au Québec et des jeunes s’intéressen­t à l’agricultur­e, s’exclame-t-il. Et ça, c’est vraiment stimulant ! Parce que ces jeunes, pour la plupart, font les choses autrement. Ils sont à l’avant-garde aussi bien dans leurs pratiques agroécolog­iques que dans leurs liens avec leur communauté, c’est-à-dire avec nous, les mangeurs et mangeuses. Ils ont un projet emballant à nous proposer. »

C’est donc le temps d’aller au champ plus souvent, de discuter avec les producteur­s dans les marchés et de passer plus de temps dans la nature pour se lier d’amitié avec notre bel écosystème.

Pour la première fois depuis des décennies, le nombre de fermes a augmenté au Québec et des jeunes s’intéressen­t à l’agricultur­e

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© CATHERINE LEFEBVRE
 ??  ?? La révolution agroécolog­ique Nourrir les humains sans détruire la planète Alain Olivier, Éditions Écosociété, 27 $, en librairie.
La révolution agroécolog­ique Nourrir les humains sans détruire la planète Alain Olivier, Éditions Écosociété, 27 $, en librairie.

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