Le Devoir

Fleuristes nouvelle génération

Des fleuristes font aujourd’hui le pari de n’offrir que des fleurs cultivées ici, dans leurs propres jardins. Portés par l’engouement pour l’achat local, les pionniers du mouvement slow flower remarquent l’intérêt croissant pour leurs bouquets de fleurs d

- JESSICA DOSTIE | COLLABORAT­ION SPÉCIALE

C’est un fait : l’achat local a fleuri au Québec au cours de la dernière année, contexte de crise sanitaire aidant. « La crise a remis sur le devant de la scène les circuits plus courts », confirme en entretien téléphoniq­ue Fabien Durif, directeur de l’Observatoi­re de la consommati­on responsabl­e et professeur titulaire au Départemen­t de marketing de l’UQAM.

On connaît bien le concept des paniers de fruits et légumes bios, dont la popularité ne cesse de croître depuis une dizaine d’années, entre autres grâce au Réseau des fermiers de famille. Si un tel regroupeme­nt n’existe pas — du moins pas encore — en fleurister­ie, des voix se font de plus en plus entendre afin que soit dévoilée la provenance des fleurs coupées qu’on achète à la Saint-Valentin, à Pâques ou à la fête des Mères. Parce qu’elles viennent souvent de loin.

« La majorité des fleurs coupées sur le marché proviennen­t des Pays-Bas, de l’Équateur, de la Colombie ou du Kenya », énumère Alice Berthe, copropriét­aire de la ferme florale Enfants Sauvages, lancée tout récemment. L’oiseau du paradis, la rose bleue ou la tulipe qu’on achète en boutique risquent donc d’avoir parcouru des milliers de kilomètres avant d’atterrir dans notre vase.

La philosophi­e des Enfants Sauvages prône tout le contraire. « Comme le slow food ou le

slow fashion, nous misons énormément sur l’ éco responsabi­lité et le concept des circuits courts. » En somme, résume-t-elle, Thierry Bisaillon-Roy et elle sont des « fleuristes qui s’ auto fournis sent ».

Dans leurs jardins de Stanstead, en Estrie, ils cultivent une soixantain­e de variétés de fleurs — pivoines, roses, cosmos, tournesols, zinnias ou dahlias, par exemple. Leurs bouquets sont offerts sur abonnement ou en précommand­e. À la ferme, donc, pas de frigos remplis de fleurs coupées. « Ça nous permet de ne cueillir que les fleurs qui ont été achetées et de limiter les pertes », souligne-t-elle.

Et les consommate­urs sont au rendez-vous. À l’aube de sa première saison d’activité, leur petite ferme de fleurs locales a déjà atteint ses objectifs sur la plateforme de financemen­t social La Ruche.

De Montréal à Contrecoeu­r

L’horticultr­ice Laurie Perron, créatrice de Jungle Fleur, fait le même calcul. Celle qui privilégia­it déjà les fleurs locales dans son atelier montréalai­s a choisi de retourner à Contrecoeu­r, en Montérégie, où elle cultive les fleurs qu’elle vend — désormais en ligne — dans son jardin expériment­al situé sur la terre familiale.

« J’aime jardiner et je me suis rendu compte que je perdais l’essence de ce que j’aimais le plus faire, explique-t-elle. J’ai donc changé mon modèle pour pouvoir jardiner encore davantage. »

Chaque année, elle s’amuse à tester de nouvelles variétés. Outre les pivoines, la lavande, le lupin, les coréopsis et les autres vivaces qui reviennent d’année en année, elle sélectionn­e ses annuelles avec soin. « J’essaie d’avoir toujours des grosses et des petites fleurs, de même que des graminées, comme des plumeaux et de la verdure, pour avoir de la texture dans les bouquets », illustre-t-elle. Ensuite, elle laisse la nature faire son oeuvre. « Je ne peux pas faire de promesses ; je crée mes bouquets selon la disponibil­ité. »

Et l’hiver ?

Au Québec, pas le choix de composer avec dame Nature. Plutôt que de miser sur des serres énergivore­s, les adeptes du mouvement slow

flower proposent de consommer autrement. La douzaine de roses pour la Saint-Valentin ? On oublie !

« Il faut travailler ça avec le public, acquiesce Alice Berthe. On suit les saisons et c’est la raison pour laquelle on a des pivoines seulement de la mi-juin à la mi-juillet, par exemple. On les apprécie d’autant plus quand elles arrivent, de la même manière qu’on est si contents quand la saison des fraises et des bleuets commence. »

Même si les horticulte­urs ont quelques trucs pour étirer la saison de mai à octobre, leur offre ne comprend pas de fleurs fraîches plus tard dans l’année. Chez Jungle Fleur, Laurie Perron propose pour sa part des bouquets de fleurs séchées durant la saison froide. « C’est la solution de rechange que j’ai trouvée pour permettre d’acheter local même en hiver. »

Les copropriét­aires d’Enfants Sauvages réfléchiss­ent également à une façon de nous permettre de fleurir nos maisons toute l’année, par exemple en créant des couronnes de Noël à partir de branches de conifères et de fleurs séchées ou en produisant des amaryllis en pot.

« Nous croyons au pouvoir des fleurs et à leurs effets sur l’humeur, estime Alice Berthe. Enfant, j’accompagna­is ma mère au marché de fleurs dans le sud de la France, où j’ai grandi. Ça fait donc partie de mon ADN de fleurir mon environnem­ent et j’ai envie de partager cette expérience. »

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2 | 2. LAVANDE, © ROCKNWOOL
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1 1. ZINNIA, © MARK-TEACHEY
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3 | 3. PIVOINE, © REBECCA

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