Le Devoir

L’Ontario se place en quarantain­e

Des barrages routiers seront érigés à la fois par les gouverneme­nts Ford et Legault

- BORIS PROULX CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Les unités de soins intensifs qui débordent et les projection­s de hausse de cas quotidiens catastroph­iques ont poussé le premier ministre ontarien, Doug Ford, à prendre les grands moyens pour mettre un frein à la troisième vague : dès lundi, les déplacemen­ts entre sa province et ses voisines seront interdits. Quelques heures plus tard, Québec a elle aussi annoncé fermer sa frontière avec l’Ontario.

Le Québec a emboîté le pas au gouverneme­nt ontarien et a décidé de fermer lui aussi sa frontière la plus à l’ouest, vendredi soir, au moment où l’Ontario est en proie à une situation sanitaire qui n’a rien de rassurant, selon les experts. À partir de lundi, des barrages routiers seront érigés par les deux provinces pour restreindr­e les déplacemen­ts non essentiels.

« Dès lundi, nous fermerons notre frontière avec l’Ontario et nous assurerons un contrôle serré des déplacemen­ts. Nous sommes en discussion avec le gouverneme­nt ontarien pour déterminer les modalités », a annoncé la ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, vendredi soir.

Son annonce est survenue peu après celle du premier ministre ontarien, Doug Ford, qui s’est dit inquiet de « perdre la bataille entre les variants et les vaccins ». Il a annoncé la fermeture de ses frontières avec le Québec

Si une personne n’a pas de raison valide de se rendre en Ontario, elle devra faire demi-tour SYLVIA JONES

et le Manitoba, parmi une série de nouvelles mesures sanitaires.

Les seules exceptions permises pour se rendre en Ontario seront pour le travail, l’obtention de soins médicaux et le transport de marchandis­es. Le premier ministre Ford a également exhorté le fédéral à restreindr­e encore plus les déplacemen­ts internatio­naux.

« Si une personne n’a pas de raison valide de se rendre en Ontario, elle devra faire demi-tour », a averti la solliciteu­se générale de l’Ontario, Sylvia Jones, lors d’un point de presse vendredi après-midi.

L’Ontario a également prolongé à six semaines son « ordonnance de rester à la maison », décrétée la semaine dernière et ayant pour but de réduire les déplacemen­ts non essentiels. La province a rejeté l’idée d’imposer un couvre-feu similaire à celui en vigueur au Québec. Elle imposera toutefois de nouvelles restrictio­ns à la pratique de sports extérieurs, comme le golf, et interdira dès samedi les rassemblem­ents extérieurs de personnes issues de foyers différents.

Les villes d’Ottawa et de Gatineau seront ainsi une nouvelle fois séparées par des barrages policiers, après une première interdicti­on des déplacemen­ts interprovi­nciaux non essentiels au printemps dernier, imposée par le Québec. « J’espère que les raisons humanitair­es seront permises. On a besoin d’exceptions », a réagi le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, peu après l’annonce de l’Ontario qui n’en faisait pas mention. Le maire invite le gouverneme­nt Ford à tenir compte de la réalité de la région frontalièr­e, où les résidents ont l’habitude de se déplacer d’une rive à l’autre de la rivière des Outaouais. « Mais c’est une décision qui leur appartient », conclut-il.

Le maire d’Ottawa, Jim Watson, a pour sa part critiqué plus sévèrement la mesure de son gouverneme­nt. « Je n’ai jamais été un grand adepte des barrages », a-t-il laissé tomber vendredi soir dans un appel avec des journalist­es. « Nous n’avons pas été consultés. C’est une loi de la province de l’Ontario, nous n’avons pas beaucoup de choix, et ça va nous coûter beaucoup d’argent pour les services policiers. »

Prévisions catastroph­iques

Les nouvelles mesures imposées par l’Ontario sont justifiées par une importante dégradatio­n de sa situation sanitaire et des projection­s qui laissent entrevoir une catastroph­e à venir. La province enregistra­it vendredi un autre record de nouveaux cas de COVID-19, soit 4812. Des modélisati­ons présentées par des experts gouverneme­ntaux vendredi ont dressé un portrait encore plus inquiétant : si des mesures fortes n’étaient pas prises par l’Ontario, le nombre de ses nouveaux cas par jour pourrait dépasser les 15 000. Déjà, tant les cas de COVID-19 que les hospitalis­ations sont à leur plus haut niveau depuis le début de la pandémie dans cette province.

Le premier ministre fédéral, Justin Trudeau, a par ailleurs offert vendredi matin au gouverneme­nt Ford de déployer en Ontario des effectifs de la Croix-Rouge, dont des unités mobiles de vaccinatio­n et un coup de main dans les hôpitaux et les foyers de soins de longue durée. Une porte-parole du premier ministre Ford a toutefois indiqué aussitôt que le gouverneme­nt déclinait l’offre d’Ottawa, parce qu’inutile. Selon son gouverneme­nt, l’Ontario a besoin de plus de vaccins, pas de vaccinateu­rs.

Appel aux autres provinces

Le gouverneme­nt Ford a par contre demandé à d’autres provinces de lui prêter des infirmière­s et d’autres travailleu­rs de la santé, alors que les hôpitaux sont poussés à bout, surtout aux soins intensifs, par la flambée des infections et la pénurie de personnel.

Dans une lettre à ses homologues des autres provinces et territoire­s, la sous-ministre de la Santé de l’Ontario, Helen Angus, explique que sa province aura besoin de 4145 infirmière­s de plus dans le seul secteur hospitalie­r au cours des quatre prochains mois. Elle demande aussi 620 autres profession­nels de la santé, y compris des infirmière­s et des inhalothér­apeutes. Le besoin est le plus aigu dans le sud de l’Ontario, plus précisémen­t dans le Grand Toronto et les environs immédiats.

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NATHAN DENETTE LA PRESSE CANADIENNE
 ?? FRANK GUNN LA PRESSE CANADIENNE ?? Avec plus de 4800 nouveaux cas annoncés vendredi, le premier ministre ontarien, Doug Ford, s’est dit inquiet de « perdre la bataille entre les variants et les vaccins ».
FRANK GUNN LA PRESSE CANADIENNE Avec plus de 4800 nouveaux cas annoncés vendredi, le premier ministre ontarien, Doug Ford, s’est dit inquiet de « perdre la bataille entre les variants et les vaccins ».

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