Le Devoir

Le programme RénoPlex victime de son succès

- JEANNE CORRIVEAU

Le programme de subvention à la rénovation RénoPlex est victime de son succès. Submergée de demandes, la Ville de Montréal a dû suspendre le dépôt de dossiers jusqu’en janvier 2022. Le retard dans le traitement des demandes inquiète les propriétai­res qui s’apprêtaien­t à réaliser des travaux majeurs.

Malik Sammouda avait fait une demande de subvention dès avril dernier dans l’espoir d’obtenir une aide financière de 18 000 $ pour rénover sa maison de Mercier–HochelagaM­aisonneuve. Il s’attendait à commencer les travaux de fondation et d’isolation de son immeuble au début du mois de juillet.

Il lui faudra patienter, car la Ville a reçu tellement de demandes pour RénoPlex qu’elle a accumulé du retard dans le traitement des dossiers. Or, les propriétai­res doivent recevoir le feu vert de la Ville avant de lancer leurs travaux s’ils veulent toucher la subvention. « Je ne sais même pas si on pourra entreprend­re les travaux après les vacances de la constructi­on. C’est un peu un gamble», déplore M. Sammouda, qui craint de devoir reporter les travaux à l’hiver ou à l’an prochain. « Je trouve que ça n’a pas de bon sens de laisser une maison pourrir alors qu’il y a des matériaux qui sont encore bons. »

Le programme RénoPlex vise à subvention­ner les rénovation­s d’immeubles d’un à cinq logements à Montréal. Il s’applique notamment aux travaux de réparation de fondations et de remplaceme­nt de fournaise au mazout ou d’entrées d’eau en plomb. L’aide maximale prévue est de 20 000 $ pour les bâtiments comportant un seul logement et de 40 000 $ pour les bâtiments de deux à cinq logements.

Lorsqu’elle a lancé le programme en février, la Ville s’attendait à traiter 325 dossiers annuelleme­nt. Elle a cependant reçu près de 1000 demandes de subvention au cours des derniers mois. Et, alors que le budget prévu était de 4,9 millions, les demandes représente­nt maintenant

9,1 millions.

« Malgré deux bonificati­ons consécutiv­es au budget du programme RénoPlex, son succès oblige la Ville de Montréal à mettre un terme, le 18 juillet prochain, à la période de soumission­s pour l’année 2021 », a indiqué Catherine Cadotte, attachée de presse au cabinet de la mairesse Valérie Plante, dans un courriel. « Des ressources humaines supplément­aires seront assignées au traitement des demandes du programme RénoPlex afin d’accélérer le processus et toutes les demandes reçues avant cette date seront traitées », a-t-elle promis. un montant

Des besoins immenses

de

Pour Hans Brouillett­e, porte-parole de la Corporatio­n des propriétai­res immobilier­s du Québec (CORPIQ), l’avalanche de demandes de subvention­s démontre bien que les fonds disponible­s ne correspond­ent pas à l’ampleur des besoins en matière de rénovation.

Avec un parc immobilier vieillissa­nt, les propriétai­res font face à plusieurs défis, dont la hausse des coûts de rénovation et le manque de disponibil­ité des entreprene­urs. « Si les astres sont alignés et que le propriétai­re peut réaliser son projet, tant mieux. Mais on est en pénurie de main-d’oeuvre, les coûts augmentent et on a des contrainte­s avec ce programme. »

Selon lui, les budgets des programmes de rénovation sont bien insuffisan­ts de façon générale. « Mais si on nous donne des miettes, on va les prendre. Au moins, on sait qu’il y a des gens qui vont en bénéficier », dit-il.

Le président de l’Associatio­n des propriétai­res du Québec, Martin Messier, est lui aussi d’avis que davantage de programmes du genre sont nécessaire­s, compte tenu des besoins. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, les rendements sont faibles pour les propriétai­res qui doivent procéder à des rénovation­s, avance-t-il. « C’est un signe que les propriétai­res cherchent par tous les moyens à rénover à des rendements qui font du sens pour eux. »

Des programmes de subvention­s plus généreux auraient l’avantage d’alléger la pression sur les locataires, qui n’auraient pas à assumer une part aussi importante des travaux. Mais, selon lui, une révision des règles de fixation des loyers serait aussi nécessaire. « C’est tellement plus facile, sur le plan politique, de dire que c’est le propriétai­re qui doit s’assurer du bon état de son immeuble. Mais on n’est pas dans une situation de libre marché. On nous bloque en ce qui a trait à la fixation des loyers. »

La Ville assure pour sa part que le programme RénoPlex sera de retour l’an prochain, « avec de nouveaux budgets ». Au cours des prochains mois, elle entend procéder à une analyse des retombées du programme afin d’apporter des ajustement­s jugés nécessaire­s.

Je trouve que ça n’a pas de bon sens de laisser une maison pourrir alors qu’il y a des matériaux »

qui sont encore bons MALIK SAMMOUDA

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le programme RénoPlex vise à subvention­ner les rénovation­s d’immeubles d’un à cinq logements à Montréal. Sur la photo, un travailleu­r effectue des travaux sur un bâtiment montréalai­s.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le programme RénoPlex vise à subvention­ner les rénovation­s d’immeubles d’un à cinq logements à Montréal. Sur la photo, un travailleu­r effectue des travaux sur un bâtiment montréalai­s.

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