Le Devoir

Le policier Roger Fréchette se défend à son procès pour agression sexuelle

- JESSICA NADEAU

Le policier Roger Fréchette, accusé d’agression sexuelle, avoue avoir reconduit la détenue qu’il venait de libérer jusqu’à son hôtel et l’avoir suivie dans sa chambre. Mais c’était, selon sa version, dans le but d’« aider » la dame et pour « tuer du temps » en attendant un rendez-vous médical.

« C’est sûr que d’être rentré là, c’était un peu niaiseux, j’aurais pas dû faire ça », a reconnu le policier Roger Fréchette lors de son témoignage mercredi devant la juge Lori Renée Weitzman.

Le policier de 56 ans travaillai­t comme agent de détention au centre opérationn­el sud du SPVM le soir du 18 février 2019. Sa présumée victime y avait été incarcérée après avoir résisté à son arrestatio­n au centre-ville de Montréal, où elle était venue célébrer la Saint-Valentin avec son amoureux de l’époque.

Selon les policiers qui ont procédé à son arrestatio­n et qui sont venus témoigner devant la cour mercredi, cette dernière était fortement intoxiquée par l’alcool et serait devenue « hystérique » lorsque les policiers ont arrêté son conjoint pour violation de conditions. Elle criait « fuck off, you pigs » et se débattait à un point tel que les policiers ont décidé de l’arrêter à son tour pour ivresse sur la voie publique, ontils raconté.

Selon le policier Roger Fréchette, qui faisait la tournée des cellules cette nuit-là, la détenue était encore « extrêmemen­t turbulente » lors de son incarcérat­ion, mais se calmait en sa présence. Au cours de nombreux échanges pendant la nuit, elle lui aurait notamment indiqué qu’elle ne se souvenait pas du nom de son hôtel, qu’elle ne connaissai­t personne dans la ville et qu’elle avait perdu ses clés et son portefeuil­le.

C’est sûr que d’être rentré là, c’était un peu niaiseux, j’aurais pas dû faire ça

Attente à la sortie

À la fin de son quart de travail, un peu avant 5 h 30 du matin, le policier Roger Fréchette a décidé de la laisser sortir, car elle était plus calme. Il l’a reconduite au comptoir pour qu’elle puisse récupérer ses effets personnels et a quitté le poste. Il avait alors l’intention de se rendre au CHUM pour un rendez-vous médical prévu à 8 h 45.

Une fois dans sa voiture, il aurait voulu s’assurer que ses collègues avaient bien fait leur travail. Il s’est donc stationné près de la sortie et a attendu la plaignante dans l’intention de lui dessiner un plan pour qu’elle puisse se rendre à son hôtel en toute sécurité. Lorsque la plaignante est sortie, elle n’avait pas de manteau et il faisait froid. « Embarque, je vais t’aider à retrouver ton hôtel », lui aurait-il dit.

Il s’est stationné devant l’hôtel et a suivi la plaignante jusqu’à la porte pour s’assurer, dit-il, que quelqu’un vienne lui ouvrir. Le commis de nuit a donné la clé à la plaignante et le policier a suivi celle-ci jusqu’à sa chambre.

« Je m’apprête à lui dire que je m’en vais, mais avant même que je lui dise ça, elle me demande si je veux rester avant mon rendez-vous à l’hôpital, a expliqué le policier au tribunal. Moi je vois ça comme étant une gentilless­e d’être venu la reconduire. Je dis non, mais elle insiste : elle me dit “s’il vous plaît, j’ai besoin de parler”. […] Je réfléchis, j’ai dit OK, ça me permet d’étirer le temps. Elle veut jaser, je suis bien prêt à l’écouter. »

La plaignante accuse le policier Fréchette de l’avoir touchée et de l’avoir forcée à mettre sa main sur son entrejambe. Or, selon l’accusé, ce serait elle qui lui aurait fait des avances en lui léchant le visage et en touchant son sexe. Le policier aurait alors quitté les lieux. Il affirme avoir été « naïf » de croire qu’elle ne voulait que parler.

Questionné par l’avocate de la Couronne, Me Andrée-Anne Tremblay, le policier a reconnu que c’était la première fois en plus de 10 ans de carrière au centre opérationn­el sud qu’il reconduisa­it une détenue. « Particuliè­rement pour cette personne-là, parce que je m’étais investi avec elle, je connaissai­s son état, je me sentais un peu responsabl­e », a-t-il expliqué.

Le contre-interrogat­oire du policier se poursuivra jeudi au palais de justice de Montréal.

ROGER FRÉCHETTE

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