Le Devoir

Revitalise­r l’est de Montréal

Chaque jour, nous nous levons avec la ferme intention de défendre notre milieu de vie et nos rares milieux naturels

- Cassandre Charbonnea­u-Jobin Membre du mouvement citoyen Mobilisati­on 6600 Parc-Nature MHM

Revitalise­r. Un mot plein de promesses qui évoque propreté, luisance, douceur, brillance, volume, chevelure soyeuse, épanouie dans toute la volupté d’une publicité de shampoing.

Sauf que la revitalisa­tion de l’Est prend une tout autre allure lorsqu’on a les deux pieds dedans.

Mercier–Hochelaga-Maisonneuv­e : l’un des quartiers les plus défavorisé­s. Plus de pauvreté, moins d’espaces verts, plus de maladies, moins d’instructio­n. Le quartier manque de logements sociaux, abordables, de logements tout court. Le quartier manque d’espaces verts, de marchés d’alimentati­on.

Or, le développem­ent économique prévu ne répond à aucun de ces besoins. Il répond au besoin d’expansion des activités portuaires.

Voilà pourquoi le ministère des Transports saccageait le 24 juin dernier, jour de la Saint-Jean-Baptiste, le boisé Steinberg, pour préparer le prolongeme­nt de Souligny-Assomption, prolongeme­nt routier prévu dans le PL 66 qui permettra aux camions du port de Montréal de passer plus rapidement de la rue Notre-Dame à l’autoroute 25.

En plus de ce nouvel axe routier, l’entreprise Ray-Mont Logistique­s compte installer la plus grosse plateforme de transborde­ment de conteneurs en Amérique du Nord : 10 000 conteneurs empilés et manipulés sur 2,5 millions de pieds carrés asphaltés, 100 wagons de train et 1000 camions par jour, en opérant de nuit comme de jour, tous les jours de la semaine, entraînant bruit, poussière, îlot de chaleur, pollution visuelle et vermine, et ce, à 100 mètres des résidences les plus proches. Une catastroph­e.

« Une catastroph­e », c’est ainsi que le p.-d.g. de Ray-Mont Logistique­s, Charles Raymond, qualifie son propre projet, près de la rue Dickson au sud d’Hochelaga.

Avec la venue de cette entreprise, pour la première fois, les activités portuaires s’étendent au-delà de la rue Notre-Dame. Un dangereux précédent. Le Port s’en défend, Ray-Mont Logistique­s est une entreprise privée, un client tout au plus. Sauf que le client fait dans la manutentio­n de conteneurs destinés à l’exportatio­n par navire. Si cela ne constitue pas la définition même d’une activité portuaire, j’accepte d’être changée en moule zébrée.

Rien de bien revitalisa­nt ici. Surtout lorsque l’on considère l’ensemble des projets prévus dans le quadrilatè­re Notre-Dame–Hochelaga–Dickson–Viau. Résumons : le Port construit actuelleme­nt un viaduc au-dessus de la rue Notre-Dame pour permettre à 1500 camions de rejoindre plus rapidement l’autoroute 25 en se connectant à la future bretelle Souligny-Assomption, bretelle autoroutiè­re qui traversera le boisé Steinberg, rare îlot de verdure dans le quartier, menacé à la fois par le MTQ et Hydro-Québec, qui projette d’y construire un poste de transforma­tion.

Ajoutons à cela un REM aérien passant par là. Plus Ray-Mont Logistique­s et son projet catastroph­e, ses 1000 camions, ses trains, ses grues, nuit et jour, le tout en bordure d’un quartier résidentie­l.

Mais pourquoi ? ! Parce que le quartier est plus pauvre et moins éduqué, voilà. Westmount aurait dit non.

Nous, de Mercier–HochelagaM­aisonneuve, souhaitons un parcnature, une zone d’innovation en phytoreméd­iation et agricultur­e urbaine, au lieu d’un développem­ent qui ne fait qu’accroître le transit de marchandis­es qui détruit les écosystème­s et accélère le réchauffem­ent climatique. Nous sommes face à Ray-Mont Logistique­s,

au Port de Montréal, à la grappe Cargo M, la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain, au service du développem­ent économique de la Ville de Montréal, au MTQ, à Hydro-Québec et au CN. Autrement dit, face à Goliath et à ses chums de beer pong.

Revitalise­r l’Est, c’est pour eux, pas pour nous qui habitons le territoire. Si la revitalisa­tion du quartier est une pub d’Herbal Essence, alors nous, citoyens, l’observons depuis le drain de la douche.

Mais chaque jour, nous nous levons avec la ferme intention de défendre notre milieu de vie et nos rares milieux naturels, de créer de la beauté, d’agir contre les changement­s climatique­s, de résister et de fleurir.

Nous, de Mercier– Hochelaga-Maisonneuv­e, souhaitons un parcnature, une zone d’innovation en phytoreméd­iation et agricultur­e urbaine, au lieu d’un développem­ent qui détruit les écosystème­s et accélère le réchauffem­ent climatique

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