Le tourisme canadien est pressé de rouvrir les frontières
Le Canada tarde à permettre aux voyageurs étrangers entièrement vaccinés d’entrer au pays, déplorent plusieurs représentants de l’industrie du tourisme, qui craignent que l’économie des principales métropoles du pays en soit durement affectée.
« Assez, c’est assez : on ne peut pas attendre plus longtemps. Plusieurs entreprises […] sont sur le point de perdre un autre été dans les grands centres urbains », dont une partie de l’économie dépend des voyageurs et des gens d’affaires étrangers, a souligné mercredi matin le p.-d.g. de Tourisme Montréal, Yves Lalumière, lors d’une conférence de presse tenue à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.
Depuis le 6 juillet, les Canadiens doublement vaccinés contre la COVID-19 n’ont plus à résider dans un hôtel approuvé par le gouvernement fédéral à leur retour de l’étranger ; ils n’ont plus à se placer en quarantaine à la maison non plus, sauf s’ils présentent des symptômes de la maladie.
Mais les touristes internationaux ne sont toujours pas les bienvenus au Canada, qu’ils soient vaccinés ou non. « Si tu es un Canadien avec deux doses de Moderna, tu peux voyager [à l’étranger]. Mais si tu es un voyageur international avec deux doses de vaccin, tu ne peux pas venir au Canada. Ça n’a aucun sens », a lancé mercredi le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc.
Paris, qui a récemment rouvert ses portes aux touristes canadiens, a d’ailleurs pressé mercredi Ottawa d’adopter une approche réciproque à l’égard des voyageurs français, qui ne peuvent pas se rendre au Canada si leur voyage n’est pas jugé essentiel.
« Le Canada est en voie de devenir un des pays les plus vaccinés de la planète, pourtant, nous sommes en retard en ce qui concerne la réouverture des frontières pour les [touristes étrangers doublement vaccinés] », a renchéri M. Leblanc.
Des moments difficiles
L’industrie montréalaise du tourisme connaît des moments difficiles en l’absence de touristes internationaux. « 80 % des affaires ne sont pas au rendez-vous », a indiqué M. Lalumière. « On envoie des gens à l’extérieur, mais les gens de l’extérieur ne viennent pas chez nous. Donc, pour le Canada, c’est une perte », a indiqué le p.-d.g. de Tourisme Montréal, qui demande à Ottawa d’« harmoniser » l’ouverture de ses frontières avec les autres pays du G7.
« Les Européens ont pris le leadership, bien adaptons-nous », a de son côté martelé M. Leblanc.
De nombreux travailleurs risquent de souffrir de l’immobilisme du fédéral, craint d’ailleurs le vice-président des ressources humaines et des affaires publiques d’Air Transat, Christophe Hennebelle. « Des emplois qui permettent de nourrir des milliers de familles canadiennes ne peuvent plus attendre, a-t-il lancé. Il y a urgence. L’été est là, la saison des voyages est là. Et on risque encore de la rater cette année. »
En marge d’une conférence de presse tenue à Gaspé mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a dit comprendre « l’optimisme et l’impatience » du milieu du tourisme. Or, ces dernières semaines, le variant Delta a continué de prendre du galon, au Canada comme ailleurs, et est même devenu le variant dominant chez les nouveaux cas décelés aux ÉtatsUnis, a-t-il dit.
« Ce serait un désastre de devoir revenir en arrière parce qu’on a été trop pressés de quelques semaines, avant qu’on ait atteint le niveau de vaccination nécessaire et le niveau de protection nécessaire », a souligné M. Trudeau. « Même si on approche de la fin, on n’en a pas fini avec cette pandémie », a déclaré le premier ministre fédéral.
Il est ainsi peu probable que la frontière canado-américaine rouvre le 21 juillet prochain. Le gouvernement
Trudeau a en effet annoncé ces derniers jours que celle-ci pourrait avoir lieu lorsque 75 % de la population admissible au vaccin contre la COVID19 aura reçu ses deux doses. Jusqu’à maintenant, 50 % des Canadiens de 12 ans et plus ont été entièrement vaccinés.
« Au fur et à mesure que la campagne de vaccination se poursuivra, nous surveillerons, ici au Canada et dans le monde entier, les taux de cas, d’hospitalisation et de vaccination afin de planifier la prochaine phase. Nos décisions continueront d’être fondées sur des conseils de santé publique et des données scientifiques », a pour sa part écrit au Devoir le bureau du ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra.
Planifier la reprise
À l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, l’achalandage a légèrement repris depuis que les Canadiens vaccinés peuvent voyager plus aisément. Le retour des touristes étrangers dans la métropole doit toutefois se planifier en amont, a souligné jeudi le p.-d.g. d’Aéroports de Montréal, Philippe Rainville.
Ce dernier devra notamment procéder à l’embauche d’employés pour accueillir ces visiteurs, ce qui pourrait prendre de « 30 à 60 jours ». « Un plan précis est requis maintenant pour pouvoir avoir le temps nécessaire pour accueillir cette main-d’oeuvre qualifiée dont nous avons besoin », a-t-il affirmé.
M. Rainville espère par ailleurs convaincre Ottawa d’apporter des « mesures d’allègement » aux voyageurs étrangers entièrement vaccinés, en permettant à ceux-ci de ne plus avoir à passer un test de dépistage à leur arrivée au Canada, par exemple. Autrement, les visiteurs internationaux subiront à leur arrivée au pays de « nombreuses heures d’attente » en raison des contraintes sanitaires. « On s’en va vers un problème sérieux d’engorgement », craint-il.
M. Rainville demande donc à Ottawa de faire connaître rapidement ses intentions. « On ne peut pas attendre plus longtemps. Le mois d’août est vital dans notre industrie et le tourisme est essentiel pour Montréal et sa vitalité », a-t-il conclu.