Le Devoir

Mille défis surmontés… et autant à venir

- ÉGOPORTRAI­T ALAIN McKENNA

Présent depuis 1933 à Rivière-du-Loup et de propriété québécoise depuis 1978, Premier Tech n’est pas un géant techno comme les autres. L’entreprise fondée en 1923 à New York par deux immigrants allemands s’est grandement diversifié­e au fil des décennies, passant de la culture de la mousse de tourbe aux technologi­es agricoles de pointe. Malgré le risque que fait peser la crise climatique sur l’agricultur­e et la biodiversi­té, son président, Jean Bélanger, demeure persuadé que l’humanité trouvera les solutions qui conviennen­t pour passer au travers.

Réflexions dirigées sur différents sujets

Être une multinatio­nale techno de Rivière-du-Loup

Premier Tech vend ses produits dans une centaine de marchés dans le monde et compte des filiales dans 27 pays. Cet hiver, elle a annoncé pour 250 millions de dollars d’investisse­ments pour accroître sa présence au Québec, peu de temps après avoir fait l’acquisitio­n d’un rival portugais proposant des solutions de traitement des eaux usées. L’entreprise vise une améliorati­on annuelle de son chiffre d’affaires d’au moins 10 % grâce à une stratégie d’acquisitio­ns et de croissance interne ambitieuse. L’entreprise de propriété familiale prouve qu’il n’est pas nécessaire de s’établir dans une importante métropole pour connaître du succès.

« Il y a des défis et des avantages. Être de Rivière-du-Loup nous donne une certaine aura et nous aide à nous rapprocher des communauté­s locales, peu importe où l’on se trouve dans le monde. Nous avons adopté une stratégie “glocale” [contractio­n de « globale » et « locale »] et cela marche bien pour nous. À l’internatio­nal, nous nous présentons comme une entreprise canadienne établie au Québec. Ce n’est pas tout le monde qui connaît toutes les provinces, encore moins toutes les villes canadienne­s. »

Le Québec inc. et la croissance par acquisitio­n

Dès sa fondation en 1923, c’est aux États-Unis que Premier Tech vendait toute sa tourbe de mousse de sphaigne. Évidemment, ses produits et services ont évolué, mais l’entreprise presque centenaire a continué d’élargir ses horizons et est présente à l’extérieur de l’Amérique du Nord. Les trois quarts de ses employés travaillen­t d’ailleurs hors du pays. L’entreprise est un exemple de diversific­ation géographiq­ue pour les autres entreprise­s du Québec inc. qui s’inquiètent d’une trop grande dépendance de l’économie québécoise envers le reste du Canada et des États-Unis.

« Avoir une présence internatio­nale est très naturel pour nous. Le Québec et le Canada ne sont pas d’énormes marchés et nos technologi­es ont toujours été très demandées à l’étranger. Je me souviens d’une époque où j’effectuais mes premiers appels prospectif­s en Europe

Je demeure optimiste. Je l’ai toujours été. L’humanité a vécu des milliers d’années et a dû surmonter de nombreux défis souvent complexes qui ont menacé son existence et elle s’en est toujours sortie. Les jeunes aujourd’hui ont la volonté, l’accès aux ressources et les connaissan­ces pour relever les défis à venir. Et dans trente ans, quand on aura surmonté ces défis, il y en aura de nouveaux et on les surmontera aussi.

JEAN BÉLANGER

en appelant directemen­t des entreprise­s en Irlande et en Union soviétique, comme on appelait la Russie à l’époque. Aujourd’hui, le défi est différent : c’est le recrutemen­t qui est plus difficile. La rareté de la main-d’oeuvre est internatio­nale. France, Pays-Bas, Thaïlande… »

Les biotechnol­ogies depuis 40 ans

Premier Tech a annoncé à la mi-juin la création d’une cinquième division à ses opérations. Après les systèmes d’automatisa­tion, les produits pour agriculteu­rs et consommate­urs, la gestion des eaux et les activités numériques, place aux sciences de la vie. L’entreprise, qui investit dans le développem­ent d’ingrédient­s actifs naturels depuis 1983, a décidé de pousser plus loin la recherche sur les produits de nutrition innovants qui améliorent la santé humaine et animale.

« Par exemple, nous avons mis au point une technologi­e qui permet d’extraire de façon abordable une molécule produite par certains végétaux qu’on appelle la saponine. Jusqu’ici, cette extraction était très coûteuse. La saponine peut servir à la fois d’agent de biocontrôl­e [pour protéger des végétaux de leurs parasites de façon naturelle] et de supplément digestif qui aide à éliminer le cholestéro­l. Nous avons un portfolio entier de biotechnol­ogies comme celles-là. »

L’agricultur­e dans 40 ans

Il y a de moins en moins de terres agricoles sur la planète et on compte de plus en plus de bouches à nourrir. Le point d’inflexion où l’agricultur­e mondiale ne suffira plus pour soutenir tous les êtres vivants semble se rapprocher d’année en année. Ce n’est pas tout : à mesure que les économies nationales se modernisen­t, le style de vie occidental gagne en popularité, si bien que la diète mondiale évolue vers des produits de plus en plus coûteux et énergivore­s à produire, comme la viande bovine. Bref, ce n’est pas de bon augure. Mais Jean Bélanger ne désespère pas, au contraire.

« Les défis sont grands, mais les efforts technologi­ques pour mieux protéger les végétaux et les microorgan­ismes n’en sont qu’à leurs débuts. Le mouvement vers des solutions biologique­s de gestion des sols et de la vie qui s’éloigne des produits chimiques est une bonne nouvelle. La réglementa­tion commence à s’ajuster, il faudra maintenant la faire appliquer, ce qui prendra plus de temps, mais je demeure optimiste. »

Le Tour de France

Premier Tech est commandita­ire de l’équipe de cyclistes Astana, bien représenté­e encore cette année au fameux Tour de France. On voit mal le bénéfice que peut apporter à une entreprise agricole québécoise une telle vitrine dans le sport profession­nel, mais à l’image d’un nombre grandissan­t de Québécois, Jean Bélanger est un excompétit­eur qui est encore aujourd’hui un inconditio­nnel de la petite reine et de la compétitio­n sur deux roues. Il en tire d’ailleurs des leçons qu’il applique à la gestion de l’entreprise que sa famille dirige depuis 1978.

« C’est un bel exemple de travail d’équipe et d’abnégation de soi. Le gars sur le podium ne peut pas gagner seul. Il doit sa victoire à son équipe. C’est la même chose en entreprise. En plus, le vélo est un des sports les plus abordables : on peut assister gratuiteme­nt aux compétitio­ns profession­nelles, on peut faire du vélo pour pas très cher et c’est une activité physique saine pratiquée partout dans le monde par des gens de tous les âges. »

 ??  ?? L’agricultur­e est évidemment intimement liée au climat. Une des particular­ités des cent dernières années est que les humains n’ont pas eu à constammen­t craindre de manquer de nourriture. Est-ce que la crise climatique mettra fin à cette situation ?
L’agricultur­e est évidemment intimement liée au climat. Une des particular­ités des cent dernières années est que les humains n’ont pas eu à constammen­t craindre de manquer de nourriture. Est-ce que la crise climatique mettra fin à cette situation ?

Newspapers in French

Newspapers from Canada