Quels liens entre effets secondaires et immunité ?
Les vaccins contre la COVID-19 peuvent induire des effets secondaires pouvant prendre la forme d’une douleur au bras, des maux de tête, de la fièvre, voire une grande fatigue. Mais quelle est la cause de ces malaises ? Pourquoi sont-ils plus fréquents et forts lors de la seconde dose ? Sont-ils vraiment le signe d’une bonne immunisation ? Le Devoir s’est entretenu avec trois spécialistes pour démêler le tout. Propos recueillis par Pauline Gravel.
À quoi sont dus les effets secondaires du vaccin contre la COVID-19 ?
« Les manifestations cliniques qui surviennent à la suite de la vaccination et qui ressemblent à une grosse grippe sont dues à la réaction inflammatoire qu’entraîne le vaccin. Cette inflammation est nécessaire pour que la réponse immunitaire, tant la production d’anticorps que la réponse immunitaire cellulaire, se fasse bien », souligne la Dre Caroline Quach-Thanh, du département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal/CHU Sainte-Justine.
Les antigènes contenus dans le vaccin ou produits par nos cellules dans le cas des vaccins à ARNm sont considérés par notre organisme comme des corps étrangers, voire comme des pathogènes possibles qu’il faut donc détruire. Notre système immunitaire inné réagit alors en produisant des cytokines pro-inflammatoires, telles que l’interleukine 1 (IL-1), l’interleukine 6 (IL-6) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF- ), qui induisent à leur tour la sécrétion de médiateurs inflammatoires. Ces derniers sont responsables des symptômes que l’on peut ressentir à la suite de la vaccination, précise la spécialiste.
« Des symptômes, tels qu’une douleur, une rougeur et une enflure au site d’injection, peuvent découler des réactions immunitaires locales contre la partie immunogénique du vaccin. Mais l’absence de ces effets ne signifie absolument pas que la réaction immunitaire n’a pas lieu ni que la personne ne répondra pas au vaccin. Elle reflète plutôt la grande variation des réponses entre les personnes », ajoute le Dr Don Vinh, microbiologiste infect iologueauC entre universitaire de santé McGill (CUSM).
Lorsque nous recevons la première dose du vaccin, le système immunitaire prend un certain temps à s’apercevoir que l’antigène qui a été injecté est un intrus contre »
lequel il doit se défendre ANDRÉS FINZI
Pourquoi les effets secondaires sont-ils plus prononcés après la seconde dose ?
Outre celui contre la COVID-19, quelques vaccins, dont notamment le vaccin contre la rougeole, la rubéole, les oreillons et la varicelle (RROV) et celui contre la coqueluche, ont tendance à provoquer davantage de réactions à la suite des doses de rappel, mentionne la Dre Quach. « Le mécanisme sous-jacent n’est pas complètement compris, mais il est possiblement associé à l’existence d’une immunité préexistante à l’antigène ou à une autre composante du vaccin qui réussit à rapidement déclencher l’inflammation », avance-t-elle.
Le virologue Andrés Finzi du Centre de recherche du CHUM avance une explication : « Lorsque nous recevons la première dose du vaccin, le système immunitaire prend un certain temps à s’apercevoir que l’antigène qui a été injecté est un intrus contre lequel il doit se défendre. Par contre, à la seconde dose, il le reconnaît tout de suite, car il l’a gardé en mémoire, et il est prêt à passer à l’attaque. Sa réponse est donc beaucoup plus robuste, ce qui fait que la personne pourra développer une inflammation plus importante, et de ce fait, elle pourra ressentir des effets secondaires indésirables plus marqués, même si ce n’est pas toujours aussi clair que ça », précise-t-il. « Ainsi, dès que les patrouilleurs du système immunitaire repèrent l’antigène qui a été injecté dans le bras, ils appellent l’armée à venir en renfort dans le bras afin d’encercler l’intrus et l’empêcher d’envahir le corps. Il y a toute une communication qui se met en branle. Les patrouilleurs envoient des messages sous forme de petites molécules (appelées cytokines) dans le but de recruter les bonnes cellules qui pourront contenir cet envahisseur. Il y aura donc de l’inflammation, cette dernière fait partie de la réponse. »
L’intensité des effets secondaires est-elle synonyme d’une meilleure immunisation ?
Il y a cette rumeur populaire qui circule et selon laquelle éprouver d’importants effets secondaires après avoir reçu le vaccin voudrait dire que notre système immunitaire travaille fort, qu’il est plus vigoureux et qu’il nous immunisera mieux. « C’est vrai que le système immunitaire travaille, mais si on n’éprouve pas ces malaises, y compris une douleur au bras, cela ne veut pas dire que le vaccin ne marche pas », insiste Andrés Finzi, qui a mesuré une très bonne réponse vaccinale chez toutes les personnes vaccinées, y compris celles qui n’avaient eu aucun effet secondaire.
Le Dr Vinh et la Dre Quach abondent dans le même sens. « On sait que les femmes ont davantage de réactions inflammatoires que les hommes à la suite de la vaccination, de même que les jeunes plus que les personnes plus âgées. Toutefois, l’absence d’une telle réaction ne veut pas dire que la réponse au vaccin a été moins bonne », souligne la Dre Quach.
[La réaction] inflammation est nécessaire pour que »
la réponse immunitaire se fasse bien
DRE CAROLINE QUACH-THANH