Le Devoir

Plaidoyer pour davantage d’aide aux victimes de l’islamophob­ie

Des représenta­nts de la communauté musulmane canadienne pressent le fédéral d’agir

- DISCRIMINA­TION MAAN ALHMIDI, CLARA DESCURNING­ES À OTTAWA

Les représenta­nts de la communauté musulmane présents au sommet national sur l’islamophob­ie de jeudi souhaitent que le gouverneme­nt prenne des mesures concrètes pour accompagne­r et protéger les victimes.

« Les programmes de financemen­t devraient être centrés sur l’impact sur les victimes », a déclaré la commissair­e montréalai­se à la lutte et aux discrimina­tions, Bouchra Manaï. Selon elle, il est impératif d’amasser des données sur le nombre réel d’incidents haineux, afin de « savoir ce qu’il y a sous la pointe de l’iceberg » et apporter le soutien nécessaire.

« Il faut un engagement du gouverneme­nt pour avoir des institutio­ns qui collectent des données selon la race, la religion et toute identité sociale », a renchéri Jeewan Chanicka, un éducateur et militant. M. Chanicka défend l’instaurati­on de stratégies « qui prennent en compte les multiples manières dont l’islamophob­ie se manifeste à l’école » et qui donnent des recours aux victimes.

Le maire de Calgary, Naheed Nenshi, a exprimé son impatience devant les promesses des décideurs. « Oui, le fédéral peut convoquer des sommets comme celui-ci. Oui, nous pouvons mettre en place des syllabus pour les écoles. Mais le plus important, c’est que les citoyens disent aux politicien­s ce à quoi ils s’attendent d’eux », a-t-il déclaré.

Il a critiqué le gouverneme­nt conservate­ur de l’Alberta qui, en réponse à une série d’attaques contre des femmes voilées, a entamé des démarches pour « légaliser le port de vaporisate­urs de gaz poivré » plutôt que de « réellement lutter contre l’islamophob­ie ».

Loi 21, racisme systémique et suprémacis­me blanc

Plusieurs participan­ts ont exprimé leur vive opposition à la Loi sur la laïcité de l’État québécois. « Nous vivons dans un pays où, dans une province, il y a une loi qui dit aux femmes musulmanes qu’elles ne sont pas admissible­s à certains emplois », a déploré le maire Nenshi.

En prévision du sommet, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) avait déposé une liste de 61 recommanda­tions. L’organisme, qui s’oppose fermement à la loi 21, y enjoint notamment au gouverneme­nt fédéral de créer « un fonds pour aider les personnes touchées » par cette loi. Il y demande aussi le développem­ent d’une « stratégie fédérale de lutte contre l’islamophob­ie d’ici la fin de 2021 », l’ajout dans le Code criminel de dispositio­ns touchant spécifique­ment les crimes haineux, ainsi qu’un resserreme­nt de la surveillan­ce des suprémacis­tes blancs.

Mustafa Farooq, directeur général

Nous vivons dans un pays où, dans une province, il y a une loi qui dit aux femmes musulmanes qu’elles ne sont »

pas admissible­s à certains emplois

NAHEED NENSHI

du CNMC, a affirmé que « le fédéral doit s’engager à lutter contre l’islamophob­ie systémique au sein du gouverneme­nt en examinant le profilage [à l’Agence du revenu du Canada] des organismes de bienfaisan­ce dirigés par des musulmans ou la façon dont les agences de sécurité nationale ont continué à faire du profilage à l’encontre des musulmans canadiens et d’autres minorités racisées », a-t-il déclaré.

« Nous devons voir de l’action. Et nous devons la voir maintenant, a-t-il dit. Les gouverneme­nts participan­t au sommet doivent savoir que nous voulons plus que leur participat­ion. Nous voulons voir leur engagement à respecter des échéancier­s. »

À l’ouverture du sommet, vers midi, le premier ministre Trudeau avait répété qu’« il n’y a pas de place pour l’islamophob­ie au Canada », mais qu’« il restait du travail à faire à l’échelle du gouverneme­nt pour démanteler le racisme institutio­nnel ». Sa ministre de la Diversité, Bardish Chagger, avait aussi reconnu lors de son allocution que « les mots ne sont pas suffisants » et qu’il faudra « transforme­r les paroles en actions ».

Sous le choc de London

Plus de 150 organismes avaient réclamé la tenue du sommet dans une lettre au premier ministre, en juin dernier, quelques jours après la mort de quatre membres d’une famille musulmane à London, en Ontario, frappés par une camionnett­e dans ce que la police a décrit comme un « acte prémédité » et motivé par la foi des victimes. Seul un garçon de neuf ans a survécu.

Les signataire­s ont aussi signalé la multiplica­tion des actes terroriste­s islamophob­es dans le monde, notamment l’attentat de la grande mosquée de Québec, qui a fait six morts en 2017.

De plus, une série d’attaques motivées par la haine ont visé plusieurs femmes musulmanes portant le hidjab en Alberta au cours des derniers mois. En septembre dernier, un musulman a été poignardé à mort pendant qu’il faisait du bénévolat dans une mosquée de Toronto.

Le 11 juin, les députés ont adopté à l’unanimité une motion demandant au gouverneme­nt de convoquer un sommet d’urgence sur l’islamophob­ie. Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse canadienne pour les nouvelles.

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HUBERT HAYAUD LE DEVOIR Le Conseil national des musulmans canadiens, qui s’oppose fermement à la loi 21, enjoint au gouverneme­nt fédéral de créer « un fonds pour aider les personnes touchées » par cette loi.

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