Le Devoir

Entre justice et prévention, le Canadien de Montréal doit faire mieux

Lors du dernier repêchage amateur, le club a fait de son choix de premier tour un joueur reconnu coupable d’un crime de nature sexuelle en novembre dernier

- HOCKEY Mélanie Lemay, Alexandra Dupuy, Zoyanne Côté et Jessie Nadeau #JaiChangéM­oiAussi

Lors du dernier repêchage amateur, le Canadien de Montréal a fait de son choix de premier tour (31e au total) un joueur [Logan Mailloux] devant qui 30 équipes avaient choisi de passer. Ce dernier, reconnu coupable d’un crime de nature sexuelle en novembre dernier, avait pourtant explicitem­ent demandé aux 32 équipes du circuit Bettman de ne pas le sélectionn­er et au moins 11 équipes de la LNH avaient déterminé qu’il serait effectivem­ent complèteme­nt ignoré.

Invités à s’expliquer sur une telle prise de position, le directeur général, Marc Bergevin, et son adjoint, Trevor Timmins, ont résumé leur choix à une « décision de hockey », comme si celle-ci était entièremen­t coupée du monde et du poids symbolique qu’elle véhicule.

Or, les réactions que cette décision suscite démontrent que ce choix n’est pas sans conséquenc­es, alors que des mythes et des stéréotype­s sur les violences sexuelles circulent allègremen­t tant sur le Web que dans les discussion­s de salon.

On parle de « manque de jugement », « d’erreurs de jeunesse », « d’immaturité » ou encore de « droit à une deuxième chance » et on s’improvise experts en réhabilita­tion à grands coups de relations publiques qui visent à minimiser la situation en plus de créer deux camps polarisés qui empêchent tout dialogue.

Pourtant, nommer les faits pour ce qu’ils sont invite à une réelle responsabi­lisation tant individuel­le que collective : la prise de photos intimes sans le consenteme­nt de la personne visée est un acte criminel tant en Suède qu’au Canada. Tout comme la cyberintim­idation et la distributi­on non consensuel­le d’images intimes, qu’on soit mineurs ou non.

Une action réfléchie

Il ne s’agit pas d’une erreur, ni même d’une faute grave ; c’est plutôt une action qui a été posée de manière réfléchie, préméditée et avec des conséquenc­es réelles sur la vie des personnes qui les subissent.

D’ailleurs, pas plus tard qu’en mai dernier, plusieurs jeunes Québécoise­s ont vécu un vrai cauchemar : on apprenait l’existence d’un groupe sur l’applicatio­n Telegram qui servait à partager des photos et des vidéos intimes ainsi que de la pornograph­ie juvénile à l’insu des personnes concernées, une applicatio­n suivie par près de 3000 membres. Certains y partageaie­nt les informatio­ns personnell­es de potentiell­es « proies », comme leurs identifian­ts sur les réseaux sociaux ainsi que leurs coordonnée­s.

Cette situation n’est pas anecdotiqu­e ; les crimes sexuels se sont gravement amplifiés au cours de la pandémie, que ce soit en ligne ou dans la rue. Ces violences sont partout autour de nous.

Or, aucune « carrière », ou, plutôt, aucun privilège de jouer avec une équipe sportive de haut niveau, de participer à un tournage au gros cachet ou encore de se produire sur scène devant un vaste public ne mérite qu’on balaye ces violences sous le tapis, particuliè­rement lorsqu’on sait que toute une génération s’identifie à ces personnes et s’en inspire pour forger sa propre identité.

En tant que société, il est temps de faire preuve de solidarité, d’envoyer un message clair et cohérent quant au fait que les violences sexuelles demeurent inacceptab­les, peu importe le profil de la personne qui les commet.

Parce qu’être un « bon » joueur de hockey, un « bon » humoriste ou une

La prise de photos intimes sans le consenteme­nt de la personne visée est un acte criminel tant en Suède qu’au Canada

« bonne » comédienne ne devrait jamais avoir d’incidence sur le traitement de ce genre de situation.

Surtout que nos valeurs ne sont pas uniquement reflétées par les décisions politiques ou par l’enseigneme­nt qu’on reçoit ; elles le sont également par les décisions prises par les institutio­ns qui font partie intégrante de notre patrimoine sociocultu­rel et par les messages qu’elles véhiculent aux prochaines génération­s.

Une marche de solidarité

Dans une volonté de construire des ponts, nous invitons la population ainsi que le Canadien de Montréal à venir marcher avec nous le 28 août prochain afin d’afficher notre solidarité envers les jeunes et toute personne ayant vécu différente­s formes de violence.

Cette marche sera menée par un groupe de jeunes, âgées de 15 à 20 ans, qui se mobilisent depuis plus de quatre ans pour faire valoir leur droit à la dignité ainsi qu’à la sécurité pour elles, pour leur génération et pour toutes celles qui suivront. Il est maintenant temps de passer de la parole aux actes pour que la violence cesse enfin de se transmettr­e d’une génération à l’autre. Agissons maintenant !

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