Le Devoir

Les États-Unis se rappellent l’attaque du Capitole |

- ÉTATS-UNIS CHARLOTTE PLANTIVE À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

L’un a fait un arrêt cardiaque ; un autre a subi des insultes racistes ; un troisième a été aspergé de gaz irritants, écrasé, puis frappé avec sa propre matraque… Des policiers ont rappelé mardi la violence de l’assaut sur le Capitole, à l’ouverture d’une enquête parlementa­ire qui divise déjà Washington.

L’attaque du siège du Congrès par des centaines de partisans de Donald Trump, le 6 janvier dernier, « ressemblai­t à une bataille moyenâgeus­e », a témoigné l’agent Aquilino Gonell, en décrivant une « lutte au corps-à-corps, centimètre par centimètre ». « J’ai pensé que j’allais mourir comme ça », a ajouté cet ancien militaire, en essuyant des larmes.

Un de ses collègues, Michael Fanone, a raconté avoir été « attrapé, battu et visé par un pistolet électrique Taser », au point de faire un bref arrêt cardiaque. Tapant du poing sur la table, il a dénoncé « l’indifféren­ce honteuse » de certains par rapport au traumatism­e des forces de l’ordre.

Comme lui, les témoins et les élus qui ont pris la parole mardi devant une commission spéciale de la Chambre des représenta­nts ont exprimé une douleur toujours vive plus de six mois après l’attaque qui a choqué les ÉtatsUnis et le monde.

Ils ont aussi manifesté de la colère vis-à-vis des efforts de certains élus républicai­ns pour « étouffer ou brouiller les faits », selon les termes de Liz Cheney. Cette élue républicai­ne très critique envers Donald Trump a accepté de siéger au sein de cette commission, tout comme son confrère Adam Kinzinger, au risque d’être sanctionné­s par les responsabl­es du Grand Old Party qui boycottent cette enquête.

« Beaucoup de voix dans mon parti la considèren­t comme une simple question politique, c’est toxique », a lancé Adam Kinzinger, lui aussi très ému. « Il est temps de mettre un terme aux outrances et aux complots qui alimentent la violence. »

La poigne de Trump

En forçant l’entrée du Capitole au moment où les élus certifiaie­nt la victoire du démocrate Joe Biden à la présidenti­elle, les supporteur­s de Donald Trump « voulaient faire dérailler la transition pacifique du pouvoir », a rappelé l’élu démocrate Bennie Thompson, qui dirige la commission.

À l’époque, toute la classe politique avait condamné cette attaque. Le leader républicai­n à la Chambre, Kevin McCarthy, avait même évoqué la part de « responsabi­lité » de Donald Trump, qui avait harangué la foule avec ses allégation­s infondées de « fraudes électorale­s » quelques instants plus tôt.

Mais l’ancien président, toujours très populaire au sein d’une partie de la population, a vite réaffirmé son emprise sur le parti, ce qui lui a permis d’être acquitté en février à l’issue d’un procès au Congrès pour « incitation à l’insurrecti­on ». Son refus de toute remise en question a ensuite poussé les républicai­ns, qui disposent d’une minorité de blocage au Sénat, à torpiller la création d’une commission d’enquête indépendan­te composée d’experts, comme celle mise en place après les attentats du 11 septembre 2001.

Face à ce blocage, la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, a créé fin juin une « commission spéciale » composée d’élus et demandé à Kevin McCarthy de nommer « des gens responsabl­es » pour en faire partie. Près d’un mois plus tard, elle retoquait deux des parlementa­ires choisis par le responsabl­e républicai­n, dont l’élu Jim Jordan, connu pour ses outrances et sa fidélité absolue envers Donald Trump. En représaill­es, Kevin McCarthy a retiré les autres républicai­ns sélectionn­és pour siéger dans cette commission et il ne cesse depuis de dénoncer une « imposture ».

Théories du complot

En parallèle, des théories du complot mentionnan­t la présence de militants d’extrême gauche ou antiracist­es parmi les assaillant­s ont grossi sur les réseaux sociaux et les médias favorables à l’ancien président, tandis que des élus républicai­ns tentaient de minimiser l’assaut, l’un d’eux l’ayant même comparé à une « visite normale de touristes ».

Se faisant l’écho de Donald Trump, d’autres élus du parti tentent d’imputer la gravité de l’attaque à… Nancy Pelosi, accusée de ne pas avoir mis en place un dispositif de sécurité suffisant.

Policiers et élus ont dénoncé mardi d’une seule voix ces discours. « Aucun élu du Congrès ne devrait défendre l’indéfendab­le », a estimé Liz Cheney.

Quant au policier Aquilino Gonell, il a jugé « insultant » que Trump ait loué récemment « l’amour » de la foule venue l’écouter le 6 janvier. « Je suis encore en train d’essayer de me remettre de leurs accolades et de leurs baisers », a-t-il lancé avec amertume.

La commission, qui a suspendu les auditions à la mi-journée, n’a pas encore fait connaître la suite de son programme de travail.

Elle a le pouvoir de réclamer des documents et de convoquer des témoins, et plusieurs de ses membres ont l’intention d’en faire usage, ce qui augure de nouvelles passes d’armes s’ils essaient de forcer à témoigner des proches de Donald Trump.

 ?? JIM BOURG GETTY IMAGES/AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les policiers Michael Fanone et Harry Dunn (casquette) se remémoraie­nt mardi les attaques du Capitole à Washington en janvier 2021. Selon les autorités, quelque 140 officiers ont été blessés lors des interventi­ons.
JIM BOURG GETTY IMAGES/AGENCE FRANCE-PRESSE Les policiers Michael Fanone et Harry Dunn (casquette) se remémoraie­nt mardi les attaques du Capitole à Washington en janvier 2021. Selon les autorités, quelque 140 officiers ont été blessés lors des interventi­ons.

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